Dans le cadre du 115e anniversaire du CHU Sainte-Justine, 115 personnes racontent leur histoire et comment l’établissement a marqué leur vie... Cet anniversaire souligne également les 85 ans d’existence du Centre de réadaptation Marie Enfant (CRME). Merci pour ces beaux témoignages, pour ces souvenirs de joie, de peine, de résilience et d’espoir. De nouvelles histoires à découvrir chaque mois!
Annie Gilbert
Loin de ses parents et de sa région natale, Annie a pu compter sur la bienveillance du personnel de Sainte-Justine… et sur les soins de pionniers.
Dès sa naissance en 1966, en Abitibi-Témiscamingue, Annie a souffert d’une méningite, qui a engendré une hydrocéphalie secondaire – une accumulation anormale de liquide dans le cerveau. « En Abitibi-Témiscamingue, il n’y avait pas d’experts en neurochirurgie, dit-elle. Pour les examens et les interventions, j’ai donc été transférée à Sainte-Justine. »
À l’âge de quatre mois, pour diagnostiquer l’hydrocéphalie, on lui a fait passer un examen – une pneumoencéphalographie gazeuse (PEG) – qui, de nos jours, serait considéré comme barbare. « La technique consistait à pousser un peu d’air dans le cerveau pour ensuite effectuer une radiographie, décrit Annie. Cet examen risqué et imprécis est maintenant remplacé par l’IRM. » Lors de la PEG, le nourrisson a subi un arrêt respiratoire, et une pionnière en anesthésie, la Dre Halina Hoffman, a participé à l’intervention qui lui a sauvé la vie.
Pour éliminer le surplus de liquide, les spécialistes ont procédé à une dérivation ventriculo-atriale. Annie a été soignée par le Dr André Parenteau, un des pionniers de la neurochirurgie, et son résident Dr Michel Décarie. « Encore aujourd’hui, je suis fascinée d’avoir été prise en charge par des pionniers de l’époque, avec les moyens et les outils qu’ils avaient à leur disposition », affirme Annie.
Un tube de drainage a alors été installé. Il partait de son cerveau puis longeait son crâne jusque dans la veine jugulaire qui mène au cœur. C’est là que le liquide excédent était évacué. Au fil du temps, Annie grandissait, mais le tube, lui, ne s’allongeait pas…
À six ans, en septembre 1972, Annie a de nouveau dû être hospitalisée d’urgence : une longue crise convulsive suggérait que la pompe ne fonctionnait plus. Mais la situation est rentrée dans l’ordre d’elle-même. Cependant, trois mois plus tard, il a fallu changer la valve. Cette fois, dans le cadre d’une dérivation ventriculo-péritonéale, le nouveau tube allait mener le liquide en trop au niveau du ventre plutôt qu’au cœur. « Et contrairement à l’ancienne valve, qui nécessitait d’être actionnée cinq fois matin et soir pour bien fonctionner, la nouvelle valve était autonome », précise Annie.
Quelques semaines plus tard, en janvier 1973, la petite a souffert d’une autre méningite et a dû recevoir des traitements à Sainte-Justine afin de diminuer l’inflammation. « Toutes ces années, mes parents ne pouvaient m’accompagner, j’étais presque toujours toute seule. Je tiens à souligner la bienveillance de tous les professionnels qui m’ont entourée. Je me rappelle une infirmière, Micheline, dont la maman confectionnait des poupées ; elle m’en a donné une lors de mon anniversaire. » Annie allait obtenir son congé quand, sans préavis, des complications ont changé les plans. Il a été décidé qu’il fallait l’opérer. Mais Annie refusait obstinément. Elle raconte : « Quand le Dr Jean-Pierre Mathieu est venu me voir pour m’expliquer la chirurgie, il a pris mon toutou, l’a mis sous mes bras et m’a dit : ‘’ Je vais faire une exception pour toi : tu auras ton toutou jusqu’à l’opération ainsi qu’en te réveillant. ‘’ Et je me suis réveillée après la chirurgie avec le toutou dans les bras ! »
Malheureusement, une autre complication a été découverte durant cette chirurgie : une péritonite – une inflammation des membranes qui tapissent les organes de l’abdomen. Pour soigner l’infection, le Dr Michel Décarie n’a eu d’autre choix que de retirer tout l’appareillage préalablement installé, avec l’idée de le réinstaller plus tard… « Mais tout s’est replacé sans autre intervention, ce qui arrive rarement et seulement dans le cas d’une hydrocéphalie secondaire », note Annie, qui n’a plus jamais fait d’hypertension intracrânienne. À l’âge de 12 ans, elle a reçu son congé définitif de ses suivis en neurochirurgie. « À la suite des excellents soins que j’ai reçus, je n’ai aucune séquelle neurologique de toutes ces interventions, je ne conserve que des cicatrices et des souvenirs. »
Certaine que l’histoire de sa petite enfance y est pour quelque chose, Annie est devenue infirmière clinicienne, notamment en pédiatrie et en maternité. Pour faire partie de ces gens bienveillants. Et pour faire parfois, elle aussi, quelques exceptions…
Merci Annie!
© photo 1 : Denise Gilbert - Photo 2 : Yvan Cossette