2024
La tamsulosine pour l’expulsion des lithiases urétérales chez la femme qui allaite
30 août 2024
Les lithiases urinaires (ou urolithiases) ne sont pas rares et peuvent se compliquer d’un tableau de colique néphrétique. Les approches de traitement (conservateur, traitement médical expulsif, lithotritie (fragmentation des calculs rénaux à l’aide d’un appareil générant des ondes de choc), chirurgie, etc.) sont sélectionnées selon la localisation et les caractéristiques de la lithiase ainsi qu’en fonction des autres conditions médicales et des risques de complications (1).
Dans certains cas, des femmes qui allaitent pourraient se voir offrir un traitement médical expulsif, comme la tamsulosine. Cette capsule web présente les données sur la tamsulosine durant l’allaitement et propose un cadre pour évaluer sa sécurité durant l’allaitement.
La place de la tamsulosine dans le traitement des urolithiases
Chez une personne atteinte d’une urolithiase, dans le cas où le passage spontané est attendu (p. ex., lithiase urétérale distale moins de 5 mm, sans complications), un traitement conservateur reposant sur l’observation et des analgésiques (anti-inflammatoires non stéroïdiens) est généralement préconisé (1).
Dans le cas d’une lithiase urétérale distale plus volumineuse, un traitement médical expulsif est parfois envisagé. Les traitements médicaux expulsifs les plus étudiés sont les alpha-bloquants, dont notamment la tamsulosine. Plusieurs méta-analyses ont montré l’efficacité des alpha-bloquants pour accélérer le passage de la lithiase, diminuer les risques d’hospitalisation et diminuer le recours aux analgésiques (2,3). Néanmoins, leur utilisation reste discutée car les bienfaits sont plus modestes lorsqu’on analyse uniquement les études de meilleure qualité (2,4). Ainsi, plusieurs sociétés savantes proposent le recours à ces médicaments dans le cas de lithiase urétérale distale de 5 à 10 mm de diamètre (3,5,6), mais reconnaissent les données conflictuelles sur l’efficacité du médicament et soulignent la nécessité de peser les avantages et inconvénients du traitement avec la patiente ou le patient (1).
Notons que les alpha-bloquants peuvent aussi être prescrits dans d’autres indications, comme traitement adjuvant après une lithotritie, ou en périopératoire d’une urétéoscopie; les données supportant leur efficacité et l’évaluation des risques et bienfaits dans ces indications peuvent être différentes (1,5).
La tamsulosine et l’allaitement
Le passage de la tamsulosine dans le lait n’a pas été étudié. La littérature médicale ne relève pas non plus de recul clinique sur l’utilisation de ce médicament chez la personne qui allaite.
La petite masse moléculaire de la tamsulosine (445 g/mol) laisse présager une diffusion passive dans le compartiment lacté, mais celle-ci est probablement limitée par la forte liaison protéique du médicament (94 à 99 %) (7). Les propriétés physicochimiques et pharmacocinétiques ne remplacent pas des données sur le transfert lacté, mais on reconnaît généralement que la liaison protéique est l’un des déterminants importants du passage des médicaments dans le lait (8,9). La demi-vie d’élimination plasmatique de la tamsulosine est de 5 à 7 heures; la demi-vie apparente atteint 12 à 15 heures pour la préparation à libération contrôlée (7).
Ces données doivent être interprétées en considérant aussi le profil d’innocuité du médicament, les facteurs propres à la mère et l’enfant ainsi que les conditions d’exposition :
- Profil d’innocuité : la tamsulosine est généralement bien tolérée : les effets indésirables rapportés sont le plus souvent mineurs chez l’adulte (p. ex., étourdissements, céphalées) (3,7), tout comme chez l’enfant de plus de deux ans (10). Il n’existe cependant pas de données sur son profil de tolérance chez de très jeunes enfants;
- Facteurs propres à la mère et à l’enfant : la plupart des effets indésirables associés à l’utilisation d’un médicament durant l’allaitement ont été décrits dans les deux premiers mois de vie de l’enfant (11). En effet, cette période correspond à un moment où la vulnérabilité du nourrisson aux effets médicamenteux est plus grande et où l’allaitement est la principale source d’alimentation du bébé;
- Conditions d’exposition : la tamsulosine en traitement médical expulsif est administrée à raison d’une dose quotidienne répétée jusqu’à l’expulsion de la lithiase; la durée de traitement est généralement proportionnelle au diamètre de la lithiase (en moyenne une à trois semaines, et jusqu’à un mois) (2). Une durée de traitement prolongée pourrait être un facteur de risque d’accumulation pour un nourrisson très jeune dont les voies métaboliques sont immatures.
Les autres options de traitement
La nifédipine a également été proposée comme traitement médical expulsif. Son utilisation et son innocuité durant l’allaitement sont bien documentées pour le traitement de l’hypertension artérielle. Ce traitement est compatible avec l’allaitement et ne requiert aucun suivi particulier (12). Cependant, les études comparatives montrent une efficacité inférieure par rapport à la tamsulosine comme traitement médical expulsif (3), et possiblement similaire au placebo (13).
Notons que les anti-inflammatoires non stéroïdiens (p. ex., ibuprofène ou naproxène) sont compatibles avec l’allaitement maternel (12) et sont les analgésiques de premier recours pour le soulagement de la douleur liée à la colique néphrétique, en l’absence de contre-indications (1, 5).
En somme
Le transfert lacté de la tamsulosine n’est pas connu. En raison de sa forte liaison protéique, il est peu probable que la tamsulosine se retrouve dans le lait en quantité cliniquement significative. Avec un profil d’innocuité favorable, il est peu probable que la tamsulosine présente un risque d’effets indésirables importants pour l’enfant allaité, en particulier chez un nourrisson plus âgé (p. ex., plus de deux mois). Il reste difficile de définir un suivi concret pour le nourrisson; certains proposent de suivre des signes d’étourdissement, de léthargie, d’appétit ou de boires diminués (9).
Le recours à la nifédipine pourrait être une alternative, par exemple chez une personne qui allaite un nouveau-né ou un enfant prématuré, étant donné son passage faible dans le lait et le recul clinique favorable en allaitement. Néanmoins, son efficacité est incertaine (3).
Rappelons finalement que l’efficacité du traitement médical expulsif reste discutée dans la littérature médicale; les bénéfices de la tamsulosine sont montrés plus spécifiquement chez les personnes ayant une lithiase urétérale distale de 5 à 10 mm de diamètre (1,2,5).
Rédigé par :
Marie-Sophie Brochet, pharmacienne, M.Sc., centre IMAGe
Josianne Malo, pharmacienne, M.Sc., centre IMAGe
Révisé par :
Brigitte Martin, pharmacienne, M.Sc., centre IMAGe
Références
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2023
La dompéridone comme galactogogue et la santé mentale
10 mai 2023 - mise à jour 31 octobre 2023
Mise en contexte
Au Canada, la dompéridone est commercialisée depuis plus de 30 ans et est indiquée pour le traitement symptomatique des troubles de motilité des voies digestives supérieures. Ici et dans d’autres pays comme le Royaume-Uni et l’Australie, elle est aussi utilisée hors indication comme galactogogue étant donné que ses effets antidopaminergiques permettent la libération de prolactine, principale hormone responsable de la biosynthèse du lait (1). En ce qui concerne l’efficacité de la dompéridone, les méta-analyses rapportent une augmentation de la production lactée significative, mais modeste, soit une augmentation d’environ 100 mL par jour (traitements de 4 à 28 jours, généralement 10 mg par voie orale trois fois par jour chez des mères qui expriment leur lait pour leur bébé prématuré) (1,2).
Selon une étude canadienne basée sur des registres nationaux, 12 % des femmes auraient rempli une prescription pour de la dompéridone au cours des six premiers mois du post-partum (3), ce qui en fait l’un des médicaments les plus utilisés par les mères qui allaitent.
Récemment, il y a eu plusieurs discussions dans les médias concernant des effets psychiatriques rapportés par des mères à l’arrêt du médicament. Cette capsule résume les données publiées à ce sujet dans la littérature médicale et propose une analyse et des éléments pour la pratique clinique.
Description des cas rapportés
Une courte série et quelques notifications de cas totalisent huit mères ayant développé des problèmes de santé mentale à l’arrêt de la dompéridone (4-9). Les différentes publications s’étalent sur dix ans et proviennent du Canada et des États-Unis. En voici les principales caractéristiques, avec nos calculs :
- Dose médiane de dompéridone : 90 mg/jour (écart 30 à 160 mg/jour);
- Durée médiane du traitement initial à la dompéridone : 7 mois (écart 5 semaines à 10 mois);
- Méthode d’arrêt de la dompéridone : arrêt abrupt (n = 5), diminution de 10 mg/jour chaque semaine (n = 2) ou chaque 3 à 4 jours (n = 1);
- Délai médian d’apparition des symptômes après l’arrêt : 11 jours (écart 0 à 14 jours);
- Manifestations mentales chez les mères (du plus au moins fréquent) : insomnie, anxiété, dépression, attaque de panique, agitation, idées suicidaires, pensées d’homicide;
- Autres manifestations maternelles (du plus au moins fréquent) : mouvements anormaux (spasmes musculaires involontaires, akathisie, tremblements), tachycardie ou palpitations, nausée, perte d’appétit, dysphagie, polyurie.
Toutes les mères utilisaient plus de 30 mg par jour, sauf une qui avait été traitée durant une longue période (10 mois) (5). Seulement deux mères avaient un antécédent de maladie mentale (dépression) (8,9). Pour soulager les mères, divers traitements ont été tentés (antidépresseurs, antipsychotiques, benzodiazépines et hypnotiques) mais se sont avérés inefficaces. Sept femmes ont repris la dompéridone, ce qui a amélioré les symptômes chez six d’entre elles. De ces dernières, deux ont pu compléter le sevrage de 10 mg par jour chaque semaine, tandis que quatre ont fait un sevrage plus graduel afin éviter la réapparition des symptômes.
Analyse
Les problèmes de santé mentale rapportés à l’arrêt d’un traitement prolongé à la dompéridone sont peu spécifiques, mais présentent somme toute un tableau clinique similaire. De plus, le fait que les symptômes s’améliorent à la reprise de la dompéridone est en faveur d’un lien de causalité. Dans deux cas, l’algorithme de Naranjo a été appliqué et suggère l’arrêt de la dompéridone comme une cause probable (4,6).
Des hypothèses
Généralement, la dompéridone pénètre peu le système nerveux central. En effet, elle est un très bon substrat des pompes d’efflux de la barrière hématoencéphalique, comme la glycoprotéine P (10). Toutefois, ces pompes d’efflux sont saturables : des doses de dompéridone plus élevées peuvent générer des concentrations suffisantes au système nerveux central pour produire des effets (10,11). Il est possible aussi que la capacité d’efflux soit variable d’une personne à l’autre, et que certains soient génétiquement plus vulnérables aux effets centraux de la dompéridone (8).
Plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer les effets centraux décrits à l’arrêt du médicament. Selon l’hypothèse de la voie dopaminergique, un transfert significatif de dompéridone au cerveau bloquerait de façon soutenue les récepteurs dopaminergiques et entraînerait une neuroadaptation (augmentation de la densité et de la sensibilité des récepteurs à la dopamine) (12). À l’arrêt de la dompéridone, la dopamine endogène exercerait un effet majoré, expliquant les symptômes psychiatriques (12). Cette neuroadaptation peut persister durant plusieurs mois. Par ailleurs, une contribution de la voie sérotoninergique n’est pas exclue, parce que celle-ci est interconnectée avec la voie dopaminergique, et que plusieurs des manifestations décrites rappellent un retrait sérotoninergique (11,12). Selon l’hypothèse de la prolactine, l’usage prolongé de dompéridone causerait une hyperprolactinémie chronique. L’arrêt abrupt de la dompéridone entraînerait une chute rapide de la prolactine, causant des symptômes psychiatriques (4). Cette dernière hypothèse est supportée par les résultats d’une étude sur d’autres médicaments connus pour augmenter la prolactine (13). Enfin, la privation de sommeil liée aux soins requis par un nouveau-né pourrait déclencher un trouble psychiatrique sous-jacent (9).
En somme
Protéger et soutenir l’allaitement
L’allaitement maternel est la norme biologique. Il est considéré comme le meilleur mode d’alimentation du nourrisson en raison de la qualité nutritionnelle du lait maternel et de ses propriétés immunologiques, en plus des nombreux avantages pour la personne qui allaite (14). L'Agence de la santé publique du Canada, Santé Canada et l'Organisation mondiale de la Santé recommandent : de nourrir les bébés exclusivement au lait maternel de la naissance à six mois; de continuer l'allaitement jusqu'à deux ans ou plus après l'introduction d'aliments solides (15). L’allaitement peut néanmoins s’accompagner de difficultés, et les personnes qui vivent des défis d’allaitement doivent avoir accès à des professionnels de la santé qui ont les connaissances et compétences nécessaires pour les soutenir (14).
Éléments pour la pratique
La perception d’insuffisance de lait est la principale cause de l’arrêt précoce de l’allaitement au Canada (16). Les mères qui soupçonnent une insuffisance de lait devraient bénéficier d’un soutien en allaitement, notamment pour évaluer si le problème est réel (1). En cas de production insuffisante confirmée, les causes de celle-ci doivent être recherchées et corrigées (par exemple, stimulation insuffisante, transfert de lait inefficace, douleur, troubles endocriniens chez la mère ou musculosquelettiques chez le bébé, prise de médicaments pouvant affecter la production de lait, consommation d’alcool ou de tabac, hypothyroïdie, anémie, etc.) (17). Voici quelques exemples de mesures non pharmacologiques, qui sont le traitement de première ligne (17,18) :
- Recommander le contact peau à peau précoce et répété entre la mère et l’enfant;
- Souligner l’importance de l’allaitement à l’éveil et, par la suite, à la demande, au minimum huit fois par 24 heures;
- Encourager une mise au sein physiologique et confortable menant à un bon transfert de lait;
- Enseigner la compression du sein pendant la tétée;
- Soulager la douleur aux mamelons et aux seins et en traiter les causes sous-jacentes.
Si l’insuffisance de lait persiste malgré les mesures non pharmacologiques, la dompéridone peut être envisagée pour la personne qui allaite lorsqu’il n’y a pas de contre-indication. Un problème de santé mentale n’est probablement pas une contre-indication à la dompéridone, mais pourrait prédisposer aux effets centraux et justifie un suivi. Les données publiées sur l’efficacité de la dompéridone comme galactogogue et les directives des autorités de santé conduisent à recommander une dose de 10 mg par voie orale trois fois par jour (19-21).
Les personnes qui ne répondent pas à la dompéridone peuvent cesser de la prendre, sans prévoir un sevrage graduel. Pour celles qui tirent des bénéfices du traitement, un sevrage graduel de la dose pourrait être envisagé quelque temps après que la réponse a été observée, afin de trouver la dose minimale efficace et possiblement d'arrêter le traitement s'il n'est plus nécessaire. Il n’existe pas de données probantes pour encadrer le sevrage de la dompéridone. Dans la pratique, elle est sevrée graduellement de 10 mg par jour chaque semaine. Ce schéma de diminution pourrait contribuer à prévenir les effets sur la santé mentale à l’arrêt de la dompéridone, sans toutefois éliminer ce risque.
Un effet possible, mais rare
Les cas rapportés rappellent que la dompéridone est un médicament qui comporte des effets indésirables potentiels, ici liés à la dose et à la durée du traitement. À l’heure actuelle, il est impossible d’établir la prévalence des effets sur la santé mentale à l’arrêt d’un traitement prolongé à la dompéridone. Cela dit, si on considère qu’il s’agit d’un des médicaments les plus utilisés par les mères qui allaitent et que seuls quelques cas ont été rapportés dans la littérature médicale, il est raisonnable de penser que ces effets sont rares, surtout à posologie de 30 mg par jour. Il est néanmoins possible que les effets aient été sous-rapportés.
Si une personne qui prend la dompéridone développe de l’insomnie, de l’anxiété, de la dépression ou d’autres effets en cours de sevrage, elle devrait reprendre la dose du palier précédent et consulter son équipe de soins pour une évaluation, un suivi, et possiblement un sevrage plus graduel de la dompéridone.
Rappelons enfin que, malgré la possibilité rare d’effets de retrait à l’arrêt de la dompéridone, les problèmes de santé mentale, comme la dépression, l’anxiété, et les troubles de stress post-traumatique, sont fréquents durant le postpartum et requièrent une prise en charge par un professionnel habileté.
Un dépliant destiné aux femmes qui prennent de la dompéridone pour augmenter leur production de lait a été publié par l'équipe du CHU Sainte-Justine.
Rédigé par :
- Jonathan Garcia, Pharm.D., étudiant à la maîtrise en pharmacothérapie avancée, Faculté de pharmacie, Université de Montréal
- Josianne Malo, pharmacienne, M.Sc., centre IMAGe
Révisé par :
- Andréa Houle, sage-femme, IBCLC, Ordre des sages-femmes du Québec
- Brigitte Martin, pharmacienne, M.Sc., centre IMAGe
Références
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2022
L’ulipristal en contraception orale d’urgence chez la femme qui allaite
18 février 2021 - mise à jour 13 décembre 2022
La contraception d’urgence permet aux femmes d’éviter une grossesse non désirée après une relation sexuelle non protégée. Le lévonorgestrel (p. ex. Plan Bmd, Backup Plan Onestepmd) et l’ulipristal (Ellamd) sont les deux médicaments homologués pour la contraception orale d’urgence au Canada. L’ulipristal est privilégié dans certaines conditions cliniques explicitées par l’INESSS dans son outil d’aide à la décision publié pour guider les professionnels de santé lors du choix du contraceptif oral d’urgence (1).
Les femmes qui allaitent peuvent aussi devoir recourir à la contraception d’urgence. Chez les femmes qui n’allaitent pas, une ovulation est possible aussi tôt que trois semaines après l’accouchement (2). Chez les femmes qui allaitent, la méthode d’aménorrhée attribuable à la lactation peut être efficace pour retarder l’ovulation lors d’allaitement exclusif, mais seulement sous réserve de respecter des critères stricts (3).
Or, si le lévonorgestrel est jugé compatible avec l’allaitement par la plupart des groupes d’experts (1,4-5), les avis sont moins univoques pour l’ulipristal. Cette capsule présente les données répertoriées jusqu’à présent sur l’ulipristal en l’allaitement et discute des éléments qui doivent être pris en compte dans l’individualisation des décisions pour une femme qui allaite.
Pharmacologie et caractéristiques pharmacocinétiques de l’ulipristal
L’ulipristal est commercialisé comme contraceptif oral d’urgence au Canada depuis 2015. Il s’agit d’un modulateur sélectif du récepteur à la progestérone. Son efficacité repose sur sa capacité à retarder ou empêcher la rupture du follicule et donc de reporter ou même d’inhiber l’ovulation (6). La posologie pour cette indication est de 30 mg PO pour une dose. Les concentrations sanguines maximales d’ulipristal et de son métabolite actif sont mesurées environ une à trois heures après son administration par voie orale; elles déclinent lentement par la suite avec une demi-vie d’élimination d’environ 32 heures pour l’ulipristal et 27 heures pour le métabolite (6).
Passage de l’ulipristal dans le lait maternel
L’évaluation du passage de l’ulipristal dans le lait maternel s’appuie uniquement sur les données de la monographie (6) citées plus en détail dans la base de données Lactmed (7). Ces données n’ont pas été publiées sous une forme permettant une analyse critique. Elles laissent néanmoins supposer un très faible passage de l’ulipristal et de son métabolite dans le lait:
- Les concentrations lactées du médicament et de son métabolite actif ont été mesurées régulièrement au cours des cinq jours suivant la prise d’une dose unique (non précisée, vraisemblablement 30 mg) par 12 femmes. À partir des moyennes des concentrations mesurées dans le lait, on calcule qu’un enfant exclusivement allaité recevra 0,8 % de la dose maternelle ajustée pour le poids (DMAP) dans les premières 24 heures après la dose, et 0,2 % supplémentaire sur les quatre jours suivants, pour une exposition totale d’environ 1 % de la DMAP (7).
