CHU Sainte-Justine
vendredi 13 février 2009

La vaccination: le débat est clos

Lettre d’opinion écrite en réponse au film « Silence on vaccine » paru en 2009

Bruce Tapiéro M.D., chef du service des maladies infectieuses, CHU Sainte-Justine et professeur agrégé de pédiatrie, Université de Montréal

Cosignataires et membres du service des maladies infectieuses du CHU Sainte-Justine : Cybèle Bergeron, M.D.; Denis Blais, inf. B.Sc; Chantal Buteau, M.D.; Sandra Caron, inf. B.Sc; Jean-François Chicoine, M.D.; Anne-Marie Demers, M.D.; Pierre Gaudreault, M.D.; Céline Laferrière, M.D.; Valérie Lamarre, M.D.; Marc H. Lebel, M.D.; Philippe Ovetchkine, M.D.; Céline Rousseau, M.D.; Maude Saint-Jean, M.D.


À titre de pédiatres et de spécialistes des maladies infectieuses du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, il est de notre devoir de nous prononcer sur la question de la vaccination, relancée par les médias, à la suite de la sortie du film « Silence, on vaccine » produit par l’ONF. D’un point de vue médical, le film propose une vision mensongère et dangereuse de la vaccination. Ce documentaire malhonnête, clairement antivaccinal, ne repose sur aucune réalité scientifique. Il n’utilise et n’exploite que des tragédies familiales, jouant ainsi sur les émotions pour faire accepter, sans démonstration aucune, un lien de causalité direct entre le vaccin et la survenue de conditions neurologiques sérieuses. Cette approche alarmiste, et la publicité qui lui est faite, pourrait entraîner des conséquences néfastes pour la santé de nos enfants.

Il faut d’abord se rappeler que la vaccination est la plus grande avancée scientifique du 20e siècle; grâce à cette pratique absolument révolutionnaire, de nombreuses maladies infantiles et mortelles sont disparues. Notre expérience sur le terrain le confirme : la diphtérie, la poliomyélite, le tétanos et la variole ont disparu de notre pratique quotidienne depuis de nombreuses années. De nos jours, grâce à la mise au point de nouveaux vaccins, nous sommes les témoins privilégiés de la disparition de la plupart des méningites, septicémies, coqueluches graves, rougeoles et varicelles compliquées qui se retrouvent malheureusement que chez des enfants non vaccinés.

Les effets secondaires causés par les vaccins sont bien connus et très bien documentés. Les réactions adverses sévères sont beaucoup plus rares et beaucoup moins graves que celles reliées à la maladie naturelle1. Semer la peur en leur endroit, ou les voir où ils ne sont pas, peut avoir des conséquences extrêmement graves. À titre d’exemple, la Grande-Bretagne vit actuellement une épidémie de rougeole suite à un mouvement antivaccinal créé par un groupe d’individus qui véhiculent des croyances sans fondements scientifiques. Conséquence : de nombreux enfants ont été hospitalisés et certains d’entre eux sont morts faute d’avoir été vaccinés contre cette maladie. La Suède et le Japon ont connu une expérience similaire avec la coqueluche. Dans l’ancienne Union soviétique, la baisse de la couverture vaccinale contre la diphtérie a entraîné 160 000 cas et 4 000 décès entre 1990 et 2001. L’histoire ancienne ainsi que l’actualité plus récente montrent clairement que les vaccins demeurent toujours le meilleur moyen de prévention pour combattre les maladies infectieuses. Parents, familles, professionnels de la santé et journalistes ont tous un rôle à jouer et ne peuvent être complaisants devant une production cinématographique qui sème la confusion sur l’efficacité ainsi que sur la sécurité vaccinale, ne tenant pas compte de centaines d’études scientifiques reconnues internationalement qui ont confirmé systématiquement l’absence de lien entre l’immunisation et diverses entités cliniques dont la cause est encore inconnue (troubles envahissants du développement, lésions cérébrales, diabète, sclérose en plaque, cancer, syndrome de fatigue chronique, etc..) 2-5.

Aucun lien entre l’autisme et la vaccination

Cette affaire est désormais transparente. Les connaissances médicales actuelles, sans cesse réactualisées par la surveillance clinique et la recherche quotidienne de pointe, rejettent absolument l’idée que le vaccin RRO (Rougeole-Rubéole-Oreillons) puisse causer l’autisme. Des études portant sur des centaines de milliers d’enfants, tant au Québec, au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni qu’au Danemark, ont clairement établi que l’autisme n’était pas plus fréquent chez les enfants vaccinés par le RRO que chez ceux qui ne l’avaient pas reçu.

