Photo : © CHU Sainte-Justine (Véronique Lavoie)
Le Laboratoire de pharmacologie du CHU Sainte-Justine a récemment reçu une excellente nouvelle : le New York State Department of Health l’a accrédité pour l’analyse de l’activité de l’asparaginase, une enzyme utilisée pour traiter la leucémie lymphoblastique aigüe (LLA).
« C’est une accréditation difficile à obtenir, les normes sont sévères », explique Mathieu Burelle, chef de service administratif du Laboratoire de pharmacologie. « On y a travaillé plusieurs mois, la direction d’Optilab s’est mobilisée, et les deux semaines avant l’audit ont été très occupées! », ajoute-t-il.
La visite des gens de New York a eu lieu en décembre dernier, et la réponse positive tant attendue est arrivée à la mi-avril.
Cette accréditation (de catégorie Therapeutic Substance Monitoring/Quantitative Toxicology) ouvre de nouveaux horizons dans le suivi thérapeutique pharmacologique, tant au niveau de la recherche clinique que pour les soins aux patients. Elle s’ajoute aux accréditations du BNQ (Bureau de normalisation du Québec, norme ISO 15189), du CLIA (Clinical Laboratory Improvement Amendments) et du Rhode Island Department of Health. Ces accréditations permettent au laboratoire d’offrir des services pharmacologiques non seulement au Canada, mais aussi dans 47 états américains.
Un peu d’histoire
Le CHU Ste-Justine fait partie du consortium Dana Farber Cancer Institute de Boston, qui travaille sur l’optimisation de nouvelles formulations de l’asparaginase dans le traitement de la LLA. En 2016, le groupement souhaitait identifier les patients qui développaient des anticorps contre l’asparaginase (ce qui diminuait l’efficacité de la molécule dans le traitement de la LLA).
Un protocole de recherche a donc été lancé afin de recueillir des données et d’analyser l’effet du traitement. Le laboratoire du CHU a alors fait d’une pierre deux coups, offrant le dosage de l’activité de l’asparaginase pour les enfants canadiens avec LLA et obtenant un support financier des fabricants de l’asparaginase.
Un leader en recherche
Le rôle du Laboratoire de pharmacologie en lien avec la collecte des données est de mesurer l’activité de l’asparaginase dans le sang des enfants traités, avant et après l’administration des doses de l’asparaginase.
Quand l’équipe a développé cette expertise, elle a d’abord dû obtenir une accréditation de la part du Clinical Laboratory Improvement Amendments (CLIA). « On a travaillé deux ans pour y arriver », raconte Yves Théorêt, chimiste et pharmacologue. « Et l’accréditation du New York State Department of Health a été encore plus difficile à obtenir! » précise-t-il. Elle était toutefois nécessaire, puisque certains états, dont New York et le Rhode Island, demandent leur propre certification en plus de celle du CLIA.
Désormais, le CHU – qui cherche des moyens de mieux traiter la LLA depuis de très nombreuses années – peut recevoir des spécimens de projets de recherche des États-Unis. « On reçoit les tubes de prélèvements de tous les centres hospitaliers américains et canadiens participants », explique Yves Théorêt. Une trentaine de mesures par patient ont été recueillies dans le cadre de ce protocole.
Un pionnier dans les soins
Côté soins, le Laboratoire de pharmacologie contribue également au traitement de beaucoup de patientes et patients qui ne font pas partie du projet de recherche du consortium. « Les prélèvements proviennent de partout au Canada, et on fait toutes les analyses portant sur la mesure de l’activité de l’asparaginase, même pour les adultes », poursuit Yves Théorêt. Les données sont envoyées au centre traitant, qui peut alors ajuster les doses de l’asparaginase.
Le CHU Ste-Justine est le seul centre à offrir cette analyse pour les soins de la LLA au pays, et le seul centre public approuvé par les États-Unis.
Un travail de collaboration
Depuis 2016, plusieurs personnes ont contribué à cette aventure, outre Mathieu Burelle, Mathieu St-Louis et Yves Théorêt. Les Drs Jean-Marie Leclerc et Thai Hoa Tran, les chefs d’équipe Audrey Denoncourt et, plus récemment, Richard Fréchette, ainsi que les techniciennes en laboratoire (Isabelle Brousseau, Vanessa Gilbert et Marie-Ève Maltais) ont aussi été très impliqués.
« On a du personnel fantastique. Il a fallu apprendre de nouvelles techniques, et on doit toujours démontrer nos compétences de façon continue », affirme Mathieu Burelle.
Résultats et suite
L’analyse des résultats des travaux du Laboratoire de pharmacologie sur l’asparaginase du protocole de Boston est en cours. Elle devrait être publiée au cours des prochains mois dans divers journaux scientifiques.
Après plus de 15 000 échantillons analysés, les cliniciens peuvent maintenant identifier rapidement les patients « allergiques » qui ne répondent plus au traitement à l’asparaginase prescrite, et qui doivent recevoir une nouvelle formulation de l’enzyme. Le protocole semble également indiquer que pour la très grande majorité des patients qui n’y sont pas allergiques, une dose moindre conserverait une activité anti-leucémique optimale.
Les travaux ont ainsi définitivement permis d’optimiser l’administration de l’asparaginase chez les adultes avec LLA, et ainsi favoriser leur guérison. Les efforts constants pour maximiser l’efficacité des médicaments dans le traitement des LLA chez l’enfant se reflètent aussi par un taux de survie global de plus de 90 %.
En conclusion
Cette nouvelle certification du New York State Department of Health démontre l’unicité et l’expertise innovante du Laboratoire de pharmacologie, et lui ouvre la porte à plusieurs autres projets. La présente analyse sera notamment adaptée pour mesurer l’activité enzymatique des nouvelles formes de l’asparaginase qui seront prochainement commercialisées aux États-Unis et au Canada.
« Il n’y a vraiment pas beaucoup de laboratoires qui ont toutes les certifications que nous possédons. Et en faisant partie de ces grands regroupements de recherche clinique, on a plus d’impact », conclut Yves Théorêt.