De façon générale, la communauté scientifique est d’avis que si un nourrisson reçoit par le lait une quantité de médicament correspondant à moins de 10 % de la dose pédiatrique ou de la DMAP, il est peu probable que le médicament occasionne des effets indésirables chez l’enfant né à terme et en santé (8). Ces chiffres doivent cependant être interprétés en considérant le profil d’innocuité du médicament, les facteurs propres à la mère et l’enfant ainsi que les conditions d’exposition :
- Profil d’innocuité du médicament : l’ulipristal est généralement bien toléré, avec des effets indésirables mineurs décrits dans la littérature scientifique chez l’adulte. Les évaluations de Santé Canada (9) et de l’EMA (10) ayant mené au retrait du Fibristal® des marchés canadien et européen n’ont pas identifié l’utilisation d’une dose unique d’ulipristal comme un facteur de risque d’hépatotoxicité. Il n’existe cependant pas de données sur son profil de tolérance en pédiatrie, ni sur les répercussions d’une exposition ponctuelle à très faible dose pour un nourrisson;
- Facteurs propres à la mère et à l’enfant : la plupart des effets indésirables associés à l’utilisation d’un médicament durant l’allaitement ont été décrits dans les deux premiers mois de vie de l’enfant (8). La période néonatale correspond à un moment où la vulnérabilité du nourrisson à l’exposition à un médicament est plus grande, où les voies métaboliques de l’enfant sont encore immatures et où l’allaitement est la principale source d’alimentation du bébé. En contrepartie, il s'agit aussi d'une période où protéger l'allaitement est important puisque les bénéfices sont marqués, tant pour la mère que pour l'enfant;
- Conditions d’exposition : l’utilisation de l’ulipristal comme contraceptif oral d’urgence repose sur l’utilisation d’une seule dose, sans risque d’accumulation pour l’enfant allaité, contrairement aux doses répétées auparavant indiquées pour d’autres conditions (p. ex. Fibristal® et fibromes utérins);
- Impact sur la production lactée : on ne connaît pas les effets potentiels d’une dose d’ulipristal sur la production de lait.
En comparaison, le passage du lévonorgestrel dans le lait a fait l’objet de quelques études, dont l’une après l’administration de la dose utilisée en contraception d’urgence (11). Douze femmes ayant accouché six à douze semaines auparavant ont fourni des échantillons de lait pendant les 72 heures suivant la prise d’une dose de 1,5 mg. Les chercheurs ont calculé qu’un nourrisson prenant 800 mL de lait maternel par jour recevrait 2,1 mcg de lévonorgestrel sur une période de 72 heures, soit environ 1,6 % de la DMAP (notre calcul). Les concentrations les plus importantes dans le lait étaient mesurées dans les huit premières heures après la dose. Plusieurs études ont documenté l’utilisation du lévonorgestrel en contraception d’urgence chez les femmes allaitant, sans conséquences néfastes sur l’enfant ou l’allaitement (12). Le recul clinique est également très important comme contraceptif oral quotidien chez les femmes qui allaitent.
Avis des groupes d’experts
La sécurité de poursuivre l’allaitement en cas d’utilisation d’ulipristal pour la contraception orale d’urgence a fait l'objet de discussions dans la communauté scientifique. Cette divergence d’avis se fonde vraisemblablement sur le peu de données disponibles pour évaluer la balance des risques et des bienfaits et sur des perspectives différentes :
- Les références qui proposent un arrêt de sept jours (p. ex. OMS (4)) s’appuient sur les premières recommandations du fabricant qui déconseillaient l'allaitement. Notons que les monographies ont depuis été mises à jour (6). Cette approche permet d’exclure toute exposition pour l’enfant mais ne tient pas compte du risque que la mère ne poursuive pas son allaitement après un arrêt d’une semaine;
- Les références qui proposent un arrêt de 24 heures (p. ex. CDC (5), INESSS (1)) tiennent compte du fait que le médicament et son métabolite sont mesurés surtout dans les premières 24 heures suivant la dose; il s’agit d’une approche de minimisation des risques;
- Finalement, les références qui proposent de ne pas suspendre l’allaitement sont des sources d’informations cliniques spécialisées (p. ex. e-lactancia (13), le Centre de référence sur les agents tératogènes (14), Mothersafe (15), UKDILAS (16)). Elles tiennent compte du très faible passage du médicament dans le lait maternel et de la balance risques/bienfaits pour une mère qui allaite et son nourrisson. En effet, toute interruption de l’allaitement présente non seulement des difficultés techniques (acceptation de préparations commerciales par le nourrisson, utilisation d’un tire-lait pour éviter l’engorgement, etc.), mais pose également un risque d’arrêt permanent de l’allaitement.
En somme
L’expérience clinique favorable en allaitement justifie l’utilisation du lévonorgestrel en première ligne pour les femmes qui allaitent et qui doivent recevoir un contraceptif oral d’urgence.
Dans les cas où l’efficacité du lévonorgestrel peut être diminuée (p. ex. selon l’IMC ou le délai écoulé depuis la relation non protégée), l’ulipristal doit être proposé (1). Dans ce cas, la poursuite de l'allaitement sans période d'arrêt peut être conseillée considérant la très faible quantité de médicament mesurée dans le lait, le fait qu’il s’agisse d’une dose unique et les bénéfices de préserver l’allaitement maternel (7).
Rédigé par:
- Brigitte Martin, pharmacienne, M.Sc., centre IMAGe
- Caroline Morin, pharmacienne, M.Sc., centre IMAGe
Révisé par:
- Josianne Malo, pharmacienne, M.Sc., centre IMAGe
- Ema Ferreira, pharmacienne, M.Sc., Pharm. D., CHU Sainte-Justine, professeure titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, UdeM
Références
- Institut National d’Excellence en Santé et en Services Sociaux (INESSS). Usage de l’acétate d’ulipristal ou du lévonorgestrel pour la contraception orale d’urgence. Consulté le 6 octobre 2020. Disponible à : https://www.inesss.qc.ca/publications/repertoire-des-publications/publication/usage-de-lacetate-dulipristal-ou-du-levonorgestrel-pour-la-contraception-orale-durgence.html
- American College of Obstetricians and Gynecologist. ACOG practice bulletin No. 206 : Use of hormonal contraception in women with coexisting medical conditions. Obstet Gynecol 2019;133(2):e128-50.
- Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Mieux vivre avec notre enfant – De la grossesse à 2 ans. Contraception. Consulté le 12 novembre 2020. Disponible à : https://www.inspq.qc.ca/mieux-vivre/accouchement/premiers-jours/contraception
- Organisation mondiale de la santé. Critères de recevabilité médicale pour l'adoption et l'utilisation continue de méthodes contraceptives. 5e édition. 2015. Consulté le 6 octobre 2020. Disponible à https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/249591/9789242549157-fre.pdf?sequence=1
- Centers for Disease Control and Prevention. U.S. Medical eligibility criteria for contraceptive use, 2016. Consulté le 6 octobre 2020. Disponible à http://www.cdc.gov/mmwr/volumes/65/rr/pdfs/rr6503.pdf
- Laboratoire HRA Pharma. Monographie d’Ella®, acétate d’ulipristal. 12 mai 2016. Consulté le 12 décembre 2022. Disponible sur: https://pdf.hres.ca/dpd_pm/00035337.PDF
- Ulipristal. Dans: Drugs and Lactation Database (LactMed) [Internet]. Bethesda (MD): National Library of Medicine (US); 2006. Consulté le 12 décembre 2022. Disponible sur: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK500655/
- Malo J. Connaissances de base sur l’utilisation des médicaments au cours de l’allaitement. Dans : Ferreira E, Martin B, Morin C. Grossesse et allaitement : guide thérapeutique. 2e édition. Montréal : Éditions du CHU Sainte-Justine. 2013. p.89-108.
- Santé Canada. FIBRISTALMD (acétate d'ulipristal à 5 mg) - Retrait volontaire au Canada en raison du risque de lésions hépatiques d'origine médicamenteuse. Consulté le 6 octobre 2020. Disponible à : https://canadiensensante.gc.ca/recall-alert-rappel-avis/hc-sc/2020/74063a-fra.php#:~:text=En%20raison%20du%20signalement%20de,du%20fabricant%20de%20retirer%20volontairement
- European Medicines Agency (EMA). PRAC recommends revoking marketing authorisation of ulipristal acetate for uterine fibroids. Consulté le 6 octobre 2020. Disponible à : https://www.ema.europa.eu/en/news/prac-recommends-revoking-marketing-authorisation-ulipristal-acetate-uterine-fibroids
- Gainer E, Massai R, Lillo S, et al. Levonorgestrel pharmacokinetics in plasma and milk of lactating women who take 1.5 mg for emergency contraception. Hum Reprod 2007;22:1578–84.
- Oral levonorgestrel. Dans: Drugs and Lactation Database (LactMed) [Internet]. Bethesda (MD): National Library of Medicine (US); 2006. Consulté le 6 octobre 2020. Disponible sur: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK500655/
- Ulipristal Acetate (Contraceptive) and breastfeeding. Are they compatible? [Internet], mis à jour le 11 mai 2021. Consulté le 12 décembre 2022. Disponible sur: http://www.e-lactancia.org/breastfeeding/ulipristal-acetate-contraceptive/product/
- Centre de Référence sur les Agents Tératogènes. Ulipristal : Grossesse et allaitement, mis à jour le 22 juillet 2020. Consulté le 12 décembre 2022. Disponible sur: http://lecrat.fr/articleSearchSaisie.php?recherche=ulipristal
- Mothersafe. Emergency contraception and breastfeeding (fact sheet). Janvier 2020. Consulté le 6 octobre 2020. Disponible à : https://www.seslhd.health.nsw.gov.au/sites/default/files/groups/Royal_Hospital_for_Women/Mothersafe/documents/EmergencyContraceptionandBreastfeedingJan20.pdf
- UK Drugs in Lactation Advisory Service (UKDILAS). Emergency contraception and breastfeeding. 28 octobre 2020. Consulté le 12 décembre 2022. Disponible à : https://www.sps.nhs.uk/articles/emergency-contraception-and-breast-feeding/
Les traitements contre la COVID-19 en ambulatoire pour les personnes à risque élevé de complications – Données durant la grossesse et l’allaitement
14 AVRIL 2022
Chez les adultes atteint·e·s d’une infection à SRAS-CoV-2, avec des symptômes légers à modérés (échelle OMS 2-3), non hospitalisé·e·s en raison de la COVID-19, non adéquatement immunisé·e·s ET ayant une condition à risque élevé de complications, trois traitements peuvent être envisagés pour prévenir les complications de la maladie menant à une hospitalisation ou un décès : l’association nirmatrelvir-ritonavir (PaxlovidMC), le remdésivir (VekluryMD) ou le sotrovimab (1, 2).
Les femmes enceintes étaient exclues des études évaluant l’efficacité de ces traitements. Ainsi, l’INESSS ne se prononce pas sur le choix de traitement à privilégier chez cette population. L’INESSS propose d’envisager le traitement au cas par cas si les avantages surpassent les risques, après discussion avec un·e spécialiste en médecine fœto-maternelle ou un·e collègue expérimenté·e. Les mêmes principes de base que dans la population générale s’appliquent pour évaluer l’indication du traitement, soit de présenter au moins une condition à risque élevé de complications (autre que la grossesse) et ne pas être adéquatement immunisée contre la COVID-19 (1, 2).
L’objectif de cette capsule d’information est de résumer les données d’innocuité durant la grossesse de ces trois médicaments, afin que les professionnel·le·s de la santé aient les informations nécessaires pour guider leur évaluation des risques et des bienfaits des traitements chez les femmes enceintes. Les données d’innocuité durant l’allaitement y sont aussi présentées. Les outils cliniques de l’INESSS ainsi que les recommandations du Comité sur l’immunisation du Québec (CIQ) doivent être consultés pour connaître les critères définissant une immunisation adéquate (ainsi que les conditions de santé ou les traitements affectant la réponse vaccinale), les facteurs considérés à risque élevé de complications, les critères d’utilisation et l’efficacité de ces médicaments dans la population générale ainsi que leurs effets indésirables : https://www.inesss.qc.ca/covid-19/traitements-specifiques-a-la-covid-19.html; https://www.inspq.qc.ca/publications/sujets/immunisation.
Chez les personnes non enceintes, en date du 1er avril 2022, l’INESSS recommande de privilégier l’association nirmatrelvir-ritonavir, suivie du remdésivir puis du sotrovimab, en fonction des caractéristiques des patient·e·s et de la capacité à administrer ces traitements (1, 2). Lorsque le sotrovimab est utilisé, l’INESSS suggère d’administrer une dose augmentée à 1 g, plutôt que 500 mg, compte tenu de son activité neutralisante réduite contre la sous-unité BA.2 d’Omicron (1, 2).
Nirmatrelvir-ritonavir (PaxlovidMC) – données durant la grossesse
- Le nirmatrelvir est un inhibiteur de la protéase virale. Le ritonavir est aussi un inhibiteur de la protéase, mais utilisé ici à faible dose pour potentialiser le nirmatrelvir. Aucune donnée humaine portant sur l’utilisation du nirmatrelvir n’a été publiée à ce jour. Les données animales n’ont pas fait état de signal tératogène (3).
- De nombreux autres inhibiteurs de la protéase, incluant le ritonavir, ont été utilisés dans le traitement du VIH chez la femme enceinte depuis de nombreuses années, sans risque accru d’anomalies (4, 5). Lorsqu’ils sont utilisés dans le traitement du VIH, les traitements antirétroviraux incluant un inhibiteur de la protéase potentialisé par le ritonavir ont été associés dans certaines études, mais pas toutes, à un risque accru de prématurité (5). Toutefois, en raison de la courte durée de traitement de nirmatrelvir-ritonavir utilisée pour la COVID-19, il est peu probable que cette association médicamenteuse puisse mener à un potentiel risque accru de prématurité.
- Aux États-Unis, le National Institute of Health (NIH) recommande l’utilisation de l’association nirmatrelvir-ritonavir durant la grossesse en raison de son mécanisme d’action, des données animales et des bienfaits escomptés du traitement, jugés supérieurs aux risques (6). La Society for Maternal-Fetal Medicine appuie cette recommandation (7).
- Comme dans la population générale, compte tenu de l’ensemble des données disponibles, il semble raisonnable d’envisager l’association nirmatrelvir-ritonavir en premier recours lors du 2e et 3e trimestre de la grossesse. Pour le 1er trimestre, l’évaluation doit se faire davantage au cas par cas vu l’absence de données spécifiques, mais les données connues sur les autres inhibiteurs de la protéase sont rassurantes si le traitement est jugé nécessaire pour une femme enceinte au premier trimestre.
Remdésivir (VekluryMD) – données durant la grossesse
- Le remdésivir est un antiviral analogue de l’adénosine et qui inhibe l’ARN polymérase virale (2).
- Plusieurs notifications de cas, séries de cas et études observationnelles rapportent l’utilisation de remdésivir durant la grossesse. À ce jour, l’utilisation a été uniquement décrite aux deuxième et troisième trimestres de la grossesse, chez des femmes ayant des symptômes d’intensité modérée, sévère ou critique, et nécessitant la plupart du temps une administration d’oxygène. Dans ce contexte, 150 femmes ont été traitées par du remdésivir, pour une durée de traitement de cinq jours pour la plupart et parfois jusqu’à 10 jours (8-17). Les transaminases hépatiques se sont élevées chez jusqu’à 17% des femmes traitées selon les références. Cette élévation des transaminases hépatiques était transitoire, mais a nécessité une interruption du traitement dans certains cas. Aucune complication obstétricale, fœtale, ou néonatale n’a été attribuée au traitement à ce jour. Plusieurs naissances prématurées sont décrites, mais attribuables le plus probablement à la présentation sévère de la maladie plutôt qu’au traitement. Un oligohydramnios (diminution du liquide amniotique) a été noté chez trois femmes dans une étude, sans qu’il soit possible de déterminer le lien de causalité avec le remdésivir (13).
- En plus de ces publications, les données du registre du fabricant Gilead sur l’utilisation compassionnelle de remdésivir dans le traitement d’Ebola ou de la COVID-19 ont été publiées (67 femmes traitées) et d’autres données de Gilead ont été rendues disponibles (Gilead Sciences global safety database; 46 femmes dont l’évolution est connue) (11). Il peut y avoir un recoupement d’informations entre ces deux sources de données, ainsi qu’avec les publications citées plus haut. Quelques cas d’avortements spontanés, de mort in utero et de prématurité y sont décrits, mais ici encore, le lien avec la sévérité de la maladie, plutôt qu’avec les traitements utilisés, est évoqué dans la documentation scientifique (11). Cinq cas d’anomalies congénitales ont été rapportés : aucun lien avec le remdésivir ne peut être retenu puisque toutes les expositions avaient eu lieu après le premier trimestre de la grossesse (11).
- Si les données disponibles à ce jour ne relèvent pas de signal pour des complications obstétricales, fœtales ou néonatales lors d’une utilisation au 2e ou au 3e trimestre, il faut néanmoins considérer que la prescription du remdésivir nécessite une administration intraveineuse quotidienne pendant trois jours et peut s’accompagner d’une augmentation transitoire des transaminases; aucune donnée n’est disponible au premier trimestre.
Sotrovimab – données durant la grossesse
- Le sotrovimab bloque l’entrée du virus dans la cellule hôte en ciblant la protéine S du SARS-CoV-2. La cible pharmacologique du sotrovimab est unique aux protéines virales (protéine S), donc en théorie peu à risque d’impact sur le développement embryofoetal.
- Deux notifications de cas d’utilisation de sotrovimab chez des femmes enceintes (16 semaines et 27 semaines) ont été publiées, sans complication attribuable au traitement (18, 19). L’utilisation d’autres anticorps monoclonaux dirigés contre le SARS-CoV-2 et qui ne sont plus utilisés à présent (casirivimab/imdevimab, bamlanivimab ± etesevimab) a été décrite chez un total de 57 femmes enceintes, sans effets indésirables attribuables au traitement chez la mère ou le bébé (20-22). Lors du traitement, cinq femmes étaient au 1er trimestre de la grossesse, 18 au 2e trimestre et 34 au 3e trimestre.
- Compte tenu de la nature et du mode d’action du médicament, le sotrovimab peut être envisagé chez une femme enceinte qui répond aux critères d’utilisation.
Innocuité des traitements durant l’allaitement
Aucune donnée n’est disponible sur l’utilisation du nirmatrelvir durant l’allaitement ou sur son passage dans le lait maternel. L’utilisation du ritonavir durant l’allaitement a été évaluée dans plusieurs études, sans effet indésirable noté à ce jour chez les nourrissons. Des mesures ont été effectuées dans le plasma de plus d’une centaine de bébés exposés au ritonavir par le lait maternel : les concentrations plasmatiques étaient la plupart du temps non décelables ou non cliniquement significatives. Certains nourrissons ont présenté des concentrations plasmatiques plus élevées, allant parfois jusqu’à 40 %, mais en moyenne autour de 12 %, des concentrations plasmatiques maternelles.
Par précaution, certains ont proposé de suspendre l’allaitement pendant le traitement de nirmatrelvir-ritonavir, parfois jusqu’à quelques jours après, vu l’absence de données (24, 25). En contrepartie, certains éléments peuvent orienter vers un faible risque d’effets indésirables pour un nourrisson si la mère poursuit son allaitement : la courte durée de traitement (cinq jours) et la demi-vie courte (six heures) qui limite le risque d’accumulation, l’expérience clinique rassurante avec le ritonavir, ainsi que le profil d’effets indésirables du nirmatrelvir (3, 26, 27). Ainsi, d’autres experts jugent que l’allaitement n’a pas à être interrompu durant le traitement, mais recommandent un suivi des effets indésirables potentiels chez le nourrisson. Si une mère choisit de poursuivre son allaitement pendant le traitement de nirmatrelvir-ritonavir, il demeure judicieux d’évaluer le risque d’interactions médicamenteuses chez le nourrisson, lorsqu’il prend lui-même un médicament à risque d’interaction avec le ritonavir.
