Dans le cadre du 115e anniversaire du CHU Sainte-Justine, 115 personnes racontent leur histoire et comment l’établissement a marqué leur vie... Cet anniversaire souligne également les 85 ans d’existence du Centre de réadaptation Marie Enfant (CRME). Merci pour ces beaux témoignages, pour ces souvenirs de joie, de peine, de résilience et d’espoir. De nouvelles histoires à découvrir chaque mois!
Camille Girard-Bock
Ses parents n’ont jamais perdu espoir. Durant les premiers mois de sa vie, Camille, née très prématurée, a frôlé la mort. Aujourd’hui, elle est chercheuse en prématurité.
Ses parents venaient de se marier à Montréal, en juillet 1992. On ne le devinait pas sur les photos, mais Camille était bien là dans le ventre de sa maman.
En République dominicaine pour son voyage de noces, la maman de Camille est heureuse de constater que son ventre se met à s’arrondir. Elle s’imagine déjà rentrer de voyage avec une belle bedaine ronde...
Le voyage est cependant coupé court : un jour en revenant de la plage, la maman a vu des saignements et a dû se rendre à une clinique locale. « Le médecin a dit à mes parents qu’il n’entendait pas de cœur, que j’étais morte, raconte Camille. Mais ma mère, qui n’arrivait pas à croire ce qu’on venait de lui annoncer, a soudainement senti mes petits coups de pied… J’étais en vie. »
La clinique n’étant pas équipée pour mettre au monde un bébé prématuré, la maman a alors été transférée dans un hôpital de Floride, où elle a passé une batterie de tests. Quoique précaire, son état lui permettait d’être rapatriée à Montréal à bord d’un avion-ambulance. « Tous les hôpitaux de la côte est avaient été informés de la situation, au cas où il aurait fallu atterrir d’urgence, dit Camille. Dans l’avion, l’infirmière francophone disait à mes parents qu’ils devaient aller à Sainte-Justine, que c’était le meilleur endroit pour les soins donnés aux enfants. Et ils ont réussi à s’y rendre. »
Camille est née le 19 juillet 1992, à seulement 26 semaines de grossesse. Transportée aux soins intensifs dès sa naissance, la petite a dû être réanimée puis intubée. Elle y est demeurée plus d’un mois et, au total, elle aura été hospitalisée pendant trois mois. Dans l’intervalle, plusieurs complications sont survenues, mettant sa vie en danger. « Mes parents ont vécu beaucoup de hauts et de bas, relate Camille. Les médecins disaient qu’ils avaient fait tout ce qu’ils pouvaient, que la suite dépendait maintenant de la volonté du bébé de survivre… » Son papa, qui devait travailler à Gatineau, venait la voir deux fois par semaine. Sa maman, qui dormait chez sa propre maman à Montréal, venait tous les jours. Le 21 octobre, jour de l’anniversaire de sa grand-mère, Camille a enfin pu quitter l’hôpital. « C’était une belle journée ensoleillée, paraît-il… »
Toute son enfance, Camille est retournée périodiquement à Sainte-Justine. Jusqu’à l’âge de sept ou huit ans, elle a aussi participé à différents projets de recherche et à diverses études. « Je me souviens des électrodes qu’ils me mettaient sur la tête… et des cadeaux qu’ils me donnaient ensuite!, lance-t-elle avec le sourire. Naître prématurément n’a pas eu trop d’impacts sur ma vie, et j’ai eu une adolescence normale. »
Des années plus tard, Camille a fait un baccalauréat en sciences biomédicales et s’est vite orientée vers la recherche. Elle a enchaîné avec une maîtrise en sciences pharmaceutiques et, en songeant à un sujet de doctorat, elle s’est rappelé un projet de recherche auquel elle avait collaboré peu de temps avant. « Si j’allais faire un doctorat, il fallait que je sois passionnée par le sujet, explique-t-elle. Durant ce projet de recherche dans le laboratoire du Dr Nuyt, j’ai découvert qu’il existait des recherches sur la prématurité. »
En 2016, Camille a rejoint le laboratoire du Dr Nuyt pour étudier les conséquences à long terme des naissances prématurées, particulièrement les conséquences cardiovasculaires. Le 31 août dernier, elle a effectué le dépôt initial de sa thèse de doctorat.
Maintenant étudiante en médecine, Camille aimerait se spécialiser en pédiatrie ou en obstétrique-gynécologie. Sa future carrière, comme clinicienne chercheuse, elle veut l’orienter vers la santé mère-enfant.
D’ailleurs, durant son doctorat, inspirée par l’histoire de sa maman, Camille a développé le concept du Mur d’espoir, qui présente des témoignages de parents et de personnes ayant reçu des soins à l’unité de néonatalogie. « Parce que de tels témoignages ont beaucoup aidé ma mère. Ils lui ont donné de l’espoir. »
Et l’espoir peut mener loin.
Merci Camille!
© photos : courtoisie