Décrivez de manière vulgarisée la nature de vos travaux actuels :
PJ : L’approche entreprise dans mon laboratoire est d’utiliser les données médicales numériques, lors de l’hospitalisation aux soins intensifs, en les intégrant dans des algorithmes informatiques qui reproduisent le raisonnement médical afin d’aider les soignants à prendre leur décision en temps réel.
CQT : Mon équipe de recherche travaille à prévenir les infections évitables par la vaccination et acquises à l’hôpital – surtout les infections causées par des germes résistants aux antimicrobiens touchant particulièrement les clientèles vulnérables (prématurés et immunocompromis). La vaccination, en prévenant les infections, permet de diminuer l’utilisation d’antibiotiques, et par le fait même, le risque de développer la résistance aux antibiotiques. À l’aide de bases de données administratives et de surveillance, nous visons à détecter et prédire les patients à risque d’infections nosocomiales.
HS : Nous travaillons sur les maladies virales qui se transmettent de la mère à l’enfant durant la grossesse ou lors de l’accouchement. On parle ici des hépatites virales, qui sont des maladies contagieuses qui affectent le foie, du VIH, le virus responsable du SIDA, et de certains virus moins bien connus qui peuvent causer des maladies congénitales chez l’enfant (virus Zika, cytomégalovirus).
Quel est votre rêve le plus fou en lien avec vos travaux ?
PJ : Avoir des systèmes d’aide à la décision qui nous amèneraient à une médecine proche de celle pratiquée dans Star Treck!
CQT : Que tout enfant nécessitant des soins hospitaliers puisse en ressortir sans risquer une infection nosocomiale évitable. De nos jours, près de 20 % des enfants aux soins intensifs de néonatologie développent une infection nosocomiale; pouvoir les prévoir et les prévenir serait une avancée extraordinaire.
HS : Prévenir et/ou guérir toutes ces maladies chez l’enfant afin qu’elles ne soient plus qu’un mauvais souvenir pour les générations à venir…
Où voyez-vous votre champ d’expertise dans 10 ans?
MB : La traumatologie est un champ d'expertise très vaste. L'équipe de chercheurs comprend des intensivistes, des urgentistes et des orthopédistes pour n'en nommer que quelques-uns. Les domaines de recherche sont aussi variés que le traumatisme cranio-cérébral, la gestion de la douleur et la simulation lors de désastres externes. Grâce aux collectes de fonds considérables du Défi-Jeunesse des dernières années, la recherche en trauma est en plein essor. De nouvelles collaborations et de nouveaux projets voient le jour. Nos chercheurs travaillent fort actuellement pour améliorer les soins aux patients traumatisés et une voie d'avenir à développer est définitivement la prévention des traumatismes puisque cela constitue la façon la plus efficace de diminuer la mortalité par trauma qui représente la 1re cause de mortalité chez les patients âgés de 1 à 18 ans.
PJ : Dans les 10 ans à venir, les systèmes d’aide à la décision que nous développons feront partie de la pratique clinique courante. Les soignants utiliseront en temps réel les informations issues de ces systèmes tout comme cela se fait par exemple avec les applications Google Map qui guident notre parcours routier pour nous rendre à bon port.
CQT : Les avancées en prévention des infections devront se faire en collaboration avec les sciences sociales et le génie. Par ailleurs, nous comprendrons davantage la dynamique et l’impact clinique des modifications de notre microbiote (les millions de microorganismes qui nous composent). Je pense que les modifications de ce microbiote nous aideront aussi à prévenir les infections
HS : Je pense que nous aurons fait de grands progrès si on regarde comment évolue ce champ d’expertise en raison des progrès récents dans le domaine de la génomique.
Pourquoi au CHU Sainte-Justine excelle-t-on dans ce pôle?
MB : Parce que les chercheurs en traumatologie se sont regroupés afin de mettre en commun leurs savoirs et créer des collaborations uniques. La traumatologie est un domaine où la multidisciplinarité est la plus importante dans les soins aux patients: plusieurs médecins et professionnels doivent travailler ensemble au chevet d'un même patient. Cela doit se refléter également dans la recherche et c'est ce que nous sommes parvenus à accomplir au CHUSJ.
PJ : Conscient de l’intérêt majeur de ce domaine de recherche, le CHUSJ a investi, depuis le début de cette décennie, en infrastructure informatique à laquelle s’est ajouté du personnel de recherche et des soignants spécialisés pour développer ce domaine de recherche. Nous avons constitué une grande banque de données informatiques, et développé des partenariats avec Polytechnique Montréal, HEC Montréal, ainsi que l’École des technologies supérieures. Le CHU Sainte-Justine est maintenant à l’avant-scène internationale dans ce domaine, soutenu par les financements Apogée Canada d’IVADO et TransMedTech.
CQT : Nous soignons une clientèle hautement fragile chez qui la prévention des infections est d’une importance capitale. Les expertises variées, tant en recherche qu’en clinique, la curiosité, la générosité et le dynamisme des membres du pôle sous-tendent l’excellence. La sélection et la participation active des membres de ce Pôle aux différents comités et tables de concertation, tant au niveau provincial, fédéral qu’international, font de nous tous des chefs de file en maladies infectieuses et permettent au CHU Sainte-Justine d’innover sans cesse.
HS : Le CHU Sainte-Justine regroupe une parfaite combinaison d’intervenants de première ligne, de spécialistes cliniques en infectiologie mère-enfant, de chercheurs en sciences fondamentales, et d’experts en santé publique. C’est cette combinaison, cette chimie, qui permet d’avoir un impact positif sur la santé des mères et des enfants.
Légende
Philippe Jouvet (PJ) est pédiatre intensiviste et chercheur; professeur titulaire au Département de pédiatrie de l’UdeM; directeur adjoint de l’axe Soins critiques respiratoires du Réseau en santé respiratoire du FRQS
Marianne Beaudin (MB) est chirurgienne pédiatrique et chef du Service de traumatologie; professeure adjointe de clinique au Département de chirurgie de l’UdeM
Hugo Soudeyns (HS) est chercheur et directeur du laboratoire NC3; directeur et professeur titulaire au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’UdeM
Caroline Quach-Thanh (CQT) est pédiatre microbiologiste infectiologue, chercheuse et directrice médicale pédiatrique de OPTILAB Montréal-CHUM; professeure titulaire au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’UdeM