Le passage dans le lait du remdésivir a été évalué chez une seule femme : on estime qu’un nourrisson recevrait au maximum 2 % d’une dose thérapeutique ajustée pour le poids (23). Le remdésivir a été utilisé pour traiter des nouveau-nés atteints d’Ebola ou de COVID-19, sans effet indésirable majeur décrit (23). La courte durée de traitement limitée à trois jours lors d’utilisation en traitement ambulatoire est un autre élément rassurant pour une femme qui devrait recevoir le traitement durant l’allaitement.
Aucune donnée n’est disponible sur l’utilisation du sotrovimab durant l’allaitement. La quantité dans le lait est probablement faible vu la masse moléculaire élevée du médicament. De plus, la quantité qui pourrait être ingérée par le bébé est probablement détruite dans le système digestif de l’enfant. L’allaitement peut donc être poursuivi après un traitement de sotrovimab (23).
En somme
Il est possible, sous certaines conditions, de traiter une femme enceinte atteinte de la COVID-19 afin de prévenir une progression vers une forme plus sévère de la maladie. Cette capsule d’information se veut un outil pour soutenir les professionnel·le·s de la santé dans le choix du traitement à utiliser en présentant les données sur l’innocuité des traitements chez cette population. Cette évaluation devra tenir compte du stade de grossesse, des autres conditions de santé de la patiente ainsi que des données d’efficacité et d’innocuité des traitements.
Mentionnons aussi que toute femme enceinte au 2e ou 3e trimestre et atteinte de la COVID-19 doit contacter la clinique où elle est suivie afin de déterminer si des ajustements à l'évaluation du bien-être fœtal prévue sont nécessaires.
Enfin, la décision de poursuivre ou d’interrompre un allaitement durant le traitement pourra être discutée avec la femme traitée, à la lumière des données présentées pour chacune des options de traitement présentées.
Rédigé par :
- Caroline Morin, B.Pharm., M.Sc., pharmacienne, centre IMAGe, CHU Sainte-Justine
Révisé par :
- Dre Julie Autmizguine, MD, MHS, pédiatre infectiologue, CHU Sainte-Justine
- Dre Isabelle Boucoiran, MD, M.Sc., obstétricienne-gynécologue, Centre d’infectiologie Mère-Enfant, CHU Sainte-Justine
- Christopher Marquis, B.Pharm., M.Sc., pharmacien, CHU Sainte-Justine
- Brigitte Martin, B.Pharm., M.Sc., pharmacienne, centre IMAGe, CHU Sainte-Justine
- Dre Francine Morin, MD, interniste, service de MIGO (médecine interne obstétricale et gynécologique), CHU Sainte-Justine
Références
- INESSS. Anticorps monoclonaux neutralisant le SRAS-CoV-2 (mise à jour 1er avril 2022). [En ligne. Page consultée le 12 avril 2022.]. Accessible à : https://www.inesss.qc.ca/covid-19/traitements-specifiques-a-la-covid-19/anticorps-monoclonaux-neutralisant-le-sras-cov-2-mise-a-jour-23-12-2021.html
- INESSS. Traitements spécifiques à la COVID-19. [En ligne. Page consultée le 12 avril 2022.]. Accessible à : https://www.inesss.qc.ca/covid-19/traitements-specifiques-a-la-covid-19.html
- Pfizer Canada SRI. Monographie de produit : PaxlovidMC. Janvier 2022. [En ligne. Page consultée le 12 avril 2022.]. Accessible à : https://produits-sante.canada.ca/dpd-bdpp/dispatch-repartition.do
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2021
L’ondansétron au premier trimestre de la grossesse et les malformations congénitales
7 octobre 2021
Les nausées et vomissements affectent 50 à 80% des femmes enceintes (1). Une plus faible proportion, soit entre 0,3 à 3%, ont des vomissements incoercibles, aussi appelés hyperemesis gravidarum (HG), qui se caractérisent par une perte de poids, de la déshydratation et des déséquilibres électrolytiques (2). Des nausées et vomissements mal contrôlés peuvent engendrer des complications sévères, tant physiques que psychiques, entraînant parfois une détresse importante qui peut mener à une interruption de grossesse (1).
Les traitements pharmacologiques de premier recours des nausées et vomissements durant la grossesse incluent les antihistaminiques de première génération, la pyridoxine, seule ou combinée à la doxylamine, ainsi que les phénothiazines (1,3,4). Lorsque les agents de premier recours ne suffisent pas à soulager les symptômes, l’ajout d’agents de second recours comme le métoclopramide et l’ondansétron devient nécessaire (1,3,4).
Au cours des dernières années, des avis gouvernementaux concernant l’innocuité de l’ondansétron ont suscité des inquiétudes chez les femmes enceintes et les professionnels de la santé. En 2019, à la suite de la revue de deux études épidémiologiques récentes, l'Agence européenne des médicaments (EMA) a demandé aux fabricants d'ondansétron de mettre à jour leur documentation pour y indiquer l’association possible entre la prise du médicament au premier trimestre de la grossesse et des malformations orofaciales, ainsi qu’une association plus conflictuelle avec des anomalies cardiaques. L’EMA recommande que l’ondansétron ne soit pas utilisé durant le premier trimestre et que les femmes en âge de procréer aient recours à une contraception lors de l’usage de ce médicament (5,6). En novembre 2020, Santé Canada émettait également un avis selon lequel l'utilisation de l'ondansétron pendant la grossesse n'est pas recommandée. Tout comme l’EMA, Santé Canada reconnaît les limites méthodologiques des études proposant un lien entre le médicament et les anomalies orofaciales et souligne les données contradictoires quant à la survenue de malformations cardiaques (7).
L’objectif de cette capsule est de présenter les données scientifiques publiées sur l’utilisation de l’ondansétron au premier trimestre et de clarifier sa place dans le traitement de nausées et vomissements de la grossesse.
Malformations majeures
De nombreuses publications évaluant l’innocuité de l’ondansétron durant la grossesse et incluant des dizaines de milliers de femmes traitées n'ont pas fait ressortir un risque augmenté de malformations majeures par rapport au risque de la population générale, estimé à 2 à 3% (8-12). Certaines anomalies spécifiques ont néanmoins fait l’objet d’analyses séparées qui ont suscité la controverse. Les résultats des principales études sont détaillés ci-dessous.
Fentes orofaciales
- Publications qui ont observé une association
- La première étude citée dans l’avis de l’EMA a été publiée en 2018. Il s’agit d’une vaste étude de cohortes rétrospective américaine issue de données de réclamations d’assurance publique (Medicaid). Les grossesses étaient catégorisées comme exposées lorsque la mère avait rempli une ordonnance pour de l’ondansétron au premier trimestre de la grossesse. Cette étude n’a pas décelé d’augmentation du risque de malformations majeures ni d’anomalies cardiaques chez les 88 446 enfants exposés au premier trimestre comparativement à un groupe de 1,7 million d’enfants non exposés (13). Les auteurs ont toutefois observé une association avec les fentes orofaciales (risque relatif ajusté (aRR) 1,24, IC95% (1,03-1,48). Selon leurs résultats, la prise d’ondansétron au premier trimestre ajouterait 3 enfants supplémentaires avec une fente orofaciale pour 10 000 enfants exposés. Autrement dit, le risque supplémentaire serait de 0,03%, soit un risque absolu de 0,13% pour une grossesse exposée au premier trimestre par rapport au risque de base d’environ 0,1% pour les fentes orofaciales. Afin de réduire le biais d’indication et confirmer la prise de l’ondansétron, les auteurs ont analysé la même cohorte en isolant les 23 877 administrations documentées d’ondansétron par voie intraveineuse (14). Une association entre la prise d’ondansétron par voie intraveineuse et des malformations majeures, des anomalies cardiaques ou des fentes orofaciales n’a pas été observée dans ce sous-groupe (14).
- L’étude cas-témoins de la National Birth Defects Prevention Study (NBDPS) est la seule autre étude à identifier une association entre la prise d’ondansétron et la survenue de fentes orofaciales avec un rapport de cote ajusté pour les fentes palatines de 1,6 (IC95% 1,1-2,3) (15). Seules les fentes palatines, et non les fentes labiales, étaient associées à la prise d’ondansétron dans cette étude.
- Publications qui n'ont pas observé d'association
- Le risque de fentes orofaciales n’a pas été augmenté dans deux études de cohortes européennes évaluant 2582 nourrissons dont les mères avaient rempli une ordonnance d'ondansétron au cours du premier trimestre de leur grossesses (16,17). L’étude cas-témoins de la Birth Defect Study n’a également décelé aucun lien entre la prise d’ondansétron et les anomalies orofaciales (15). L’étude de Zambelli-Weiner et collaborateurs, que nous décrirons plus loin, n’a pas trouvé d’association entre une ordonnance d’ondansétron au premier trimestre de la grossesse et la survenue d’une fente orofaciale chez 1590 nourrissons présentant une fente orofaciale ou 1068 de ces nourrissons présentant une fente palatine (18). Enfin, des méta-analyses évaluant sept études de cohortes et deux études cas-témoins supplémentaires n’observent pas d’associations lorsque toutes ces études sont mises en commun (9,12).
Malformations cardiaques
- Publications qui ont observé une association
- La publication de Zambelli-Weiner et collaborateurs est la deuxième étude importante citée dans l’avis de l’EMA. Cette étude cas-témoins publiée en 2019 provient de registres américains de réclamations d’assurances privées. Elle a comparé 32 100 enfants nés avec une anomalie cardiaque à un groupe contrôle de plus de 800 000 nouveau-nés sans anomalie. L’exposition était définie comme une prescription d’ondansétron au premier trimestre. Un sous-groupe de 5557 expositions à l’ondansétron par voie intraveineuse en milieu hospitalier ou en clinique médicale a été aussi analysé pour vérifier les hypothèses dans un groupe où l’exposition est certaine, au contraire des registres d’ordonnances externes. Une augmentation statistiquement significative des anomalies cardiaques a été observée avec un rapport de cote ajusté de 1,43 (IC95% 1,28-1,61). Il s’agissait principalement d’anomalies du septum cardiaque, et l’association était observée uniquement dans le sous-groupe dont l’exposition était validée puisqu’elle avait eu lieu en milieu hospitalier ou en clinique médicale (18,19).
- Dans un registre d’ordonnances suédois, 19 anomalies cardiaques dont 17 anomalies septales ont été observées chez 1349 enfants exposés à l’ondansétron en début de grossesse, résultant en une augmentation du risque comparativement à un groupe exposé à la méclizine (RR 1,62, IC95% 1,04-2,54 pour les anomalies cardiaques et RR 2,05 IC95% 1,19-3,28 pour les anomalies septales) (16).
- Récemment, une étude de cohorte rétrospective utilisant des données de réclamations d’assurance privée américaine a rapporté 24 anomalies ventriculaires septales à la suite de l’évaluation de 3733 grossesses exposées à l’ondansétron comparées à plus de 33 000 grossesses non exposées au premier trimestre. Les auteurs mentionnent alors une légère augmentation du risque par un cas additionnel sur 330 grossesses exposés au premier trimestre (11).
- Publications qui n’ont pas observé d’association
- Deux méta-analyses publiées récemment, dont l’une incluait les données des études de Huybrechts et de Zambelli-Weiner, ne révèlent pas d'augmentation statistiquement significative du risque d’anomalies cardiaques lorsqu’on combine les résultats des six études dont l’hétérogénéité était substantielle (9,12). Une des méta-analyses a observé un risque augmenté à la limite de la significativité (rapport de cote 1,11 (IC95% 1,00-1,23, p = 0,049) de malformations septales ventriculaires (12). Plus récemment, l’étude de Dormuth et collaborateurs, comptant près de 70 000 grossesses exposées à l’ondansétron au premier trimestre, n’a pas révélé de différence dans le taux de malformations cardiaques et d’anomalies septales cardiaques par rapport à un autre antiémétique (8).
Autres anomalies
L’étude de Zambelli-Weiner et collaborateurs a avancé la possibilité d’une association entre l’ondansétron et les hernies diaphragmatiques et rénales mais d’autres études seront nécessaires pour confirmer ces associations (18).
Discussion
Afin de déterminer si un médicament est un tératogène, des critères ont été établis par des experts (20). Le premier critère demande que l’exposition ait lieu au moment critique de développement de l’organe ciblé. La période critique pour le développement d’une fente orofaciale est entre la 7e et la 14e semaine de la grossesse et celle d’une anomalie cardiaque est entre la 5e et 10e semaine de grossesse (9). La majorité des études présentées ont analysé des expositions au premier trimestre, ce qui est adéquat.
Le deuxième critère propose que les données indiquant un risque tératogène proviennent d’au moins deux études épidémiologiques rigoureuses. Pour l’ondansétron, la plupart des données provient de registres de prescriptions, de grossesses ou d’études de cohortes rétrospectives : ces devis méthodologiques permettent d’étudier un grand nombre d’expositions mais comportent des biais. Parmi eux, notons l’impossibilité de certifier ou quantifier la prise réelle ou la durée du traitement du médicament, un ajustement sous-optimal des variables confondantes comme la présence de comorbidités ou de traitement concomitants puisque ces données sont souvent manquantes, ainsi que des biais de classification et de confusion. La méthodologie de l’étude de l’équipe de Zambelli-Weiner a été fortement critiquée, notamment par la présence de biais de sélection et de mémoire, de la faiblesse de la validité externe étant donné le taux élevé de malformations dans le groupe témoin, de l’ajustement inadéquat pour les facteurs confondants et de l’apparence de conflit d’intérêt des auteurs (19,21).
Le troisième critère indique qu’il faut que les résultats soient constants et que la même anomalie soit retrouvée dans toutes les études publiées. Le fait que les résultats des études ne soient pas constants est un élément supplémentaire qui n’oriente pas vers un lien entre la prise d’ondansétron et un risque accru de malformation majeure ou d’anomalies cardiaques. La qualité méthodologique des publications qui signalent une augmentation du risque de malformations cardiaques, notamment des anomalies ventriculaires septales de type communication interventriculaire (CIV), ne permet pas de confirmer cette association. De plus, les données reposent sur peu de cas et la sévérité des CIV n’est pas détaillée. Au contraire de l’association avec les anomalies cardiaques pour laquelle les données sont très équivoques, l’association avec les fentes orofaciales ne peut pas être écartée à l’heure actuelle. Bien que les données ne soient pas constantes, l’étude la plus rigoureuse observe une légère augmentation du risque, soit 0,13% comparativement à 0,1% en termes absolus (13).
En somme
Les publications sur l’innocuité de l’ondansétron au premier trimestre de la grossesse sont nombreuses et ne permettent pas de catégoriser l'ondansétron comme un tératogène majeur. La place de l’ondansétron pour le soulagement des symptômes graves de nausées et vomissements en grossesse demeure en traitement lors d’échec ou d’intolérance à une combinaison judicieuse d’antiémétiques de première ligne (1-4). Pour écarter tout risque, certains cliniciens recommandent de retarder le traitement avec l’ondansétron après le premier trimestre. Dans tous les cas, il est important de discuter des données avec la femme et le couple en leur exposant les risques de façon objective afin que la prise de décision soit éclairée et partagée. Les faibles risques, s’ils se confirment, doivent être contrebalancés avec les risques associés au traitement sous-optimal des nausées et des vomissements de la grossesse et l’hyperemesis gravidarum.
Rédigé par :
- Marie-Sophie Brochet, B.Pharm., M.Sc., pharmacienne, centre IMAGe, obstétrique-gynécologie et centre de procréation assistée, CHU Sainte-Justine, clinicienne associée, Université de Montréal
- Ema Ferreira, B.Pharm., M.Sc., Pharm. D., pharmacienne, obstétrique-gynécologie, CHU Sainte-Justine, professeure titulaire, Faculté de pharmacie, Université de Montréal
Révisé par :
- Dre Evelyne Rey, MD, chef du service de MIGO (médecine interne obstétricale et gynécologique), CHU Sainte-Justine
- Brigitte Martin, B.Pharm., M.Sc., pharmacienne, centre IMAGe, CHU Sainte-Justine, clinicienne associée, Université de Montréal
Références
1. ACOG Practice Bulletin No. 189: Nausea And Vomiting Of Pregnancy. Obstetrics & Gynecology. 2018;131(1):e15-e30.
2. Ferreira E, Caron N. Nausées et vomissements. Dans: Ferreira E, Martin B, Morin C, éditrices. Grossesse et allaitement: guide thérapeutique. Montréal: Éditions du CHU Ste-Justine; 2013. p. 471-89.
3. Royal College of Obstetricians and Gynaecologists. The management of nausea and vomiting of pregnancy and hyperemesis gravidarum2016 May 4, 2021 [consulté le 4 mai 2021]:[1-27 pp.]. Disponible: https://www.rcog.org.uk/globalassets/documents/guidelines/green-top-guidelines/gtg69-hyperemesis.pdf.
4. Campbell K, Rowe H, Azzam H, Lane CA. The Management of Nausea and Vomiting of Pregnancy. J Obstet Gynaecol Can. 2016;38(12):1127-37.
5. European Medicines Agency. Updated signal assessment report on birth defects following in-utero exposure during the first trimester of pregnancy arising from recent publications with ondansetron. Pharmacovigilance Risk Assessment COmmitte (PRAC) [Internet]. 2019 [consulté le 3 août 2021]. Disponible : https://www.ema.europa.eu/en/documents/prac-recommendation/updated-signal-assessment-report-birth-defects-following-utero-exposure-during-first-trimester_en.pdf.
6. European Medicines Agency. PRAC recommendations on signals: 1.3. Ondansetron – Signal of birth defects following in-utero exposure during the first trimester of pregnancy arising from recent publications 2019 [consulté le 3 août 2021]. Disponible : https://www.ema.europa.eu/en/documents/prac-recommendation/prac-recommendations-signals-adopted-8-11-july-2019-prac-meeting_en.pdf.
7. Santé Canada. Mise à jour de monographie de produit: Zofran et Zofran ODT (ondansétron)2019 [consulté le 3 août 2021]. Disponible: https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-produits-sante/medeffet-canada/infovigilance-produits-sante/novembre-2020.html.
8. Dormuth CR, Winquist B, Fisher A, et al. Comparison of Pregnancy Outcomes of Patients Treated With Ondansetron vs Alternative Antiemetic Medications in a Multinational, Population-Based Cohort. JAMA Netw Open. 2021;4(4):e215329.
9. Kaplan YC, Richardson JL, Keskin-Arslan E, et al. Use of ondansetron during pregnancy and the risk of major congenital malformations: A systematic review and meta-analysis. Reprod Toxicol. 2019;86:1-13.
10. Lavecchia M, Chari R, Campbell S, Ross S. Ondansetron in Pregnancy and the Risk of Congenital Malformations: A Systematic Review. J Obstet Gynaecol Can. 2018;40(7):910-8.
11. Lemon LS, Bodnar LM, Garrard W, et al. Ondansetron use in the first trimester of pregnancy and the risk of neonatal ventricular septal defect. Int J Epidemiol. 2020;49(2):648-56.
12. Picot C, Berard A, Grenet G, et al. Risk of malformation after ondansetron in pregnancy: An updated systematic review and meta-analysis. Birth Defects Res. 2020;112(13):996-1013.
13. Huybrechts KF, Hernández-Díaz S, Straub L, et al. Association of Maternal First-Trimester Ondansetron Use With Cardiac Malformations and Oral Clefts in Offspring. JAMA. 2018;320(23):2429-37.
14. Huybrechts KF, Hernandez-Diaz S, Straub L, et al. Intravenous Ondansetron in Pregnancy and Risk of Congenital Malformations. JAMA. 2020;323(4):372-4.
15. Parker SE, Van Bennekom C, Anderka M, Mitchell AA. Ondansetron for Treatment of Nausea and Vomiting of Pregnancy and the Risk of Specific Birth Defects. Obstet Gynecol. 2018;132(2):385-94.
16. Danielsson B, Wikner BN, Kallen B. Use of ondansetron during pregnancy and congenital malformations in the infant. Reprod Toxicol. 2014;50:134-7.
