Dans le cadre du 115e anniversaire du CHU Sainte-Justine, 115 personnes racontent leur histoire et comment l’établissement a marqué leur vie... Cet anniversaire souligne également les 85 ans d’existence du Centre de réadaptation Marie Enfant (CRME). Merci pour ces beaux témoignages, pour ces souvenirs de joie, de peine, de résilience et d’espoir. De nouvelles histoires à découvrir chaque mois!
Elizabeth Platonow
Cela fera bientôt 43 ans qu’Elizabeth travaille à Sainte-Justine. Elle coordonne depuis longtemps un programme de statistiques… mais sa carrière va bien au-delà des chiffres.
Elizabeth est née à Sainte-Justine en 1961, sa mère a travaillé au département de pathologie de l’établissement comme technicienne en microscopie électronique de 1976 à 2010.
Mais l’histoire d’Elizabeth à Sainte-Justine a réellement débuté en 1979. Alors étudiante au Collège Jean-de-Brébeuf, elle a commencé à travailler à l’urgence de l’hôpital en tant que préposée à l’entretien ménager, une fin de semaine sur deux. Elle y est restée deux ans.
« J’avais beaucoup aimé l’expérience, dit-elle. J’ai ensuite travaillé à la réception de l’urgence pendant 14 ou 15 ans. J’habitais un logement à l’arrière du bâtiment. Le duplex appartenait à Sainte-Justine, je leur payais mon loyer. Quand des gens n’entraient pas travailler, on m’appelait et j’étais littéralement sur place pour les remplacer. »
Le temps d’une élection, elle a été l’adjointe d’un député. Elle ne travaillait plus qu’une fin de semaine sur deux à l’urgence. « Mais on a perdu nos élections, et je suis retournée à Sainte-Justine à temps plein, pour un contrat de deux ans. »
Après ce contrat, on lui a offert un poste de coordonnatrice au Système canadien hospitalier d’information et de recherche en prévention des traumatismes (SCHIRPT). « C’est un programme de statistiques, explique Elizabeth. À l’urgence, je distribuais des formulaires aux parents d’enfants ayant subi des blessures, un trauma, une intoxication, etc., et ils les remplissaient. J’entrais par la suite les données sur le site du Réseau de la santé publique du Canada. Dix-sept hôpitaux participent au programme. J’y travaille depuis le début, en 1990, je suis en quelque sorte une pionnière ! [Rires] Quand de nouveaux établissements se joignent au programme, Sainte-Justine est la référence et ils s’ajustent. C’est comme ça depuis 32 ans. »
Elizabeth travaille dans l’ombre, mais le fruit de son travail se retrouve parfois à la une des journaux. Ses statistiques servent en effet aux médecins, chercheurs et aux gens des communications, elles sont la base de plusieurs articles et reportages, que ce soit au sujet des accidents de luge, des noyades ou des traumas à vélo. Des dangers ont été identifiés au fil du temps, comme les marchettes sur roulettes dans les années 80-90. « Il n’y avait pas de barrière de sécurité, les enfants tombaient souvent dans les escaliers », relate celle qui a tout répertorié.
« J’ai travaillé seule pendant 19 ans, mais le nombre de patients à l’urgence a beaucoup augmenté. Grâce à de nouveaux fonds de l’Agence de santé publique du Canada, j’ai pu obtenir de l’aide, une collègue qui collabore à l’entrée de données. En novembre 2022, ça fera 43 ans que je serai à Sainte-Justine. La plupart des gens que j’ai côtoyés ont pris leur retraite… J’ai développé de nombreuses amitiés avec l’équipe de traumato », confie Elizabeth.
Et des amitiés, elle en a développé d’autres à Sainte-Justine… en agissant comme interprète. « Parce que je parle plusieurs langues – le français, l’anglais, l’espagnol et le russe –, j’ai souvent été appelée à aider des patients à communiquer avec le personnel. Je me rappelle une famille de réfugiés salvadoriens, dont le petit garçon est arrivé à l’urgence avec des problèmes intestinaux. J’ai été appelée lors du diagnostic. Il a plus tard été hospitalisé et, chaque fois qu’il rencontrait le médecin, j’étais présente. Quand sa maman venait à l’hôpital, elle m’apportait des pâtisseries et des petits pains. Elle était tellement rassurée d’avoir quelqu’un pour traduire leur réalité… »
La mère d’Elizabeth a aussi servi d’interprète. « Nous sommes toutes les deux d’origine russe. Un jour, une femme venue de Russie a accouché à Sainte-Justine, et c’est ma mère qui a fait la traduction lors de l’accouchement. J’ai pris le relais les jours suivants. On a développé une amitié avec elle, et on a continué de se voir par la suite. Elle est déménagée dans l’Ouest du pays, mais elle continue de nous donner des nouvelles », dit-elle à propos de cette extraordinaire relation qui, elle, ne fait partie d’aucune statistique.
Merci Elizabeth!
© photos : courtoisie