L’autisme est habituellement diagnostiqué entre 18 et 30 mois. Puisque les enfants reçoivent le vaccin RRO à 12 et 18 mois, certains croient, à tort, que le vaccin peut causer l’autisme. Toutes les données publiées et non publiées au sujet du vaccin RRO et de l’autisme ont pourtant été examinées de manière indépendante par des comités d’experts de l’Institute of Medecine, de la National Academy of Science des États-Unis et de l’American Academy of Pediatrics. Ces groupes ont conclu « qu’il n’existe aucune donnée scientifique pour appuyer la théorie selon laquelle le vaccin RRO provoque l’autisme, des troubles envahissants du développement ou une maladie inflammatoire de l’intestin »6. Il est navrant qu’aucune des ces évidences scientifiques n’aient été évoquées dans le film, ne laissant la place qu’à un message alarmiste utilisant des tragédies familiales.

Le thimérosal, un dérivé du mercure

La question de la toxicité potentielle d’un dérivé du mercure contenu dans certains vaccins (et dans d’autres médicaments) est l’objet d’une rumeur soutenue sur les blogues antivaccinaux ou alter vaccinaux de la dernière décennie. À l’origine, aux États Unis, le vaccin de l’hépatite B contenait du thimérosal, un composé organique du mercure utilisé pour une excellente raison : comme agent de conservation. En matière d’effets toxiques, cet éthyl-mercure n’a jamais été relié, et d’aucune espèce de façon, aux effets reconnus du méthyl-mercure contenu dans nos défunts thermomètres ou qui contamine nos poissons. Dans « Silence, on vaccine » aucune nuance n’est faite à cet égard. De fait, aucune donnée n’indique que la présence de thimérosal dans les vaccins ait ultimement provoqué des lésions cérébrales chez les enfants. De grandes études n’ont démontré aucune différence neurologique entre les enfants qui recevaient des vaccins qui contenaient du thimérosal et ceux qui recevaient des vaccins sans thimérosal. Depuis mars 2001, tous les vaccins utilisés pour la vaccination systématique des enfants au Canada et aux États-Unis sont produits sans thimérosal. Ce produit est toujours utilisé dans certains vaccins comme le vaccin contre l’influenza (grippe). Au Canada, le Comité consultatif national d’immunisation (CCNI), a statué qu’il n’y avait aucune raison sur le plan de l’innocuité pour éviter d’utiliser des produits qui contiennent du thimerosal chez les enfants et les adultes, y compris les femmes enceintes. Le fait de retirer le thimérosal des vaccins visait à maintenir la confiance du public; cette confiance à l’égard des vaccins et la participation aux campagnes de vaccination sont essentielles à l’efficacité des programmes d’immunisation7.

La vaccination est sécuritaire

Les vaccins rencontrent les standards les plus élevés de sécurité. Ils sont parmi les outils les plus sécuritaires de la médecine moderne. Pour être disponible au Canada, le produit doit rencontrer des critères d’innocuité élevés qui sont évalués par les autorités fédérales. De plus, chaque lot de vaccins fait l’objet d’une évaluation avant sa distribution. Le programme canadien de surveillance active de l’immunisation (IMPACT), qui couvre plus de 90% des lits d’hospitalisation pédiatrique tertiaire au pays, sous la responsabilité de la Société canadienne de pédiatrie, constitue depuis 17 ans un réseau de surveillance active des effets secondaires suivant la vaccination. Malgré le dépistage systématique de chaque hospitalisation pédiatrique pour troubles neurologiques aigus (plus de 1500 cas par année), aucune survenue d’encéphalopathie susceptible d’avoir été causée par un vaccin n’a pu être mise en évidence 8.

Tous ne sont pas égaux face aux connaissances scientifiques et à leur interprétation, c’est pourquoi les parents et la population en général doivent continuer à faire confiance aux professionnels de la santé qui sont au cœur de l’action et en mesure de transmettre des réponses justes et franches basées sur des données scientifiques les plus récentes et leurs expériences cliniques. Il faut rejeter collectivement la sempiternelle théorie du complot regroupant tous les acteurs des systèmes académique, scientifique et économique.

Cessons de semer la peur et la confusion quant à la vaccination de nos enfants. Et nous limiterons ainsi le nombre de victimes.

Autre source / renseignements
  1. Les vaccins : avoir la piqûre pour la santé de votre enfant. Édition Société canadienne de pédiatrie, 2006.
  2. Organisation mondiale de la Santé : www.who.int/immunization_safety/fr/index
  3. Institute of Medecice (IOM) : www.iom.edu
  4. Coalition Canadienne pour la sensibilisation et la promotion de la vaccination : www.immunize.cpha.ca/francais
  5. Guide Canadien d’immunisation, septième édition, 2006.
  6. Vaccines and Autism : A tale of shifting Hypotheses. Clinical Infectious diseases, p. 456 - 61, février 2009.
  7. Relevé des maladies transmissibles au Canada. 1er juillet 2007, volume 33, DCC-6.
  8. IMPACT après 17 ans : Des leçons apprises au sujet d’un réseautage réussi. Paediatrics and Child Health, janvier 2009, p 36.

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Mise à jour le 28 septembre 2022
Créée le 18 juin 2014
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