17. Pasternak B, Svanstrom H, Hviid A. Ondansetron in pregnancy and risk of adverse fetal outcomes. N Engl J Med. 2013;368(9):814-23.
18. Zambelli-Weiner A, Via C, Yuen M, et al. First trimester ondansetron exposure and risk of structural birth defects. Reprod Toxicol. 2019;83:14-20.
19. Damkier P, Kaplan YC, Shechtman S, et al. Ondansetron should never be used in pregnancy: Against: Ondansetron in pregnancy revisited. BJOG. 2021;128(1):111-2.
20. Shepard TH. "Proof" of human teratogenicity. Teratology. 1994;50(2):97-8.
21. Andrade C. Major Congenital Malformation Risk After First Trimester Gestational Exposure to Oral or Intravenous Ondansetron. J Clin Psychiatry. 2020;81(3).
L'acétaminophène durant la grossesse
4 octobre 2021, mise à jour 16 décembre 2021
Un groupe d’experts s’est récemment prononcé sur l’utilisation de l’acétaminophène durant la grossesse pour appeler la communauté scientifique à mieux étudier les effets du médicament sur le développement embryofœtal, et à adopter une approche basée sur la prudence en attendant les résultats de ces études (1). Cet article a été repris dans plusieurs médias, ce qui a pu susciter l’inquiétude des femmes enceintes et des mères, et la perplexité des professionnels de la santé habitués à recommander ce médicament pour traiter la fièvre et la douleur durant la grossesse.
Cette capsule propose une lecture critique de l’article paru en septembre dans Nature – Reviews Endocrinology pour aider les professionnels de la santé à mieux comprendre les problématiques soulevées par les auteurs et la portée de cette publication, et leur permettre de rassurer et de conseiller les femmes enceintes.
Un consensus?
L’article, paru sous le titre : « Paracetamol use during pregnancy — a call for precautionary action » dans la rubrique « Consensus statement » de la revue Nature – Reviews Endocrinology, est signé par 13 chercheurs d’horizons divers (cliniciens, épidémiologistes, chercheurs fondamentaux). Le document final a par la suite été appuyé par 78 signataires supplémentaires. Le titre « Consensus statement » peut être trompeur puisqu’il ne s’agit pas de la position consensuelle d’une société savante établie, mais bien d’une opinion exprimée par un groupe de chercheurs. L’article ne mentionne pas si d’autres experts dans ce même domaine ont été contactés et ont choisi de ne pas signer la déclaration.
Les données présentées
L’article présente une revue narrative exhaustive des études épidémiologiques déjà publiées et des études expérimentales animales évaluant les effets de l’acétaminophène sur le développement urogénital et neurocomportemental. Il s’agit d’une revue, et non de nouvelles études.
Effets urogénitaux et perturbation endocrinienne
- Les auteurs citent 11 études épidémiologiques observationnelles, dont six ne montrent pas d’association entre une exposition à l’acétaminophène et les issues à l’étude (cryptorchidie ou hypospadias), et trois observent une association pour la cryptorchidie. Les deux autres études ont évalué des issues différentes dont la portée clinique est plus difficile à définir (distance anogénitale…)
- Les auteurs notent une relation entre la dose ou la durée d’exposition et l’effet dans les études positives, et relèvent les biais importants de la plupart de ces études.
- Les études expérimentales citées dans l’article font état d’un effet de perturbation endocrinienne chez les animaux. Les doses utilisées sont généralement très élevées (souvent 200 à 400 mg/kg/jour) et les durées d’exposition, prolongées (souvent plus de la moitié de la durée de la gestation de l’animal).
Effets neurocomportementaux
- L’annexe de l’article présente 29 études observationnelles, lesquelles s’appuient sur les données de 14 cohortes d’enfants. Plusieurs publications différentes portent donc sur les mêmes groupes d’enfants.
- Les auteurs relèvent que la majorité de ces études montrent des associations entre l’exposition à l’acétaminophène et diverses conditions auto-rapportées ou évaluées cliniquement (notamment trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) ou signes cliniques associés au TDA/H, troubles du spectre de l’autisme (TSA) ou signes cliniques associés aux TSA).
- Une relation entre la dose ou la durée d’exposition et l’effet est notée dans la plupart des études ayant tenté d’évaluer cet aspect ; par exemple, au moins trois de ces études rapportaient une association avec l’issue à l’étude seulement lorsque l’exposition à l’acétaminophène se prolongeait sur plus de quatre semaines.
- Selon les auteurs, les associations observées étaient généralement de faible magnitude. Ils mentionnent également que les risques évoqués ne s’appliquent probablement pas lorsque les expositions sont de courte durée.
Comment interpréter ces données?
Des associations équivoques et de faible ampleur peuvent s’expliquer par des limites méthodologiques ou des biais résiduels. D’ailleurs, les auteurs reconnaissent le biais d’indication, les facteurs génétiques maternels et fœtaux non pris en compte, les incertitudes à la fois sur l’exposition et sur la mesure de l’issue à l’étude, ainsi que l’absence de données précises sur les doses et les durées d’exposition.
On rajoutera à cette liste les facteurs confondants résiduels majeurs pour le type d’issues à l’étude, puisqu’il est impossible d’ajuster pour les facteurs de risque mal définis ou encore inconnus du TDA/H ou des TSA. L’influence de l’environnement postnatal et des autres expositions environnementales sur ces issues est difficilement prise en compte dans ce type d’étude. Examiner les effets d’un médicament vendu sans ordonnance et que les femmes ne rapportent pas spontanément comme un médicament reste difficile, et il existe des biais de mémoire importants dans plusieurs de ces études rétrospectives. Finalement, certaines cohortes d’enfants ont été analysées plusieurs fois, menant à des publications différentes mais qui portent sur les mêmes populations.
Les résultats de 24 revues précédentes sur le même sujet sont présentés en annexe de l’article (1). Les conclusions de la majorité de ces analyses insistent sur les difficultés à interpréter les résultats d’études épidémiologiques de ce type et les facteurs de confusion résiduels probables. Plusieurs experts n'ayant pas participé à la publication du Nature – Reviews Endocrinology ont récemment publié des analyses critiques et détaillées des limites méthodologiques majeures de ces études (2,3).
Ainsi, les données épidémiologiques disponibles à l’heure actuelle montrent des associations dans certaines études, mais pas toutes, et ne permettent pas de conclure à des liens de cause à effet. Si ces liens existaient réellement, les effets seraient de faible ampleur. Par ailleurs, les données ne montrent pas de risques accrus pour le fœtus lorsque l’acétaminophène est utilisé de façon ponctuelle ou pour une courte durée. Les données expérimentales animales pointent vers des effets potentiels, mais la transposition des données animales à l’humain reste périlleuse au vu des différences physiologiques, pharmacocinétiques et gestationnelles marquées ainsi que des types d’exposition très différents.
Les recommandations des auteurs
Les auteurs appellent la communauté scientifique à développer des protocoles de recherche qui tiendront compte des nombreuses limites méthodologiques des études publiées jusqu’à présent. Un effort de recherche concerté permettrait d’établir un meilleur portrait de l’innocuité de l’acétaminophène sur le plan du développement urogénital et neurocomportemental.
Les auteurs motivent leur publication par le fait que l’utilisation de l’acétaminophène est répandue, y compris parmi les femmes enceintes, et s’inquiètent d’une banalisation de ce médicament. Devant l’incertitude, en attendant les résultats d’études de meilleure qualité, ils demandent aux autorités réglementaires de réexaminer la disponibilité grand public et l’étiquetage des produits contenant de l’acétaminophène, et proposent aux sociétés savantes d’adopter une approche prudente.
Finalement, les auteurs reconnaissent que leurs recommandations sur le plan clinique ne diffèrent pas des recommandations actuelles de la plupart des sociétés, groupes d’experts et organismes réglementaires, à savoir d’utiliser le médicament uniquement lorsqu’il est nécessaire, aux doses recommandées, pour la plus courte durée possible.
En somme
L’article paru dans Nature – Reviews Endocrinology fait la synthèse des données épidémiologiques et expérimentales portant sur le développement urogénital et neurocomportemental des enfants exposés à l’acétaminophène durant la grossesse. Les auteurs souhaitent sensibiliser les autorités réglementaires et les groupes de chercheurs aux questions non résolues concernant l’innocuité de l’acétaminophène. La plupart des sociétés scientifiques et des regroupements professionnels qui s’étaient déjà penchés sur la question étaient arrivés à des conclusions beaucoup moins alarmistes (4, 5, 6). Les regroupements ENTIS (European Network of Teratology Information Services) et OTIS (Organization of Teratology Information Specialists) ont publié des réponses critiques en réaction à l’article (7, 8, 9). Sur son site web, l’American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) a également appelé les professionnels et les femmes enceintes à ne pas changer leur approche (10).
Les inquiétudes engendrées par la médiatisation de cette publication ne doivent pas être sous-estimées. Les risques d’une fièvre non traitée peuvent être importants durant la grossesse. De même, un syndrome douloureux non soulagé peut avoir des conséquences fonctionnelles pour une femme enceinte, et possiblement pour son fœtus. Les autres options de traitement peuvent comporter des risques et doivent aussi faire l’objet d’une évaluation risques/bienfaits individualisée (11).
Les recommandations sur l’utilisation de l’acétaminophène pour le traitement aigu de la douleur ou le traitement de la fièvre durant la grossesse restent les mêmes :
- Utiliser le médicament en respectant la posologie recommandée ;
- Utiliser le médicament seulement pour la durée appropriée, comme pour tout traitement pharmacologique ;
- Accompagner l’utilisation de l’acétaminophène de mesures non pharmacologiques adaptées au problème de santé traité.
Pour les douleurs chroniques, puisque des traitements plus efficaces ou ciblés pourraient être appropriés, une consultation auprès de l’équipe professionnelle de santé est justifiée pour bien évaluer toutes les options possibles.
L’acétaminophène reste le médicament analgésique et antipyrétique de première intention durant la grossesse, à tous les trimestres.
Rédigé le 4 octobre 2021 par :
L’équipe des pharmacien·ne·s du centre IMAGe (Info-Médicaments en Allaitement et Grossesse) du CHU Sainte-Justine
- Brigitte Martin, B.Pharm., M.Sc., clinicienne associée, Université de Montréal, responsable du centre IMAGe
- Caroline Morin, B.Pharm., M.Sc., clinicienne associée, Université de Montréal, cheffe de l'équipe des pharmacien·ne·s de l'équipe mère-enfant du CHU Sainte-Justine
- Ema Ferreira, B.Pharm., M.Sc., Pharm. D., professeure titulaire, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, pharmacienne, CHU Sainte-Justine
- Marie-Sophie Brochet, B.Pharm., M.Sc., clinicienne associée, Université de Montréal
- Josianne Malo, B.Pharm., M.Sc., clinicienne associée, Université de Montréal
- Charles-Olivier Chiasson, D.Pharm., M.Sc., clinicien associé, Université de Montréal
- Geneviève Ouellet, B.Pharm., M.Sc., clinicienne associée, Université de Montréal
- Geneviève Fortin, B.Pharm., M.Sc., clinicienne associée, Université de Montréal
- Flavie Pettersen-Coulombe, D.Pharm., M.Sc., clinicienne associée, Université de Montréal
- Myrna Abou-Karam, B.Pharm., M.Sc., clinicienne associée, Université de Montréal
- Sophie-Camille Hogue, D.Pharm., M.Sc., clinicienne associée, Université de Montréal
En collaboration avec :
- Dre Lucie Morin, obstétricienne-gynécologue, MD, FRCSC, cheffe du département d'obstétrique-gynécologie, CHU Sainte-Justine, professeure agrégée, Faculté de médecine, Université de Montréal
- Dre Louise Duperron, obstétricienne-gynécologue, MD, FRCSC, présidente du CMDP, CHU Sainte-Justine, professeure de clinique, Faculté de médecine, Université de Montréal
Références
- Bauer AZ, Swan SH, Kriebel D et al. Paracetamol use during pregnancy – a call for precautionary action. Nat Rev Endocrinol (2021). https://doi.org/10.1038/s41574-021-00553-7.
- Damkier P. Simple twist of fate: In utero exposure to acetaminophen and risk of childhood Attention Deficit Hyperactivity Disorder. Paediatr Perinat Epidemiol 2020;34(3):230-2.
- Wood ME. Associations between prenatal acetaminophen exposure and child neurodevelopment: Truth, bias, or a bit of both? Paediatr Perinat Epidemiol 2020; 34(3):233–6.
- Society for Maternel-Fetal Medicine (SMFM) Publication Committee. Prenatal acetaminophen and outcomes in children. Am J Obstet Gynecol 2017;216(3):B14-B15. doi: 10.1016/j.ajog.2017.01.021.
- Centre de Référence sur les Agents Tératogènes. Acétaminophène : Grossesse et allaitement, mis à jour le 18 juillet 2019. [En ligne. Disponible à : http://lecrat.fr/articleSearchSaisie.php?recherche=acetaminophene ]. Page consultée le 30 septembre 2021.
- UK Teratology Information Service (UKTIS). ‘Therapeutic’ use of paracetamol in pregnancy. Date of issue: March 2017. [En ligne. Disponible à : https://www.medicinesinpregnancy.org/bumps/monographs/THERAPEUTIC-USE-OF-PARACETAMOL-IN-PREGNANCY/]. Page consultée le 30 septembre 2021.
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- European Network of Teratology Information Services (ENTIS). The European Network of Teratology Information Services, ENTIS: Position statement on acetaminophen (paracetamol) in pregnancy. 3 octobre 2021. [En ligne. Disponible à : https://www.entis-org.eu/wp-content/uploads/2021/10/ENTIS-position-statement-on-acetaminophen-3.10.2021.pdf]. Page consultée le 4 octobre 2021.
- American College of Obstetricians and Gynecologists. ACOG Response to Consensus Statement on Paracetamol Use During Pregnancy. 29 septembre 2021. [En ligne. Disponible à : https://www.acog.org/news/news-articles/2021/09/response-to-consensus-statement-on-paracetamol-use-during-pregnancy]. Page consultée le 30 septembre 2021.
- Morin C, Villeneuve E, Prot-Labarthe S, Martin B. Douleur. Dans : Ferreira E, Martin B, Morin C. Grossesse et allaitement : guide thérapeutique. 2e édition. Montréal : Éditions du CHU Sainte-Justine. 2013. p.883-918.
2020
La prise de pyridoxine – doxylamine durant l’allaitement
30 octobre 2020
L’allaitement maternel est le mode d’alimentation optimal du bébé. Santé Canada et le Ministère de la Santé et des Services sociaux font la promotion de l’allaitement maternel exclusif jusqu’à l’âge de six mois, et recommandent que l’allaitement se poursuive jusqu’à ce que l’enfant ait un ou deux ans, ou même plus longtemps, tant que la mère et l’enfant le désirent (1,2). Pour certaines mères, la poursuite de l’allaitement peut coïncider avec une nouvelle grossesse.
L’allaitement durant la grossesse
Des experts en allaitement estiment qu’il est possible de poursuivre l’allaitement tout au long de la grossesse si la mère le désire (4). Durant une nouvelle grossesse qui ne présente pas de facteurs de risque, la décision de poursuivre ou cesser l’allaitement relève donc du confort de la mère et de son enfant. Néanmoins, certains éléments associés à la grossesse peuvent motiver un sevrage de l’allaitement, comme une diminution de la production de lait, un changement de la saveur du lait et une douleur aux seins ou aux mamelons (4).
Les nausées et vomissements de la grossesse sont fréquentes et se manifestent chez 50 à 80 % des femmes (3). Le traitement pharmacologique des nausées et vomissements de la grossesse peut soulager les symptômes et réduire les complications associées (3). Cet énoncé abordera la compatibilité de la combinaison pyridoxine – doxylamine avec l’allaitement.
La pyridoxine
La pyridoxine, ou vitamine B6, est une vitamine hydrosoluble essentielle à de nombreux processus métaboliques. Selon le gouvernement du Canada, les apports nutritionnels recommandés sont de l’ordre de 1,9 à 2 mg par jour pour une femme enceinte ou qui allaite (5). L’apport maximal tolérable, c’est-à-dire l’apport qui ne comporte vraisemblablement pas de risque d’effet indésirable pour la santé, a été fixé au Canada à 80 à 100 mg par jour chez la femme qui allaite (5). L’écart posologique habituel pour la combinaison pyridoxine – doxylamine de 4 à 8 comprimés par jour (40 à 80 mg par jour de chacune des composantes) respecte les limites établies par les autorités canadiennes pour la pyridoxine.
La pyridoxine est naturellement sécrétée dans le lait, de manière directement proportionnelle à l’apport maternel(6). Des doses quotidiennes de 10 à 20 mg administrées à des femmes qui allaitent ont mené à des concentrations lactées de 0,4 à 0,7 mg/L (7). Pour un enfant exclusivement allaité, ceci représente un apport de 0,1 mg/kg/jour. Cela se rapproche des apports suffisants de Santé Canada (0,1 à 0,3 mg/jour pour le nourisson) et est bien en-deçà des doses pédiatriques préconisées pour traiter le déficit en vitamine B6 (1 mg/kg/jour, et jusqu’à 5 à 25 mg/jour) (5,7,8). À ce jour, aucun cas de problème neurologique n’a été recensé chez des nourrissons de mères traitées avec des doses supraphysiologiques de vitamine B6 (9).
L’administration d’une dose élevée de pyridoxine (300 à 600 mg par jour) à des mères durant les premiers jours du post-partum a été étudiée pour supprimer la lactation. En terme d’efficacité, les résultats des différentes études sont contradictoires (6,9). Les doses testées dans cette indication sont bien supérieures à celles indiquées pour le traitement des nausées et vomissements de la grossesse.
La doxylamine
La doxylamine est un antihistaminique de première génération doté d’effets sédatifs marqués (9). Elle est utilisée pour traiter l’insomnie et les nausées et vomissements de la grossesse (9).
Le transfert lacté de la doxylamine n’est pas connu. Comme c’est le cas pour la grande majorité des médicaments, les propriétés pharmacocinétiques (bonne biodisponibilité orale) et physicochimiques (masse moléculaire de 388 daltons) laissent présager un transfert lacté passif pour la doxylamine (9). La demi-vie d’élimination de 12 heures et la posologie régulière sont des facteurs de risque d’accumulation et d’effet indésirable pour l’enfant(9).
Deux études d’un même groupe de chercheurs ont évalué la tolérance en allaitement de divers antihistaminiques, y compris des agents de première génération. Dans une première étude de suivi téléphonique menée par un centre d’information, des effets indésirables mineurs et non spécifiques (irritabilité, sédation, diarrhée) ont été rapportés chez seulement 8 nourrissons sur 85 exposés à des antihistaminiques par le lait (9 %) (10). Dans une deuxième étude, des effets indésirables mineurs (irritabilité, sédation, sommeil diminué) ont été rapportés chez 53 nourrissons sur 234 exposés par le lait (23 %) (11). Aucun cas n’a requis de consultation médicale.
Lorsqu’administrés à dose élevée par voie parentérale, les antihistaminiques peuvent diminuer les niveaux sériques de base de prolactine. On ne sait pas si cette diminution peut affecter la production lactée ou le succès de l’allaitement maternel. On ignore aussi si les antihistaminiques oraux à plus faible dose ont un impact similaire sur les niveaux de prolactine (12).
En somme
En cas de nausées et vomissements de la grossesse chez une mère qui souhaite poursuivre son allaitement, il est possible d’envisager d’abord un traitement à la pyridoxine seule (par exemple, à posologie de 25 mg par voie orale trois fois par jour(8)), en complément aux mesures non pharmacologiques appropriées. La pyridoxine seule est l’un des antiémétiques les mieux tolérés. De plus, cette monothérapie permet de réduire le nombre d’expositions médicamenteuses pour la mère, l’enfant allaité et l’embryon ou le foetus. Le supplément de pyridoxine choisi doit détenir un NPN. Ce traitement ne requiert aucun suivi particulier du nourrisson.
