Dans le cadre du 115e anniversaire du CHU Sainte-Justine, 115 personnes racontent leur histoire et comment l’établissement a marqué leur vie... Cet anniversaire souligne également les 85 ans d’existence du Centre de réadaptation Marie Enfant (CRME). Merci pour ces beaux témoignages, pour ces souvenirs de joie, de peine, de résilience et d’espoir. De nouvelles histoires à découvrir chaque mois!
Leia Bégin
Les enfants qui sont passés par Sainte-Justine peuvent nous en apprendre beaucoup sur la vie, sur l’humanité. Et peut-être nous faire évoluer…
« Je suis née à Sainte-Justine, j’ai fait mes premiers pas là-bas, dit d’entrée de jeu Leia. Au début, j’étais suivie parce que j’étais née prématurément, à 33 semaines. Mais à un certain moment, j’ai dû être transportée d’urgence à l’hôpital, où on a constaté des problèmes au niveau de mon crâne… » Leia souffrait d’une hypertension intracrânienne. À l’âge d’un an, le verdict est tombé : c’était la maladie de Crouzon, un syndrome cranio-facial qui atteint 1 personne sur 50 000.
Les suivis dans de nombreux départements de Sainte-Justine ont alors commencé : ophtalmologie, oto-rhino-laryngologie (ORL), orthodontie, plastie et autres. « Dans tous les départements qui concernent le haut du corps, au-dessus des épaules », résume Leia. Elle avait environ sept ans, en 2007, quand il a été décidé qu’elle devait subir « la grande opération », qui consistait à ouvrir son crâne d’une oreille à l’autre.
La chirurgie a duré 12 heures, après quoi la jeune fille a passé 2 heures et demie en salle de réveil. Mais comme la douleur allait être trop intense, les médecins ont plongé Leia dans un coma artificiel pendant neuf jours. « C’était ma première grande opération, mais c’était quand même super chaleureux, accueillant, se souvient-elle. Je n’avais pas peur, même si j’avais une chance sur deux de mourir sur la table d’opération. J’ai fêté Noël à Sainte-Justine, sûrement un de mes plus beaux Noël… J’avais constamment quelqu’un là pour moi. C’était magique! »
Leia est reconnaissante envers la Dre Patricia Bortoluzzi, sa chirurgienne, et Stéphanie Santos, infirmière coordonnatrice de la clinique cranio-faciale : « Ce sont elles qui m’ont permis de traverser ces épreuves-là… Car à la maison, ça n’allait pas vraiment bien. » À l’âge de 11 ans, Leia a dû être placée dans une première famille d’accueil, pour cause de problèmes familiaux. « Sainte-Justine, c’était mon point de repère qui me permettait de me dire ‘’ J’ai encore ces gens-là; eux, ils seront toujours là ‘’, ajoute-t-elle.
En tout, Leia aura subi six chirurgies majeures, et trois mineures. Les deux dernières – deux importantes opérations à la mâchoire –, elle les a vécues avec sa quatrième famille d’accueil. « Des personnes géniales, d’une présence exemplaire », tient-elle à souligner.
Aujourd’hui, elle travaille comme éducatrice en service de garde, et compte étudier en éducation spécialisée. Elle est aussi accompagnatrice auprès d’enfants ayant des handicaps. Ces emplois lui ont permis de mieux comprendre les réactions, jadis, des autres enfants à son égard. « Certes, mon visage est différent, dit-elle. Mais ça me permet de sensibiliser les jeunes au fait que c’est quelque chose de normal, que ce n’est pas grave. Et aux enfants en difficulté que j’accompagne, qui se sentent différents, j’essaie d’expliquer que la différence a le droit d’exister, qu’il faut trouver une façon de l’intégrer tous ensemble. C’est tellement beau de les voir évoluer… »
Et si la différence nous faisait tous évoluer?
Merci Leia!
© photos : courtoisie