Si le contexte clinique de la mère justifie le recours à la combinaison pyridoxine – doxylamine, celle-ci peut être envisagée après avoir considéré certaines caractérisques de la dyade, tels que l'ensemble de la pharmacothérapie maternelle (incluant notamment la prise d’autres dépresseurs du système nerveux central), le mode d’allaitement (exclusif ou mixte) et l'âge du bébé. Ce dernier élément est l’un des plus importants, puisque les deux premiers mois de vie représentent une période de vulnérabilité accrue aux effets indésirables, ce qui peut justifier une surveillance ou des précautions supplémentaires (13).
Si une mère utilise la combinaison pyridoxine – doxylamine durant l’allaitement, il est conseillé d’utiliser la dose minimale efficace afin de réduire les risques d’effets indésirables pour l’enfant. Le recul clinique est rassurant avec les antihistaminiques durant l’allaitement en général, mais il est tout de même recommandé de surveiller l’apparition d’effets sédatifs ou d’irritabilité chez le nourrisson. Comme avec tous les médicaments sédatifs, il convient à la mère d'éviter de partager le même lit que l'enfant et de s'assurer qu'une autre personne puisse prendre soin de l'enfant pendant la nuit.
Rédigé par:
- Josianne Malo, B.Pharm., M.Sc., pharmacienne, centre IMAGe
Révisé par:
- Brigitte Martin, B.Pharm., M.Sc., pharmacienne, centre IMAGe
Références
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2019
La mésalamine en allaitement
19 juillet 2019
Les aminosalicylés, ou dérivés de l’acide aminosalicylique, sont principalement indiqués dans la prise en charge de la colite ulcéreuse et de la maladie de Crohn. Leur principe actif (la mésalamine, ou mésalazine, ou 5-ASA) exerce une action anti-inflammatoire topique au tractus digestif en inhibant la synthèse de prostaglandines et de leucotriènes (1). Les produits disponibles commercialement sont les formulations à base de mésalamine, ainsi que l’olsalazine, constituée de deux molécules de mésalamine. Les données concernant la prise de sulfasalazine, composée d’une molécule de mésalamine associée à la sulfapyridine, seront discutées dans une prochaine capsule.
Diverses formulations entérosolubles de mésalamine à libération prolongée ou retardée sont disponibles sur le marché canadien (p. ex. Asacol®, Asacol 800®, Pentasa®, Mézavant®, Salofalk®). La biodisponibilité du principe actif varie selon la formulation, la voie d’administration et le site de libération, soit entre 20 et 30 % pour les comprimés oraux et entre 15 et 40 % pour les suppositoires (2). Lorsqu’administrée sous forme de suspension orale sans formulation galénique particulière, la mésalamine est absorbée de façon plus importante, soit jusqu’à 80 % (3). La mésalamine est rapidement acétylée par la muqueuse intestinale et le foie en acide N-acétyl-5-aminosalicylique (N-acétyl-5-ASA), un dérivé sans effet anti-inflammatoire reconnu, qui est par la suite excrété par les reins (1,4).
Passage dans le lait maternel
Le peu de données tirées des notifications et séries de cas sur le passage de la mésalamine dans le lait maternel laissent présager une faible exposition chez l’enfant allaité :
- La première notification de cas mesurant la mésalamine et son métabolite dans le lait d’une patiente prenant 500 mg de mésalamine par voie orale trois fois par jour rapporte des concentrations respectives de 0,11 mg/L et 12,4 mg/L (5). La dose maternelle ajustée pour le poids (DMAP) calculée pour la mésalamine est de 0,08 %.
- Klotz et collaborateurs rapportent des résultats similaires chez une femme prenant 1000 mg de mésalamine par voie orale trois fois par jour. Les concentrations dans le lait étaient de 0,1 mg/L et de 12,3 à 18,1 mg/L pour la mésalamine et le N-acétyl-5-ASA respectivement, pour une DMAP calculée de 0,035 % pour la mésalamine (6).
- Une série de cas menée chez quatre femmes prenant la mésalamine (doses non spécifiées) rapporte des concentrations dans le lait similaires, soit 0,004 à 0,04 mg/L de mésalamine et 5 à 14,9 mg/L de N-acétyl-5-ASA (7).
- Des résultats similaires sont rapportés par Christensen et coll., alors que la mésalamine était mesurée à 0,02 à 0,07 mg/L (8). Il faut toutefois mentionner que la mésalamine était indétectable dans le lait de dix des treize femmes suivies dans l’étude. Aussi, les concentrations de N-acétyl-5-ASA étaient beaucoup plus variables, soit entre 0,014 et 10,01 mg/L.
- L’étude la plus récente, publiée par Datta et collaborateurs en 2019 et détaillée dans un club de lecture récent du centre IMAGe, permet d’apprécier l’évolution des concentrations dans le lait maternel en fonction du temps (9). Les doses quotidiennes de mésalamine (deux formulations étudiées) variaient entre 1200 et 4800 mg. Bien qu’une grande variabilité interindividuelle ait été observée, toutes les DMAP calculées étaient inférieures à 0,1% (0,003 à 0,085%). Toutefois, la concentration de N-acétyl-5-ASA n’est pas rapportée par les auteurs.
De son côté, l’olsalazine est scindée en deux molécules de mésalamine par les bactéries entériques. Une quantité infime de la molécule mère est absorbée inchangée de façon systémique. La mésalamine est métabolisée tel que décrit précédemment, alors que l’olsalazine absorbée est métabolisée au foie en olsalazine-sulfate, un composé inactif (10,11).
- Une seule notification de cas rapportant la mesure de ces différentes molécules dans le lait maternel suivant la prise d’olsalazine a été retracée (11). Les auteurs ont fait des mesures jusqu’à 48 heures suivant la prise unique de 500 mg d’olsalazine. L’olsalazine et l’olsalazine-sulfate ont été détectés dans le plasma maternel, alors que le 5-ASA et le N-acétyl-5-ASA étaient indétectables. En revanche, seul le N-acétyl-5-ASA était détectable dans le lait maternel et seulement entre 10 et 24 heures suivant la prise. La concentration maximale était plus faible que précédemment rapporté dans les études avec la mésalamine, soit 0,24 mg/L.
Bien que ces données soient rassurantes concernant l’exposition de l’enfant allaité à la mésalamine, elles indiquent un passage beaucoup plus important de son métabolite inactif, le N-acétyl-5-ASA. En effet, en additionnant la concentration du métabolite à celle du 5-ASA, la DMAP calculée varie entre 6,4 et 8,8 % (5, 6). Ces résultats reflètent possiblement un métabolisme du 5-ASA au tissu mammaire, puisque le ratio dans le lait maternel du métabolite sur le 5-ASA était largement supérieur au ratio plasmatique (5). Toutefois, ce phénomène pourrait aussi s’expliquer par des propriétés pharmacologiques différentes entre ces molécules et un passage et accumulation distinctes dans le lait maternel. Bien que le N-acétyl-5-ASA n’ait pas d’activité anti-inflammatoire reconnue chez l’adulte, son effet sur l’enfant allaité demeure inconnu.
Tolérance chez le nourrisson
Parmi les études mentionnées précédemment, aucun effet indésirable n’a été rapporté par les auteurs chez les enfants allaités de mères traitées avec la mésalamine ou l’olsalazine (7, 9, 11). Deux cas de diarrhée ont été rapportés chez des enfants allaités dans une notification de cas et une série de cas menée chez huit enfants (12, 13). La survenue de diarrhée semblait corréler avec les arrêts et reprise du traitement chez l’un d’eux (13). Un cas de thrombocytose et thrombose chez un bébé dont la mère, traitée avec la mésalamine, venait de cesser brusquement l’allaitement a été rapporté; le lien de causalité paraît néanmoins peu probable (14). Finalement, une étude prospective menée auprès de 242 mères allaitantes dont 117 prenant de la mésalamine, deux de la sulfasalazine et deux de l’olsalazine, révélait une incidence similaire de diarrhée chez les enfants allaités exposés aux dérivés de l’acide aminosalicylique et ceux du groupe contrôle (16). Cette étude a été publiée uniquement sous forme de thèse académique.
En résumé
Si les données sur le passage de la mésalamine et de son métabolite, le N-acétyl-5-ASA, dans le lait maternel restent peu nombreuses, les éléments rapportés jusqu’à présent sont rassurants. En effet, un enfant allaité exclusivement sera exposé à une DMAP de mésalamine inférieure à 0,1 % (5-9, 11). L’exposition au N-acétyl-5-ASA est toutefois beaucoup plus importante. L’impact clinique de l’exposition à ce métabolite pour l’enfant allaité, bien qu’il soit jugé inactif chez l’adulte, reste peu exploré à ce jour.
Le recul clinique est favorable en allaitement, et des effets indésirables ont rarement été rapportés chez les nourrissons (12, 13, 15). La plupart des références spécialisées en allaitement et les lignes directrices sur le traitement des maladies inflammatoires estiment que la prise des dérivés aminosalicylés (mésalamine et olsalazine) est compatible avec l’allaitement (2, 16-21), même si certains rappellent la prudence (22). Le suivi de la survenue de diarrhée chez l’enfant allaité est recommandé.
Rédigé par :
- Karine Côté, étudiante à la maîtrise en pharmacothérapie avancée, Université de Montréal
- Charles-Olivier Chiasson, pharmacien, centre IMAGe
Références
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La bétahistine durant la grossesse et l’allaitement - une mise à jour
4 mars 2019
La bétahistine (SercMD et autres dénominations commerciales) est un analogue de l’histamine indiqué pour atténuer les accès de vertiges récurrents liés au syndrome de Ménière (1). Le syndrome de Ménière est une affection de l’oreille interne se manifestant par des accès de vertiges récurrents, un acouphène, une perte auditive et une sensation de plénitude de l’oreille (2, 3, 4).
La bétahistine est structurellement similaire à l’histamine. Elle agit à la fois comme un agoniste partiel des récepteurs H1 de l'histamine et un antagoniste des récepteurs H3 dans les tissus neuronaux ; elle a une activité négligeable sur les récepteurs H2 (1). Plusieurs études suggèrent une efficacité de la bétahistine. Toutefois, des limites méthodologiques empêchent une conclusion définitive quant à l’utilité de la bétahistine chez les patients atteints du syndrome de Ménière (2). Si la bétahistine n’est plus disponible aux États-Unis, elle demeure largement utilisée en Europe (2, 3).
La bétahistine est utilisée depuis plus de 40 ans dans la pratique, et elle est généralement bien tolérée. Les effets indésirables les plus couramment associés sont la dyspepsie et les nausées (1).
Données d’innocuité de la bétahistine durant la grossesse
Des études reproductives chez l’animal ne sont pas disponibles pour la bétahistine.
Dans une étude de surveillance post-commercialisation effectuée à partir de la base de données internationale du fabricant, les effets indésirables rapportés liés à la grossesse sont les suivants : 2 interruptions volontaires de grossesse, 2 avortements spontanés et 4 cas d’anomalies ne permettant pas d’identifier un patron spécifique (5).
Dans une étude prospective réalisée en Turquie par un centre d’information en tératologie, la surveillance de 24 grossesses montre 3 interruptions volontaires de grossesse, 2 fausses couches et 21 naissances vivantes (incluant 2 grossesses gémellaires, 1 anomalie majeure et 2 anomalies mineures). Bien que limitées, ces données suggèrent, pour les patientes exposées en début de grossesse, des issues similaires à celles attendues dans la population générale (6).
Certains se rassurent par le fait que la bétahistine est utilisée depuis plusieurs années sans qu’une augmentation du risque d’anomalies congénitales n’ait été observée (7). La structure de la bétahistine similaire à l’histamine endogène est un autre élément rassurant pour une patiente exposée durant sa grossesse, même si le risque réel n’est pas connu.
Données d’innocuité de la bétahistine en allaitement
Aucune donnée clinique n’existe quant au passage de ce médicament dans le lait. Ses propriétés pharmacologiques et pharmacocinétiques suggèrent, à l’instar de la majorité des médicaments, qu’elle se retrouve dans le lait maternel (poids moléculaire de 136 Da, absorption orale complète, très faible liaison aux protéines plasmatiques, demi-vie de 3 à 4 heures) (8). Toutefois, on peut présumer que la quantité de bétahistine transférée dans le lait est probablement limitée étant donné les niveaux sériques faibles après administration du médicament (9). L’expérience clinique est limitée en allaitement, et la bétahistine est rarement utilisée en pédiatrie.
Traitement de la maladie de Ménière
Le traitement des épisodes aigus comprend des mesures non pharmacologiques comme le repos et le maintien d’une bonne hydratation (4). Plusieurs traitements pharmacologiques sont disponibles pour soulager les patients durant une crise. Chez la femme enceinte ou qui allaite, le dimenhydrinate peut être utilisé pour ses effets vestibulo-suppressifs, sédatifs et antiémétiques, tandis que le métoclopramide peut être une option dans le cas de nausées et vomissements réfractaires (4, 10).
Des mesures de prévention des récurrences peuvent être instaurées, même si elles ne font pas l’objet d’un consensus. Parmi les traitements non pharmacologiques, il est recommandé d’éviter la consommation de caféine, de tabac ou d’alcool, de réduire le stress et d’adopter des techniques de gestion du stress. Les approches cognitivo-comportementales ont également été proposées (2, 4).
En résumé
Une exposition à la bétahistine par inadvertance durant la grossesse n’est pas une indication pour des investigations supplémentaires ou une interruption de grossesse (7). À ce jour, l’information est limitée mais n’oriente pas vers un risque malformatif supplémentaire à celui de la population générale (2 à 3 % d’anomalies majeures à la naissance). Les données actuelles demeurent toutefois insuffisantes pour justifier une utilisation de routine chez la femme enceinte souffrant de vertiges, sauf en cas de symptômes réfractaires aux autres options de traitement (7).
Les antihistaminiques comme la méclizine, la diphenhydramine et le dimenhydrinate peuvent être utilisés chez la femme enceinte ou qui allaite. Même si la méclizine est parfois difficile à obtenir au Canada, elle est citée par des experts comme le traitement de choix des vertiges durant la grossesse (7, 11).
Si la bétahistine est utilisée durant l’allaitement, la mère peut tirer avantage de la courte demi-vie de de la bétahistine en la prenant juste après avoir allaité. L’exposition du bébé au médicament serait limitée en laissant un délai de 3 à 4 heures avant le prochain boire.
- Capsule d’information initialement rédigée par Marine Neeman, pharmacienne (Suisse), assistante de recherche, IMAGe, et Josianne Malo, B.Pharm., M.Sc., pharmacienne, IMAGe, en janvier 2014.
- Adaptation et mise à jour par Josianne Malo, B.Pharm., M.Sc., pharmacienne, IMAGe, et révision par Brigitte Martin, B.Pharm., M.Sc., pharmacienne, IMAGe, mai 2019.
Références
- Association des pharmaciens du Canada. Bétahistine. Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques. Ottawa: Association des pharmaciens du Canada. En ligne. Consulté le 28 octobre 2013. https://www.e-therapeutics.ca/cps.showCphaMonograph.action
- Lacour M, van de Heyning PH, Novotny M, Tighilet B. Betahistine in the treatment of Ménière's disease.Neuropsychiatr Dis Treat 2007;3(4):429-40.
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- Hale TW. Medications and Mothers' Milk. New York : Springer Publishing Company, LLC; 2019.
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- Jonville-Béra AP, Vial T. Médicaments et grossesse : prescrire et évaluer le risque. 1e éd. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson; 2012.
2018
Fumer du cannabis à des fins récréatives durant l’allaitement
Novembre 2018
La marijuana est le nom usuel du Cannabis sativa (cannabis). Les feuilles et les sommités florales des plantes du cannabis contiennent plus de 70 différents cannabinoïdes. Parmi ceux-ci, le delta-9-tétrahydro-cannabinol (THC), dont la teneur varie considérablement en fonction des préparations, est la principale substance psychoactive du cannabis (1).
Cette capsule présente une synthèse des données connues à ce jour sur l’exposition et les conséquences du cannabis fumé dans un but récréatif lors de l’allaitement. Les enjeux entourant la consommation de cannabis à visée thérapeutique ou par d’autres voies d’administration dépassent le cadre de cet énoncé.
La pharmacocinétique du THC
La biodisponibilité du THC inhalé varie considérablement, de 2 à 56 %, en fonction de la profondeur et de la durée de rétention de l’inspiration (1). Son absorption par inhalation est extrêmement rapide, avec un délai d’action de quelques minutes. Le pic sanguin de THC est obtenu 3 à 10 minutes après avoir fumé. Ensuite, le déclin du THC dans le plasma est multiphasique. Durant la phase de distribution, les niveaux plasmatiques diminuent rapidement : 30 minutes après avoir fumé, les concentrations plasmatiques moyennes de THC correspondent à seulement 20 % des pics de concentrations plasmatiques. Fortement liposoluble, celui-ci se distribue dans les tissus adipeux et les organes hautement perfusés tel que le cerveau. Durant la phase d’élimination, la demi-vie terminale moyenne du THC est d’environ quatre jours, mais elle est variable et pourrait être beaucoup plus longue chez certains individus. Par exemple, le THC peut être décelé jusqu’à un mois après la dernière consommation chez les fumeurs chroniques, probablement en raison de son stockage dans des réserves graisseuses du corps et de sa libération de celles-ci (1).
L’épidémiologie
En 2014-2015, la prévalence de consommation de cannabis au cours des 12 derniers mois chez les Québécoises en âge de procréer variait de 15 à 38 %, selon l’âge (2). Au Colorado, un état américain où le cannabis est légalisé, la prévalence de son utilisation durant les premières semaines du post-partum était d’environ 5 % chez les mères qui allaitent (3).
L’exposition du nourrisson par le lait maternel
La mesure des cannabinoïdes dans le lait maternel est complexe, et des méthodes sensibles et fiables n’ont été disponibles que récemment (4). Pour ces raisons, seules les données les plus récentes sont présentées ici.
Des chercheurs ont récemment recruté huit mères qui consommaient du cannabis tout en allaitant exclusivement leurs enfants âgés de trois à cinq mois (5). Après 24 heures d’abstinence, elles ont fumé 0,1 g de cannabis standardisé à 23 % de THC. Les niveaux lactés de THC ont été mesurés avant, puis 20 minutes, 1, 2 et 4 heures après avoir fumé. Avant même que les participantes aient fumé le cannabis à l’étude, le lait de deux mères contenait de faibles quantités de THC. La concentration lactée maximale de THC a été objectivée une heure après avoir fumé, avec une diminution graduelle dans les heures suivantes. Aucun des deux métabolites recherchés n’a été décelé. Les auteurs estiment qu’un nourrisson exclusivement allaité recevrait 0,4 à 8,7 % de la dose maternelle de THC ajustée au poids. Cette étude illustre un transfert lacté considérablement variable. Il reste difficile de savoir ce que ces chiffres impliquent pour le nourrisson, dans la pratique.
Dans une étude visant à caractériser les concentrations de THC, de son métabolite et de deux autres cannabinoïdes dans le lait, 50 mères ayant consommé du cannabis dans les 14 derniers jours ont exprimé leur lait et rempli un questionnaire (6). Les cannabinoïdes ont été décelés dans 63 % des 54 échantillons fournis. Toutes les mères ayant des niveaux décelables de THC dans leur lait avaient consommé du cannabis dans les deux derniers jours, sauf trois femmes qui en avaient consommé environ quatre, cinq et six jours auparavant. Dans cette étude, un peu plus de la moitié des femmes souffraient d’embonpoint ou d’obésité et la grande majorité consommaient du cannabis une fois par jour ou davantage; ces caractéristiques peuvent avoir contribué à la présence prolongée du THC dans le lait. Les concentrations de THC retrouvées dans le lait maternel étaient grandement variables d’un échantillon à un autre. Le temps écoulé depuis la dernière consommation et le nombre d’utilisations par jour étaient de bons prédicteurs des concentrations de THC dans le lait. Une modélisation des auteurs permet d’estimer que les concentrations plasmatiques de THC d’un nourrisson exposé par le lait seraient bien inférieures à celles trouvées chez les adultes qui le consomment à des fins récréatives (< 1 %) (1). Néanmoins, ce calcul s’appuie sur des présupposés sur la biodisponibilité orale du THC pour le nourrisson, une variable inconnue à l’heure actuelle. De plus, cette modélisation ne tient pas compte d’une exposition régulière qui pourrait entraîner une accumulation des concentrations chez le nourrisson au fil du temps.
Les impacts possibles sur le nourrisson
L’exposition par le lait maternel
À court terme, les effets potentiels du cannabis sur le bébé allaité sont la sédation, la léthargie, l’hypotonie, l’irritabilité, et la diminution de la fréquence et de la durée des tétées (7,8). Il est important de mentionner que ces effets ont été décrits de façon anecdotique dans la littérature médicale et n’ont pas fait l’objet d’études permettant de caractériser leur fréquence et leur intensité.
Seules deux études datant des années 1980 sur les impacts à distance d’une consommation de cannabis pendant l’allaitement ont été retracées.
Une première étude comptant 27 nourrissons exposés au cannabis durant l’allaitement n'a pas montré d'effets significatifs sur le développement moteur et cognitif des enfants à un an, comparativement à un groupe témoin de 35 enfants non exposés (9). Dans cette étude, seules six femmes fumaient du cannabis quotidiennement. La durée de l’allaitement maternel ainsi que l’exposition ou non au cannabis durant la grossesse ne sont pas détaillées.
Une deuxième étude a évalué le développement de 68 enfants exposés au cannabis par le lait maternel comparativement à un groupe d’enfants non exposés (10). Pendant le premier mois du post-partum, 50 % des mères fumaient moins d’une fois par semaine, 32 % fumaient de 1 à 4 fois par semaine et 18 % des femmes fumaient tous les jours. Les chercheurs ont décelé un retard de développement moteur chez les enfants de mères consommant du cannabis plus d’un jour sur deux pendant le premier mois du post-partum. Une consommation moins importante n’était pas associée à un risque plus élevé. La croissance et les scores du développement mental n’ont pas été affectés par la consommation de cannabis pendant l’allaitement. Dans cette étude, la plupart des femmes fumaient aussi du cannabis durant leur grossesse. Les chercheurs estiment qu’il reste difficile de départager les conséquences des expositions prénatale et postnatale au cannabis, bien que l’exposition au cours du premier mois de vie ressorte dans leur analyse comme le facteur prépondérant pour expliquer la baisse des scores moteurs observée à un an.
Ces deux études comportent des limites : elles sont de petite taille et ont été réalisées à une époque où les concentrations de THC étaient souvent inférieures à celles retrouvées dans les produits actuellement en usage. Leur méthodologie ne permet pas de distinguer les conséquences de l’utilisation prénatale de celles liées à la consommation durant l’allaitement, et aucune de ces études n’a évalué le développement des enfants au-delà d’un an.
L’exposition passive à la fumée
L’exposition des jeunes enfants à la fumée secondaire pourrait avoir des conséquences néfastes sur leur santé. Une petite étude cas-témoins rapporte un lien entre le syndrome de mort subite du nourrisson et la consommation paternelle de cannabis (11).
L’altération du jugement parental
La capacité parentale à assurer la sécurité et la qualité des soins à l’enfant pourrait être compromise et doit être évaluée (12,13).
Les impacts possibles sur l’allaitement
Dans une grande étude rétrospective récente, les femmes consommant du cannabis durant la grossesse ou l’allaitement avaient tendance à moins allaiter et allaitaient moins longtemps (3). Cette association, de même que sa nature, demandent à être confirmées puisque plusieurs facteurs peuvent influencer la poursuite de l’allaitement chez les consommatrices.
En somme
Tous les organismes de santé publique et experts dans le domaine s’entendent sur le fait que les mères qui allaitent devraient s’abstenir de fumer du cannabis (1,7,8,12-19). Le THC et d’autres cannabinoïdes passent dans le lait maternel. Les effets indésirables de cette exposition pour l’enfant à court terme sont peu connus, alors que les effets à long terme sont inconnus. Les inquiétudes portent sur les risques neurodéveloppementaux potentiellement associés à l’exposition à une substance psychoactive chez un enfant dont le système nerveux est en formation. Les expositions régulières sont les plus préoccupantes. Ces préoccupations doivent être transmises aux mères.
Pour les mères qui ne peuvent s’abstenir de fumer du cannabis, il devient nécessaire de procéder à une évaluation individuelle, en soupesant les risques potentiels de cette consommation et les bienfaits de l’allaitement (20). Le mode d’alimentation du bébé doit être adapté en tenant compte de l’âge du bébé, de la fréquence des tétées, du contexte familial, des facteurs de risque de la mère et des autres substances ou traitements pharmacologiques qu’elle utilise. Par exemple, les avantages de l’allaitement maternel sont particulièrement marqués chez les mères issues de milieux défavorisés et les bienfaits de l’allaitement sur la relation entre la mère et son enfant doivent être considérés (20,21). Certains experts estiment qu’à l’heure actuelle, les bienfaits de l’allaitement peuvent être supérieurs aux risques du cannabis (4,7,12,13). Néanmoins, si une mère choisit d’allaiter et de consommer du cannabis, il est essentiel d’établir une stratégie de réduction des méfaits incluant une diminution de la consommation au minimum. Les enfants ne doivent pas être exposés à la fumée de cannabis. Le cannabis devrait être conservé hors de la portée des enfants.
Lors de consommation occasionnelle de cannabis, on ne connaît pas le délai sécuritaire d’interruption de l’allaitement. Si la mère qui allaite fume occasionnellement du cannabis, il est probablement raisonnable de lui recommander d’attendre quelques heures (par exemple, au moins quatre heures) avant de reprendre l'allaitement, de façon à réduire les risques à court terme pour l’enfant. Les effets psychoactifs ne doivent plus être présents lors de la reprise de l’allaitement. On doit s’attendre à ce qu’il reste du THC et d’autres cannabinoïdes dans le lait maternel lors des prochains allaitements. Le THC et ses métabolites seront détectables dans l'organisme de l'enfant.
En cas de consommation régulière ou importante de cannabis par la mère (par exemple, plus d’une fois par semaine), on doit recommander à la mère de réduire sa consommation au minimum. Une consommation régulière doit inciter le clinicien à rechercher une pathologie maternelle sous-jacente (par exemple, insomnie ou anxiété) (15). Le suivi du bébé doit être orienté vers la détection d’éventuels effets indésirables (par exemple, somnolence, hypotonie, irritabilité, perte de poids ou gain de poids insuffisant). Une attention particulière doit être portée à la croissance et au développement psychomoteur de l’enfant.
Une équipe regroupant des chercheurs de la Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal, de l'unité de néonatologie du CHU Sainte-Justine et de l'unité de néonatologie du CHUM recrute actuellement des femmes pour une étude visant à mieux comprendre les effets de la consommation de cannabis durant la grossesse ou l'allaitement sur le cerveau du bébé. Les informations concernant le recrutement sont accessibles à cette adresse : Les effets du cannabis durant la grossesse et l'allaitement.
- Rédaction :
- Josianne Malo et Brigitte Martin, pharmaciennes, centre IMAGe
- Révision :
- Charles-Olivier Chiasson, pharmacien, centre IMAGe
- Caroline Morin, pharmacienne, centre IMAGe
- Louis-Xavier D'Aoust, MD, CCMF, médecin au GMF universitaire des Faubourgs et Centre des naissances du CHUM
- Novembre 2018
Références
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Le méthylphénidate durant l'allaitement
24 octobre 2018
Le méthylphénidate (RitalinMD, ConcertaMD, BiphentinMD et autres dénominations commerciales) est un stimulant indiqué pour le traitement du trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité (TDAH) et, plus rarement, de la narcolepsie (1).
Si on croyait autrefois que le TDAH disparaissait à la puberté, on rapporte maintenant qu’environ 30 % des patients traités pour un TDAH poursuivent leur traitement pharmacologique à l’âge adulte (2). Chez les mères présentant un TDAH, la période postnatale est une source particulière de stress, puisque la planification et l’organisation requises pour prendre soin d’un nouveau-né peuvent représenter un défi. Pour ces raisons, plusieurs mères envisagent la reprise de leur traitement pharmacologique du TDAH, dont le méthylphénidate, après l’accouchement (3).
Données cliniques sur le passage dans le lait
Le passage du méthylphénidate dans le lait maternel a été étudié chez au moins six femmes prenant des doses de 15 à 80 mg/jour (formulation à courte durée dans quatre de ces cas) (4,5). Selon les concentrations mesurées dans le lait de 5 mères, on estime qu’un enfant allaité exclusivement recevrait, par le lait maternel, moins de 2 % de la dose pédiatrique de méthylphénidate. Chez une sixième mère, qui prenait une dose quotidienne de 72 mg de méthylphénidate, le médicament était indécelable dans le lait maternel. La technique analytique employée pour réaliser les dosages ainsi que les moments choisis pour effectuer les mesures (selon l’âge post-partum et le moment où le médicament a été pris par la mère) n’ont pas été détaillés.
Chez 3 nourrissons, le faible transfert lacté du méthylphénidate s’est traduit par des mesures sanguines indécelables. Dans ces cas, les doses maternelles employées étaient de 35 à 80 mg/jour. L’un des nourrissons était âgé de deux mois, mais l’âge était inconnu pour les deux autres. Dans les trois cas, le type d’allaitement (mixte ou exclusif) n’était pas précisé (4).
Tolérance du nourrisson
Chez au moins six nourrissons, l’allaitement par une mère traitée par le méthylphénidate n’a pas été associé à des effets indésirables à court terme (4,5,6). L’âge des nourrissons n’était pas connu dans tous les cas, mais variait de la naissance à quatre semaines de vie (dans un cas) à 11 mois (dans un cas). Le type d’allaitement n’était pas toujours précisé; il est donc possible qu’aucun de ces bébés n’ait été exclusivement allaité.
La monographie du produit rapporte le cas d’un nourrisson ayant présenté une perte de poids importante mais non précisée durant l’exposition au médicament par l’allaitement. Le poids du nourrisson s’est rétabli et a augmenté après que la mère a cessé de prendre le méthylphénidate (1).
Les impacts neurodéveloppementaux potentiels d’une exposition faible mais prolongée au méthylphénidate par le biais de l’allaitement maternel sont pour le moment inconnus.
Impact sur la lactation
Le méthylphénidate, en réduisant la prolactine sérique, pourrait théoriquement entraîner une diminution de la production lactée. Pour le moment, cette possibilité n’a pas été étudiée chez la femme qui allaite. Un seul cas d’insuffisance de la production lactée a été décrit chez une mère traitée par le méthylphénidate. Cette maman, traitée par 36 mg/jour de méthylphénidate à libération prolongée durant la grossesse et l’allaitement, a utilisé de la dompéridone pour tenter d’améliorer sa production de lait. Elle présentait des facteurs de risque connus de l’insuffisance de lait maternel, comme l’hypothyroïdie et l’anémie, et elle allaitait partiellement son bébé, né à terme avec une anomalie pulmonaire congénitale et pour qui les mises au sein étaient laborieuses (5).
Si le risque d’une diminution de la production lactée existe pour le méthylphénidate, celui-ci est probablement plus grand en début d’allaitement, lorsque la lactation n’est pas bien établie.
En somme
Les avis d’experts sont équivoques quant à l’utilisation du méthylphénidate durant l’allaitement. Certains sont d’avis qu’il est préférable de ne pas utiliser le méthylphénidate chez la femme qui allaite (7,8), tandis que d’autres considèrent que le traitement est compatible avec l’allaitement et pose un très faible risque pour le nourrisson (9,10,11). De façon générale, les effets indésirables liés aux médicaments reçus par le lait maternel sont rapportés dans la plupart des cas chez des nourrissons de deux mois de vie ou moins (12,13). Cette période de plus grande vulnérabilité aux effets indésirables peut orienter choix du moment où le médicament est repris par la mère, ainsi que le suivi à effectuer pour évaluer la tolérance du nourrisson.
La prise en charge du TDAH durant l’allaitement requiert une discussion entre la patiente et son médecin. Mis à part l’importance des symptômes maternels et les facteurs de risque, l’âge du nourrisson, la fréquence des boires ainsi que l’ensemble de la pharmacothérapie maternelle sont des éléments qui orientent la poursuite ou la reprise du méthylphénidate chez la mère qui allaite. Comme toujours, l’utilisation de la dose minimale efficace est recommandée.
Lorsqu’une mère est traitée par le méthylphénidate durant l’allaitement, il est possible qu’une formulation à libération immédiate, plutôt que celles à libération retardée, réduise l’exposition du nourrisson. Une formulation à longue durée n’est toutefois pas déconseillée si son mode de libération convient mieux à la patiente. Prendre la dose juste après la tétée peut également contribuer à réduire l’exposition du nourrisson au médicament par le lait. Par précaution, l’enfant peut être suivi pour de l’agitation et un gain de poids ralenti.
- Rédigé par Josianne Malo, pharmacienne, centre IMAGe
- Révisé par Brigitte Martin, pharmacienne, centre IMAGe
Références
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Le méthylphénidate durant la grossesse
1er août 2018
Le méthylphénidate (RitalinMD, ConcertaMD, BiphentinMD et autres dénominations commerciales) est un stimulant indiqué pour le traitement du trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité (TDAH) et, plus rarement, de la narcolepsie (1).
Si on croyait autrefois que le TDAH disparaissait à la puberté, on rapporte maintenant qu’environ 30 % des patients traités pour un TDAH poursuivent leur traitement pharmacologique à l’âge adulte. Ces médicaments sont donc susceptibles d’être utilisés par les femmes enceintes. D’ailleurs, une récente étude nord-américaine rapporte une augmentation de l’utilisation des traitements du TDAH durant la grossesse, passant de 0,2 % des grossesses en 1997 à 1,3 % en 2013 (2).
À l’image de l’exposition grandissante aux psychostimulants durant la grossesse, les données sur l’innocuité du méthylphénidate se sont multipliées au cours des dernières années. Cette capsule s’adresse aux professionnels de la santé et présente l’état actuel des connaissances sur l’utilisation au méthylphénidate durant la grossesse.
Risque malformatif
- Les premières données cliniquement significatives sur l’innocuité du méthylphénidate durant la grossesse proviennent du registre suédois des naissances (3). Dans cette étude de cohortes prospective, les femmes ont été recrutées au moment de leur premier suivi anténatal, à environ douze semaines de grossesse, où une entrevue structurée a permis de récolter des informations sur la prise récente de médicaments. On y rapporte 208 enfants dont la mère a été traitée par le méthylphénidate en début de grossesse, incluant cinq enfants avec une malformation majeure, lesquelles étaient cardiovasculaires : un enfant avait une cardiopathie complexe et les quatre autres avaient une anomalie septale ventriculaire. Le risque relatif pour les anomalies cardiaques était de 1,81 (IC95% 0,59–4,21). Si ces résultats suggèrent un signal possible pour les anomalies cardiaques, ils peuvent également s’expliquer par la petite taille d’échantillon de l’étude et la prévalence élevée des anomalies cardiaques dans la population générale (1 %).
- Une deuxième publication suédoise, dont les données recoupent celles du registre des naissances décrit précédemment, rapporte davantage de données (4). En somme, les chercheurs rapportent 1 591 enfants exposés aux différents traitements du TDAH au cours de la grossesse, dont environ 80 % au méthylphénidate, sans association avec des anomalies congénitales majeures. Il est difficile d’interpréter ces résultats de façon précise, puisque les auteurs ne présentent pas les données concernant seulement les femmes exposées au méthylphénidate. Dans cette étude, la plupart des enfants ont été exposés en début de grossesse uniquement, avec seulement 251 expositions (16 %) au troisième trimestre. Cette publication a fait l’objet d’un club de lecture au centre IMAGe.
- Au Danemark, une étude de croisement de bases de données incluant un registre de réclamations d’assurances a permis d’identifier 222 femmes ayant renouvelé une ordonnance de méthylphénidate en début de grossesse (5). Les auteurs n’ont pas trouvé d’augmentation du risque d’anomalies majeures, ni d’association avec les anomalies cardiovasculaires par rapport à un groupe de femmes qui partageaient les caractéristiques démographiques des femmes traitées.
- L’étude la mieux construite à ce jour sur l’innocuité du méthylphénidate en grossesse provient d’une collaboration internationale de plusieurs centres d’information en tératologie (6). Dans cette étude prospective, les grossesses de 247 mères traitées avec le méthylphénidate au premier trimestre ont été comparées à celles d’un groupe de femmes traitées par des médicaments non tératogènes. Les auteurs n’ont pas trouvé d’augmentation du risque d’anomalies majeures (2,4 % c. 3,4 %, p = 0,511), ni d’augmentation du risque d’anomalies cardiovasculaires (0,8 % c. 0,8 %, p = 0,97). Finalement, le taux d’avortement spontané était plus élevé dans le groupe méthylphénidate (14 % c. 7 %, p = 0,002). À ce sujet, rappelons que le taux de base d’avortement spontané est de 10 à 20 % dans la population générale. Enfin, il est pertinent de noter que dans cette étude, seulement 15 % des femmes exposées ont poursuivi leur traitement durant toute la grossesse, l’âge gestationnel médian à l’arrêt du traitement étant de 6 semaines.
- La plus grande étude publiée à ce jour sur l’innocuité du méthylphénidate chez la femme enceinte provient d’un jumelage de bases de données incluant un registre de réclamations d’assurances aux États-Unis (7). Dans une première étape, les chercheurs ont étudié 2 072 mères ayant renouvelé une ordonnance de méthylphénidate au premier trimestre : le taux d’anomalies majeures était de 4,6 % (IC95% 3,8-5,6 %) et celui d’anomalies cardiaques était de 1,9 % (IC95% 1,4-2,6 %). Ces valeurs se rapprochent de celles attendues dans la population générale, et dans leur modèle statistique ajusté, les auteurs n’ont pas trouvé de différence statistiquement significative par rapport au groupe de comparaison non traité (RR 1,11, IC95% 0,91-1,35 pour les anomalies majeures et RR 1,28, IC95% 0,94-1,74 pour les anomalies cardiaques). Dans une deuxième étape, les auteurs ont cherché à valider leurs résultats en utilisant les cohortes des registres prospectifs scandinaves. Parmi 1 402 enfants dont la mère avait été traitée avec du méthylphénidate durant la grossesse, les taux d’anomalies majeures et cardiaques étaient similaires aux populations de référence après ajustements. Dans une dernière étape, pour obtenir le maximum de puissance statistique possible, les chercheurs ont mis en commun les données américaines et scandinaves et ont calculé un risque relatif marginalement augmenté pour les anomalies cardiovasculaires (RR 1,28, IC95% 1,00-1,64), sans augmentation notée pour les anomalies majeures en général. Si les auteurs interprètent ces résultats comme un signal possible, ils insistent sur le fait que le risque supplémentaire, s’il existe réellement, reste très faible : ils calculent que pour 1000 femmes traitées par le méthylphénidate au premier trimestre, trois enfants supplémentaires pourraient présenter une anomalie cardiaque. Encore ici, la validité clinique des résultats est limitée par l’absence de contrôle pour plusieurs facteurs confondants potentiels et l’imprécision sur l’exposition réelle au méthylphénidate durant la grossesse.
- Une étude de cas-témoins américaine a exploré les associations potentielles entre les médicaments utilisés pour traiter le TDAH et douze anomalies structurelles majeures (8). Chez les mères exposées, les médicaments les plus utilisés étaient la combinaison amphétamine/dextroamphétamine (40 %) et le méthylphénidate (38 %). Les auteurs ont trouvé des associations statistiquement significatives entre les traitements du TDAH et le gastroschisis (RC ajusté pour l’âge maternel 3,0, IC95% 1,2-7,4), l’omphalocèle (RC brut 4,0, IC95% 1,2-13,6) et les anomalies transverses des membres (RC brut 3,3, IC95% 1,1-9,6). Pour les deux dernières anomalies, le très petit nombre de cas exposés a empêché l’ajustement statistique pour quelque facteur confondant que ce soit. Si cette étude permet de générer des hypothèses pour les futures recherches sur l’innocuité des stimulants durant la grossesse, il faut noter qu’une relation de causalité ne peut être déterminée par une seule étude de ce type. Dans celle-ci, les associations se basent sur peu de cas, et les liens pourraient s’expliquer par le biais de mémoire, le hasard, ou la présence de facteurs confondants. Cette étude n’a pas observé d’association entre les stimulants et les anomalies cardiovasculaires.
Complications obstétricales
Des chercheurs américains se sont demandés si les psychostimulants, en affectant la placentation et la fonction placentaire, étaient associés à différentes maladies ischémiques placentaires se manifestant par le petit poids pour l’âge gestationnel, la prééclampsie (PE), le décollement placentaire ou la prématurité (9). En réalisant une étude de croisement de bases de données, ils ont rassemblé une cohorte de 5 299 grossesses sans anomalies congénitales et exposées à des psychostimulants en monothérapie, dont 1 515 femmes traitées par méthylphénidate. Comparativement au groupe non exposé, les femmes traitées étaient plus jeunes, fumeuses, consommatrices de drogues, dépressives, anxieuses, et prenaient davantage d’antidépresseurs, de benzodiazépines, d’antipsychotiques atypiques, d’opiacés, et d’antiépileptiques ou de lithium. La prise de méthylphénidate durant les 20 premières semaines de grossesse n’était pas associée à la PE. Comparativement aux patientes ayant cessé leur stimulant avant 20 semaines de grossesse, celles qui le poursuivaient avaient un risque augmenté de prématurité (16,8 % c. 11,7 %; RR ajusté 1,3, IC95% 1,10-1,55), mais pas de bébés petits pour leur âge gestationnel. L’association entre la prise de stimulants en fin de grossesse et la prématurité reste à confirmer; pour le moment, il n’est pas clair si ce lien est de nature causale, le fruit du hasard, ou l’effet de biais résiduels. D’autres études n’ont pas trouvé de lien entre le méthylphénidate et la prématurité (3,6).
Complications néonatales et développement à long terme
À ce chapitre, les données se limitent à une série de 39 enfants nés de femmes abusant de méthylphénidate et de pentazocine par voie intraveineuse durant toute la grossesse. On y rapporte 28 % de syndrome de retrait, possiblement en lien avec la pentazocine. Parmi les 21 enfants suivis pour leur développement, quatre avaient une intelligence dans les limites inférieures de la normale. En raison des mauvaises habitudes de vie (alcool et tabac) des patientes de cette étude, il est difficile d’extrapoler ces résultats à une clientèle en santé prenant le méthylphénidate pour traiter un TDAH (10). Des études sont attendues pour décrire les effets néonataux et neurodéveloppementaux possibles du méthylphénidate chez les enfants exposés in utero.
En résumé
L’ensemble des données publiées jusqu'à présent sur l'utilisation du méthylphénidate chez les femmes enceintes n'indique pas d’augmentation marquée du risque d’anomalies congénitales majeures, qui est d’environ 2 à 3 % dans la population générale. Bien que deux études aient observé un risque faiblement augmenté d’anomalies cardiaques, le lien de causalité reste à confirmer. Ces données doivent toutefois être interprétées avec prudence, puisque la majorité de l’information provient d’études de croisement de bases de données dans lesquelles l’exposition réelle des patientes étudiées demeure inconnue, et que la plupart des patientes incluses dans les études publiées ont cessé leur traitement en tout début de grossesse. Peu de données sont disponibles sur les issues obstétricales, néonatales et neurodéveloppementales à long terme.
Devant la décision de poursuivre ou d’interrompre un traitement pharmacologique du TDAH durant la grossesse, une discussion entre l'équipe médicale, la patiente et son conjoint est essentielle. Les risques potentiels de l’absence de traitement pharmacologique doivent être considérés, notamment la délinquance, l’abus d’alcool et de drogues et les relations sexuelles non protégées (11). On doit également tenir compte de la trajectoire clinique de la patiente, de la sévérité de la condition et des différentes comorbidités souvent associées. Dans des cas particuliers présentant des perturbations significatives du fonctionnement et faisant face à un nombre élevé de stresseurs, la pharmacothérapie peut être poursuivie. Comme toujours, les décisions de traitement doivent être individualisées. En cas d’exposition à la fin de la grossesse, la surveillance de routine du nouveau-né est probablement suffisante.
- Rédigé par Josianne Malo, pharmacienne
- Révisé par Brigitte Martin, pharmacienne
Références
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L'utilisation du polyéthylène glycol 3350 comme laxatif durant la grossesse
6 juillet 2018
La constipation est une condition retrouvée fréquemment durant la grossesse (1). Plusieurs facteurs peuvent y contribuer : des changements hormonaux qui augmentent le temps de transit intestinal et l’absorption d’eau au côlon, un faible apport en liquide et en fibres, l’utilisation de vitamines prénatales contenant du calcium et du fer, des facteurs mécaniques comme la compression de l’utérus sur l’appareil digestif et enfin des facteurs comportementaux comme une diminution de l’activité physique (1,2). Pour traiter la constipation, dans un premier temps, on favorise les mesures non pharmacologiques : boire beaucoup d’eau, faire de l’exercice si la condition le permet, et régulariser l’horaire des selles. Un traitement médicamenteux peut être envisagé si les mesures non pharmacologiques ne sont pas efficaces. Parmi les premières options proposées, on retrouve les agents de masse (p. ex. psyllium), le docusate de sodium ou de calcium, les suppositoires de glycérine et le lactulose (2). Le polyéthylène glycol 3350 (PEG-3350) est une option qui peut également être envisagée.
Données pharmacodynamiques et pharmacocinétiques
Le PEG-3350 est un laxatif osmotique commercialisé au Canada sous le nom de Lax-a-day®, EmoLax® PegLyte®, RestoraLAX®, et autres dénominations commerciales. Il s’agit d’un polymère volumineux de polyéthylène glycol. On utilise également le terme macrogol dans plusieurs pays. Le chiffre 3350 réfère à son poids moléculaire de 3350 daltons. D’autres polymères sont également commercialisés comme laxatifs dans d’autres pays, notamment le PEG-4000 (Macrogol-4000® et autres dénominations). Ils agissent en favorisant la rétention d’eau dans la lumière intestinale, ce qui augmente le volume des selles.
L’absorption des PEG-3350 et 4000 par voie entérale est négligeable. Dans une étude évaluant la pharmacocinétique du PEG-3350 après son administration à dose laxative, l’excrétion urinaire moyenne d’une dose varie entre 0,19 et 0,25 % de la dose administrée et on retrouve plus de 93 % du médicament dans les fèces (3). De grands volumes peuvent être donnés sans causer de perturbations significatives de la balance liquidienne ou électrolytique (4). Il n’y a pas d’effet sur l’absorption active ou la sécrétion du glucose et des électrolytes (5). Enfin, les données de suivi clinique ne montrent pas de tachyphylaxie lors d’un traitement prolongé (5).
Données d’innocuité animales
Nous n’avons pas retracé d’études animales publiées avec le PEG-3350 (4). Les seules études disponibles ne sont pas extrapolables à l’utilisation du PEG-3350 puisqu’elles ont été effectuées avec des polymères de poids moléculaire beaucoup plus faible (6). Selon la monographie française, les études chez deux espèces animales n’ont pas fait ressortir de risque durant la gestation, mais le détail de ces données n’est pas accessible (7).
Données d’innocuité chez l’humain
On ne sait pas si le PEG-3350 traverse le placenta. Le fait que ce médicament soit faiblement absorbé par voie orale et que son poids moléculaire soit élevé laisse présager qu’un transfert placentaire significatif est improbable (4).
Une seule étude a été retracée sur l’utilisation du PEG comme laxatif durant la grossesse. Dans cette étude de cohortes ouverte, 40 femmes enceintes de 8 à 38 semaines de grossesse ont reçu le médicament (8). Ces patientes recevaient 250 mL de PEG-4000 (Isocolan®) par voie orale deux fois par jour jusqu’à la première selle, puis une fois par jour pour un total de 15 jours. Trente-sept femmes ont complété l’étude. Il y a eu deux accouchements à 26 semaines et un avortement spontané, sans lien avec le traitement selon les chercheurs. Les résultats de cette étude démontraient une amélioration de la constipation : la condition des femmes s’est améliorée chez 73% d’entre elles et est restée inchangée pour 27%. Il n’y a pas eu de complications néonatales. Les effets indésirables rapportés étaient la nausée, l’asthénie et la douleur abdominale (8). Un seul autre rapport de cas mentionne l’efficacité d’une solution de PEG-3350 avec électrolytes dans le traitement de la constipation chez une femme enceinte au troisième trimestre (9).
L’utilisation durant la grossesse et les avis d’experts
En dépit du peu de données scientifiques évaluant l’innocuité de ces produits durant la grossesse, les laxatifs contenant du PEG sont utilisés de façon croissante et à large échelle : une étude britannique publiée en 2011 rapporte que presque le tiers des femmes enceintes traitées avec un laxatif ont reçu du PEG, une proportion en croissance pendant la période à l’étude (10). Les lignes directrices de l’American Gastroenterological Association, publiées en 2006, le citent comme un traitement de première intention pour la constipation chronique chez la femme enceinte; on peut donc présumer que son utilisation durant la grossesse est répandue aussi en Amérique du Nord (11). Plusieurs références spécialisées en grossesse le placent également parmi les premières lignes de traitement chez la femme enceinte (2,4,12-15).
En résumé
La grossesse peut entraîner ou aggraver la constipation. En premier lieu, il convient de favoriser les mesures non pharmacologiques. Si elles sont inefficaces, on peut se tourner vers une pharmacothérapie adaptée pour la femme enceinte. Parmi les options de traitement possibles, le PEG-3350 peut être utilisé à tous les trimestres de la grossesse en raison de son absorption entérale négligeable, de l’absence de déséquilibre hydroélectrolytique associé à son utilisation, ainsi que du recul clinique favorable, y compris durant la grossesse. La prise en charge de la constipation durant la grossesse et la place des divers laxatifs est détaillée dans l’ouvrage de référence Grossesse et Allaitement : guide thérapeutique (2), dont les recommandations restent à jour.
- Rédigé par Geneviève Ouellet, pharmacienne, centre IMAGe
- Révisé par Brigitte Martin et Geneviève Fortin, pharmaciennes, centre IMAGe
- Juillet 2018
Références
- Armessen C, Faure S. La constipation au cours de la grossesse. Actualités pharmaceutiques 2009; 486 : 16-8.
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Le mébendazole durant la grossesse – une mise à jour
22 mai 2018
Le mébendazole, commercialisé sous le nom de Vermox®, possède un large spectre d’action et est efficace contre la plupart des helminthiases intestinales, dont Enterobius vermicularis (oxyure), le plus rencontré en Amérique du Nord. Son action anthelminthique repose sur l’inhibition du captage du glucose associé à un épuisement du glycogène et une diminution de la formation d’ATP.
Données animales
Les études effectuées chez le rat et la souris révèlent des effets tératogènes et embryotoxiques après l’administration orale de doses comparables ou supérieures à celles utilisées chez humain. Ces effets n’ont cependant pas été mis en évidence chez plusieurs autres espèces animales (1-3).
Données épidémiologiques chez l’humain
Malgré l’inquiétude liée au potentiel tératogène du mébendazole chez deux espèces animales, les données cumulées chez l’humain sont à présent nombreuses et rassurantes.
Chez l’humain, le mébendazole est presque exempt d’action pharmacologique. Il est très peu absorbé par la muqueuse intestinale (de 2 à 10 %) et est essentiellement excrété sous forme inchangée dans les selles (4).
L’une des principales études portant sur l’innocuité du mébendazole en grossesse est une étude de cohortes menée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 1999 auprès de 5 275 femmes enceintes traitées avec le mébendazole pour une ankylostomiase, dont 407 au premier trimestre. Elle ne montre pas d’augmentation significative du taux de malformations majeures dans le groupe traité par rapport au groupe témoin. Par ailleurs, les taux de mortalité périnatale ainsi que le nombre de bébés de petit poids étaient moins élevés dans le groupe traité que dans le groupe témoin, possiblement en raison de l’éradication de l’agent infectieux et, par conséquent, du meilleur état nutritionnel des mères (5,6).
Une étude récente de croisement de bases de données danoises a permis d’identifier 2 567 mères ayant rempli une ordonnance de mébendazole durant leur grossesse, dont 1 022 au premier trimestre. En comparant les femmes traitées au reste de la population, les chercheurs ont trouvé des taux similaires d’anomalies majeures, d’anomalies mineures, de mortinaissance, de mortalité néonatale et de petit poids à la naissance. Dans cette étude, qui se base sur des réclamations aux assurances pour identifier les patientes, l’exposition réelle au médicament n’est pas confirmée et l’information disponible ne permet pas d’ajustement statistique pour certains facteurs potentiellement confondants, comme les habitudes de vies et autres conditions maternelles (7). Néanmoins, les résultats rassurants de cette cohorte sont en accord avec ceux de l’OMS.
L’ensemble des autres données, issues d’études de cohorte prospectives comparatives et du fabricant, rassemble près de 400 femmes supplémentaires traitées au premier trimestre avec le mébendazole; elles ne font pas état d’une augmentation significative du risque de malformations majeures comparativement au risque de base observé dans la population générale, qui est estimé à 2 à 3 % (3, 6-10). Le recul clinique est important et les données sont très nombreuses pour les femmes traitées au 2e et au 3e trimestre de leur grossesse, sans identification à ce jour d’un risque périnatal particulier (3,6,9,10)
À ces données d’innocuité on peut ajouter un recul clinique important du mébendazole en grossesse.
En résumé
Puisque l’entérobiase comporte peu de risque durant la grossesse, plusieurs cliniciens sont d’avis qu’il est préférable d’attendre la fin du premier trimestre de la grossesse avant de traiter cette infection (6). Néanmoins, lorsqu’un traitement est requis, le mébendazole peut être envisagé peu importe le trimestre de la grossesse. On pourra rappeler à la patiente les mesures de nettoyage minutieux (logement et vêtements, ongles coupés) à observer dans le but de détruire les œufs et de prévenir la réinfestation. La prise en charge globale des oxyures durant la grossesse est détaillée dans l’ouvrage de référence Grossesse et Allaitement : guide thérapeutique (6), dont les recommandations générales restent à jour.
- Capsule d’information initialement rédigée par Maud Blin Mathieu, D.Pharm (France), assistante de recherche, IMAGe, et révisée par Dorothée Briet-Brisseau, D.Pharm (France), assistante de recherche, IMAGe, en janvier 2010.
- Adaptation et mise à jour par Josianne Malo, B.Pharm., M.Sc., pharmacienne, IMAGe, et révision par Brigitte Martin, B.Pharm., M.Sc., pharmacienne, IMAGe, mai 2018.
Références
- Mebendazole. Dans: Teris, REPRORISK® System (version électronique). Truven Health Analytics, Greenwood Village, Colorado, USA. Accessible à : http://www.micromedexsolutions.com/ (Page consultée le 22 mai 2018).
- Mebendazole. Dans: Reprotox, REPRORISK® System (version électronique). Truven Health Analytics, Greenwood Village, Colorado, USA. Accessible à : http://www.micromedexsolutions.com/ (Page consultée le 22 mai 2018).
- Briggs GG, Freeman RK, Towers CV, Forinash AB. Drugs in pregnancy and lactation. A reference guide to fetal and neonatal risk. 11th ed. Philadelphia, PA: Wolters Kluwer Health, Lippincott Williams & Wilkins, 2017.
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- de Silva NR, Sirisena JLGJ, Gunasekera DPS, et al. Effect of mebendazole therapy during pregnancy on birth outcome. Lancet 1999:353:1145-9.
- Blin Mathieu M. Les helminthiases intestinales. Dans : Ferreira E, Martin B, Morin C. Grossesse et Allaitement : Guide thérapeutique. 2e édition. Montréal : Éditions du CHU Sainte-Justine, p.673-92.
- Torp-Pedersen A, Jimenez-Solem E, Cejvanovic V, et al. Birth outcomes after exposure to mebendazole and pyrvinium during pregnancy - A Danish nationwide cohort study. J Obstet Gynaecol 2016;36(8):1020-5.
- Diav-Citrin O, Shechtman S, Arnon J, et al. Pregnancy outcome after gestational exposure to mebendazole: A prospective controlled cohort study. Am J Obstet Gynecol 2003,188:282-5.
- Schaefer C, Peters P, Miller RK. Drugs during pregnancy and lactation : Treatment options and risk assessment. 3e éd. London : Elsevier B.V.; 2015.
- Gyorkos TW, Larocque R, Casapia M, Gotuzzo E. Lack of risk of adverse birth outcomes after deworming in pregnant women. Pediatr Infect Dis J 2006, 25:791-4.
Le montélukast pour le traitement de l'asthme durant la grossesse: les données d'innocuité
16 avril 2018
Durant la grossesse, environ un tiers des femmes voient le contrôle de leur asthme inchangé, alors qu’environ un tiers d’entre elles connaissent une dégradation et qu’environ un autre tiers connaissent une amélioration de leurs symptômes (1, 2). Le montélukast (p. ex. Singulairmd) est un antagoniste des récepteurs à cystéinyl-leucotriènes de type 1 (CysLT1) exprimés par plusieurs lignées cellulaires des voies respiratoires. Chez les asthmatiques, la liaison des leucotriènes à ces récepteurs cause une augmentation de la bronchoconstriction, de la sécrétion de mucus, du recrutement d’éosinophiles et de la perméabilité vasculaire (3).
Efficacité du montélukast en asthme
L’efficacité du montélukast comme traitement pour l’asthme a été démontrée dans plusieurs essais randomisés contrôlés, tant chez les enfants que chez les adultes (7, 8, 9). Néanmoins, les bienfaits des corticostéroïdes inhalés demeurent supérieurs à ceux du montélukast comme traitement de fond de l’asthme (7). Les avantages d’ajouter le montélukast aux corticostéroïdes inhalés se sont aussi avérés inférieurs à ceux de l’ajout des béta-agonistes inhalés à longue action chez l’adulte (8). Les lignes directrices du Global Initiative for Asthma (GINA) ont clarifié le rôle du montélukast dans le continuum du traitement de l’asthme chez l’adulte (2), qui demeure essentiellement une troisième ligne de traitement.
Innocuité du montélukast en grossesse
Plusieurs groupes de scientifiques ont cherché à caractériser l’innocuité du montélukast durant la grossesse. Deux registres prospectifs (9-11) et deux études de cohortes prospectives (12,13), comptant au total près de 900 femmes traitées en début de grossesse, ont été publiés à ce jour. De plus, deux études épidémiologiques rétrospectives (14,16) ont également évalué l’innocuité du montélukast. Ces données sont détaillées dans cette section.
- Le registre prospectif de pharmacovigilance du Singulairmd aux États-Unis comprend des données sur l’évolution de la grossesse de 269 femmes enceintes traitées avec le montélukast, dont 221 au premier trimestre, de février 1998 à juillet 2012 (9). Les cas y sont répertoriés par les femmes elles-mêmes ou encore par des professionnels de la santé. Sept anomalies majeures ont été rapportées chez les enfants nés vivants (3,2 %), un taux comparable au taux attendu dans la population générale. Néanmoins, les chercheurs ont aussi compilé six rapports d’anomalies réductionnelles des membres provenant de rapports prospectifs mais aussi rétrospectifs, ce qui pouvait constituer un signal en tératologie. Cette hypothèse a été explorée dans l’analyse rétrospective d’un registre de réclamations d’assurances aux États-Unis, analyse menée par des chercheurs employés chez Merck (14). Les chercheurs ont identifié 1 504 grossesses avec renouvellement d’une ordonnance de montélukast, dont 1 187 au premier trimestre. Parmi les 62 réclamations pour anomalies des membres initialement identifiées, les dossiers médicaux disponibles ont permis aux auteurs de confirmer seulement deux de ces anomalies, toutes deux chez des nouveau-nés exposés non pas au montélukast mais plutôt aux corticostéroïdes inhalés in utero. Les résultats ont été publiés sous forme de lettre à l’éditeur, limitant considérablement la capacité du lecteur à critiquer la méthodologie. Cet article a fait l’objet d’un club de lecture au centre IMAGe. Les experts consultés par le fabricant listent plusieurs autres éléments en défaveur d’un lien de causalité entre le montélukast et les anomalies réductionnelles des membres : études animales négatives, absence de mécanisme biologique plausible, facteurs confondants multiples dans les cas rapportés et autres études publiées sans réplication de ce signal (9). Le fabricant affirme continuer à monitorer les cas rapportés et a adopté une approche rassurante à cet égard dans sa monographie (3).
- Bakhireva et coll. (2007) rapportent les résultats d’une étude évaluant trois groupes de femmes suivies prospectivement par des centres d’information en tératologie en Amérique du Nord (12). Le groupe à l’étude comprenait 96 expositions aux antagonistes des récepteurs aux leucotriènes (ARLT), dont 74 au montélukast dans la première moitié de la grossesse. On a comparé le déroulement des grossesses à un groupe formé de femmes asthmatiques traitées uniquement avec des béta-agonistes inhalés à courte durée d’action (BACA) et à un groupe de femmes non asthmatiques et sans exposition tératogène. Dans le groupe exposé aux ARLT, le taux de malformations était plus élevé que celui du groupe de comparaison composé de femmes non asthmatiques (5,95 % c. 0,3 %; p = 0,007). Cependant, les chercheurs n’ont pas observé de différence statistiquement significative par rapport au groupe de femmes asthmatiques traitées avec des BACA (5,95 % c. 3,9 %; p = 0,524). Aucun patron d’anomalies n’a été décelé par les chercheurs. Le taux d’anomalies congénitales plus faible que prévu dans le groupe de comparaison non asthmatique est expliqué par les chercheurs par le fait que les femmes de ce groupe étaient généralement en meilleure santé, incluant l’absence d’asthme et les IMC plus faibles. Dans cette étude, les patientes traitées avec des ARLT avaient un moins bon contrôle de leur asthme que les femmes du groupe BACA, elles ont eu des visites imprévues en clinique médicale et des admissions hospitalières significativement plus fréquentes que le groupe asthmatique sous BACA.
- Kallen et Olausson (2007) décrivent les résultats du registre suédois des naissances portant sur les médicaments utilisés en asthme (10,11). Dans cette étude de cohortes prospective, les femmes étaient recrutées au moment de leur premier suivi anténatal, à environ 12 semaines de grossesse, où une entrevue structurée permettait de récolter des informations sur la prise récente de médicaments. Parmi les 129 enfants exposés au montélukast au début de la grossesse, sept ont présenté une anomalie congénitale majeure (5,4 %), un taux qui n’est pas statistiquement différent du risque de malformations majeures des enfants de la population suédoise dans son ensemble (OR 1,17, IC95% 0,47–2,41). Le fabricant Merck cite une mise à jour non publiée des données du registre suédois des naissances, avec 433 rapports prospectifs d’exposition au montélukast durant la grossesse (9). Quinze anomalies congénitales y sont recensées (3,5 %).
- Sarkar et coll. (2009) rapportent l’évolution de la grossesse de 180 femmes traitées avec du montélukast et suivies prospectivement par des centres d’information en tératologie en Europe (13). Quatre-vingt-dix pourcent des femmes avaient reçu le médicament au premier trimestre et 34 % pour toute la durée de la grossesse. Les femmes des deux groupes de comparaison, soit asthmatique et sain, ont été appariées à celles du groupe traité avec montélukast pour l’âge maternel, l’âge gestationnel au recrutement, le tabagisme et la consommation d’alcool. Une anomalie majeure (cardiaque, 0,7 %) a été relevée dans le groupe montélukast, contre quatre (2,7 %) dans le groupe contrôle asthmatique (p = 0,081). Les bébés du groupe montélukast avaient un âge gestationnel moyen et un poids à la naissance moyen plus petits que ceux des bébés du groupe contrôle sain. Ces différences n’étaient pas significatives entre le groupe montélukast et le groupe asthmatique, rappelant l’influence de la pathologie elle-même sur les complications périnatales.
- Finalement, une étude épidémiologique construite à partir du jumelage de bases de données danoises a recensé 827 femmes ayant reçu au moins une ordonnance de montélukast au premier trimestre de leur grossesse (16). On n’a pas observé de différence dans le taux d’anomalies congénitales chez les enfants exposés au montélukast seul ou en association avec d’autres médicaments pour l’asthme par rapport à la population de comparaison non traitée pour l’asthme (RC 1,4, IC95% 0,9-2,3 et RC 1,0, IC95% 0,6-1,8, respectivement). Les auteurs ont cependant noté un risque accru pour des complications obstétricales (prééclampsie, diabète gestationnel, césarienne d’urgence) et néonatales (petit poids à la naissance, prématurité) dans le groupe exposé par rapport à la population de référence, mais ils attribuent ces résultats à la condition asthmatique maternelle.
En résumé
Les données publiées à ce jour laissent présager que la prise de montélukast durant la grossesse n’augmente pas de façon significative le risque de malformations majeures par rapport au risque de base de 2 à 3% dans la population générale. Les exacerbations d’asthme durant la grossesse sont associées à un risque augmenté de prématurité, de faible poids à la naissance, de mortalité périnatale, de prééclampsie et possiblement de malformations majeures (1, 2,17). Le risque de ces complications est significativement réduit lorsque la condition est bien contrôlée durant la grossesse (1,17). Le recours au montélukast durant la grossesse peut être envisagé lorsque les autres traitements de fond, et notamment les corticostéroïdes inhalés, ne parviennent pas à assurer un contrôle optimal (2,17). Le montélukast ne devrait pas être cessé durant la grossesse s’il est requis pour atteindre une bonne maîtrise de la condition maternelle (17).
- Rédigé par Émile Demers, résident en pharmacie
- Révisé par Brigitte Martin et Josianne Malo, pharmaciennes
- Avril 2018
Références
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L’innocuité durant la grossesse du mannitol utilisé comme excipient dans les préparations pharmaceutiques
12 octobre 2017
La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) et l’Association des obstétriciens et gynécologues du Québec (AOGQ) ont dernièrement fait part de leurs inquiétudes à Santé Canada et aux professionnels de la santé au sujet du mannitol contenu dans les comprimés de Apo-Doxylamine/B6 DR® et de pms-doxylamine-pyridoxine® (1,2). Le fabricant qui commercialise le Diclectin® a également alerté les pharmaciens et les médecins et a laissé entendre que les produits génériques de leur produit peuvent comporter des risques pour les femmes enceintes (3). Ces groupes soulignent l’absence de données sur le mannitol durant la grossesse et soutiennent que ses éventuels effets diurétiques et la possibilité d’une accumulation fœtale en cas d’utilisation prolongée constituent des risques pour la grossesse.
Comme le mannitol est retrouvé non seulement dans ces deux nouveaux médicaments génériques mais aussi dans plusieurs autres produits alimentaires et pharmaceutiques d’usage courant, il convient d’examiner les données factuelles pour mieux comprendre la portée réelle de ces affirmations.
Définitions et utilisation actuelle du mannitol
Le mannitol est un isomère du sorbitol. Il fait partie de la classe des polyols (aussi nommés polyalcools, ou « alcools de sucre »), tout comme le sorbitol, le maltitol et le xylitol. Les polyols sont naturellement présents dans certains légumes et fruits (4) : on retrouve ainsi du mannitol dans le chou-fleur (environ 2,96 g par 100 g), les champignons (2,63 g par 100 g), le céleri (1,5 g par 100 g), le melon d’eau (0,24 g par 100 g), par exemple (5,6).
Au Canada, aux États-Unis et en Europe, le mannitol et d’autres polyols font partie de la liste des additifs alimentaires autorisés (7-9). Comme ces substances ont un goût sucré mais peu d’effets sur la glycémie, ils sont utilisés comme succédanés de sucre dans certains aliments comme les desserts glacés, les gommes à mâcher et les confiseries (4) (p. ex. gomme à mâcher Trident®, bonbons Mentos®, etc.). L’ingestion de mannitol ou d’autres polyols en quantité importante peut entraîner des malaises digestifs et des effets laxatifs par effet osmotique (4). Pour le mannitol, cet effet laxatif est remarqué à partir de doses uniques de 10 g (8-10).
Le mannitol est utilisé par l’industrie pharmaceutique comme excipient : on en retrouve dans plusieurs comprimés à dissolution orale (p. ex. Prevacid Fastabs®) mais aussi dans d’autres formes pharmaceutiques (p. ex. Losec® comprimés et gélules, certaines formulations de Gaviscon® extra-fort comprimés à croquer, Pantoloc® en comprimés, certaines formulations de Lactaid®, certaines formulations pédiatriques croquables d’acétaminophène), y compris des formulations parentérales (p. ex. Copaxone®). La plupart des fabricants n’indiquent pas la teneur en mannitol de leurs produits dans leur monographie. Chaque comprimé de Apo-Doxylamine/B6 DR® contient 0,137 g de mannitol (11). Pharmascience ne nous a pas fourni la teneur en mannitol de ses comprimés de doxylamine/pyridoxine.
Le mannitol est également commercialisé comme médicament au Canada et utilisé par voie intraveineuse comme diurétique osmotique et dans le traitement de l’œdème cérébral (12,13). Le mannitol agit en augmentant la pression osmotique du filtrat glomérulaire, ce qui empêche la réabsorption tubulaire d’eau et d’électrolytes et augmente la diurèse. Le mannitol agirait également dans l’hypertension intracrânienne en favorisant les mouvements d’eau à partir du parenchyme cérébral par son effet sur l’osmolarité extracellulaire (12-14). Les doses utilisées pour obtenir ces effets sont de l’ordre de 0,25 à 1 g/kg par voie intraveineuse, et jusqu’à 2 g/kg dans certaines indications (12,13), ce qui correspond à une dose de 15 à 140 g par voie IV pour un adulte de 70 kg. L’administration du médicament peut être répétée à toutes les quatre à six heures.
Absorption orale du mannitol
L’absorption du mannitol par le tractus digestif est incomplète : les études pharmacocinétiques montrent qu’entre 7 % et 65 % d’une dose ingérée est absorbée (15-17). L’étendue de l’absorption semble varier en fonction de la dose administrée ainsi que des conditions digestives associées (p. ex., présence de diarrhée ou le syndrome du côlon irritable) (5, 16). Le mannitol est éliminé par voie rénale.
Passage placentaire
On a détecté la présence de mannitol dans le sang du cordon ombilical des bébés dont les mères avaient reçu 10 g de mannitol IV pour une dose suivie d’une perfusion continue de 6 g/h jusqu’à la césarienne (18,19). Les concentrations mesurées dans le sang de cordon correspondaient à environ 40 à 70 % des concentrations plasmatiques maternelles. Une autre équipe de chercheurs a également observé la présence de mannitol dans le liquide amniotique après l’administration de doses intraveineuses de 12 à 20 g de mannitol IV (20). Les concentrations étaient généralement supérieures dans le liquide amniotique par rapport au sang maternel. Ainsi, le passage placentaire du mannitol est bien documenté et s’apparente à celui de plusieurs médicaments utilisés durant la grossesse. Il est néanmoins impossible de savoir si ces concentrations peuvent mener à une accumulation dans le compartiment fœtal puisque les mesures ont été faites pendant 4 heures seulement après l’administration.
Les données en grossesse
Données animales
L’administration de mannitol par voie orale à des souris, rates, lapines et hamsters durant la gestation n’a pas été associée à un risque tératogène (21). Les doses testées variaient entre 0,016 et 1,6 g/kg/jour, soit des doses inférieures aux doses intraveineuses menant à des effets diurétiques.
L’administration de mannitol par voie intraveineuse à des rates a été associée à des lésions hémorragiques chez la progéniture exposée in utero, sans risque accru d’anomalies (22). Les doses testées dans cette étude occasionnaient de la déshydratation chez les animaux traités. Les études menées chez les lapines recevant des doses sous-cutanées n’ont pas mené à un risque augmenté de complications pour la progéniture (22). Dans l’ensemble, ces données ne supportent pas un risque accru d’anomalies congénitales chez l’animal, mais laissent présager que les effets diurétiques associées à une utilisation parentérale pourraient avoir des conséquences pour la progéniture.
Données humaines
Il n’existe pas de données épidémiologiques ou cliniques pour vérifier l’innocuité du mannitol chez la femme enceinte. L’utilisation de mannitol intraveineux dans de très petites séries de cas de femmes enceintes traitées en neurochirurgie, surtout au deuxième et troisième trimestre, n’a pas été associée à des anomalies. Deux morts fœtales ont été rapportées dans ces notifications de cas, sans qu’on puisse établir un lien de causalité avec l’administration du médicament, la condition médicale maternelle sous-jacente ayant probablement contribué à la survenue des complications (22). Comme tout soluté hypertonique administré par voie intra-amniotique, l’injection intra-amniotique de mannitol peut induire un avortement (22).
Les avis d’experts
En l’absence de données épidémiologiques ou cliniques, la plupart des références consultées s’appuient sur des avis d’experts qui doivent prendre en compte les propriétés physicochimiques du produit. Ainsi, le recours au mannitol comme laxatif, un usage reconnu dans certains pays d’Europe, est jugé acceptable durant la grossesse (23) ; son emploi comme édulcorant ne suscite pas d’inquiétudes selon une équipe canadienne (24) ; le mannitol est considéré compatible avec la grossesse comme diurétique ou dans le traitement de conditions comme l’œdème cérébral (25).
Les autres excipients
De façon générale, il existe très peu de données spécifiques sur l’innocuité des excipients durant la grossesse (26). Le fait que ces produits soient généralement considérés inertes n’empêche pas que certains d’entre eux puissent comporter des risques. C’est le cas de l’alcool présent en concentrations parfois importantes dans certains élixirs. Il serait certainement souhaitable de mieux connaître le profil de sécurité de tous les ingrédients inactifs présents dans les médicaments.
Certains médicaments ont fait l’objet d’études épidémiologiques extensives ; on pourrait extrapoler que les excipients contenus dans ces médicaments bénéficient de l’innocuité reconnue à l’ingrédient actif. Ainsi, comme on cumule plusieurs milliers d’expositions à l’oméprazole sans conséquences néfastes identifiées pour la grossesse et que plusieurs formulations de ce médicament contiennent du mannitol, on pourrait être tenté d’en extrapoler l’innocuité. Il reste que dans la vaste majorité des études publiées, comme ici dans le cas des études sur l’oméprazole, on ne connaît pas les excipients contenus dans les préparations utilisées par les femmes enceintes.
Conclusion
Les quantités de mannitol utilisé comme excipient dans les médicaments restent généralement bien inférieures aux doses pouvant mener à des effets digestifs ou diurétiques. Une femme qui prend quatre comprimés par jour d’Apo-Doxylamine/B6 DR® consomme 0,55 g de mannitol par jour, une quantité inférieure à une portion alimentaire de chou-fleur ou de céleri. Si la moitié de ce mannitol est absorbé, elle s’expose à l’équivalent de 0,27 g de mannitol par jour, soit moins de 2 % de la plus petite dose diurétique recommandée.
L’examen des preuves scientifiques accumulées à ce jour ne permet pas d’identifier de risque concret pour la grossesse suite à l’exposition au mannitol utilisé comme excipient. Si les données épidémiologiques humaines supportant la sécurité de cet excipient sont manquantes, la présence de mannitol dans certains fruits et légumes laisse supposer que l’exposition à de petites quantités ne comporte pas de risque majeur pour le déroulement de la grossesse.
Rédigé le 12 octobre par:
L’équipe des pharmaciens du centre IMAGe (Info-Médicaments en Allaitement et Grossesse) du CHU Sainte-Justine
Brigitte Martin, B.Pharm., M.Sc., clinicienne associée UdeM, responsable du centre IMAGe
Caroline Morin, B.Pharm., M.Sc., clinicienne associée UdeM, chef de l'équipe des pharmaciens de l'équipe mère-enfant du CHU Sainte-Justine
Ema Ferreira, B.Pharm., M.Sc., Pharm. D., vice doyenne, Faculté de pharmacie, Université de Montréal
Marie-Sophie Brochet, B.Pharm., M.Sc., clinicienne associée UdeM
Geneviève Fortin, B.Pharm., M.Sc., clinicienne associée UdeM
Geneviève Ouellet, B.Pharm., M.Sc., clinicienne associée UdeM
Charles-Olivier Chiasson, D.Pharm., M.Sc., clinicien associé UdeM
En collaboration avec :
Dre Lucie Morin, MD, FRCSC, Chef du département d'obstétrique-gynécologie CHU Sainte-Justine, professeure agrégée faculté de médecine Université de Montréal
Dre Evelyne Rey, MD, chef du service de MIGO (médecine interne obstétricale et gynécologique), CHU Sainte-Justine
Références
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2016
Exposition anténatale aux antidépresseurs et trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité
17 JUIN 2016
Quelques recherches ont récemment porté sur l’association entre l’exposition anténatale aux antidépresseurs et le risque de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) chez l’enfant. Cette capsule d’information s’adresse aux professionnels de la santé qui souhaitent prendre connaissance des données disponibles à ce jour sur ce sujet pour conseiller les patientes qui planifient une grossesse ou sont enceintes.
Le TDAH
Le TDAH est un trouble neurodéveloppemental dont les symptômes cardinaux sont l’inattention, l’hyperactivité et l’impulsivité (1). La prévalence du TDAH chez l’enfant est estimée à 7%, un taux qui varie selon les seuils diagnostiques, les lieux de pratique et les modes d’évaluation par différents professionnels (2). Cliniquement, de multiples conditions pédopsychiatriques comme les troubles anxieux, le trouble oppositionnel avec provocation, les troubles du langage, le trouble de régulation des processus neurosensoriels, le trouble de l’humeur, le trouble de la relation parent-enfant, voire les troubles de l’attachement ou le trouble du spectre de l’autisme (TSA) peuvent mimer la symptomatologie du TDAH ou y être associées. Le diagnostic différentiel peut être difficile à faire, ce qui peut entraîner tantôt un risque de surdiagnostic et tantôt de sous-diagnostic.
Parmi les facteurs de risque de TDAH identifiés dans les recherches menées à ce jour, la composante héréditaire semble prépondérante et est observée dans la majorité des cas (environ 80%); d’autres facteurs ont été également proposés, comme la prématurité, l’exposition prénatale au tabac ou à l’alcool, les traumatismes crâniens ou les maladies neurologiques (1).
Les études explorant le lien entre l’exposition anténatale aux antidépresseurs et le TDAH
Figueroa 2010 (3)
Dans cette étude américaine, réalisée par croisement de bases de données de réclamations d’assurances, des liens ont été observés entre des psychopathologies maternelles (TDAH, bipolarité, trouble psychotique, trouble dépressif) et paternelles (TDAH) et le risque d’avoir un enfant présentant un TDAH. Les résultats ont aussi montré une association entre la prise de bupropion durant la grossesse et le risque de TDAH chez l’enfant (rapport de cote (RC) 3,63; IC95% 1,2-11,04). Cette association demeure imprécise, avec un intervalle de confiance très large, car elle se base sur seulement 114 grossesses exposées au bupropion, dont 5 enfants diagnostiqués avec le TDAH.
Il est intéressant de noter que cette étude n’a pas relevé d’association entre la prise d’ISRS durant la grossesse et le risque de TDAH chez l’enfant (RC 0,91; IC95% 0,51-1,6).
Laugesen et al. 2013 (4)
Cette étude danoise, également menée par croisement de bases de données, ne laisse pas supposer qu’il existe un lien de causalité entre l’exposition anténatale aux antidépresseurs et le TDAH chez l’enfant. En comparant des enfants exposés in utero aux antidépresseurs à des enfants nés de mères n’ayant jamais pris d’antidépresseur, les auteurs ont mesuré un rapport de risque (hazard ratio) ajusté légèrement augmenté pour le TDAH, soit 1,2 (IC95% 1,1-1,4). Toutefois, dans une analyse restreinte à la fratrie permettant de contrôler pour les facteurs potentiellement confondants liés à l’environnement familial (p. ex. : prédisposition génétique, problèmes de santé maternels, statut socioéconomique), on ne retrouvait pas de lien entre l’exposition anténatale aux antidépresseurs et le TDAH (RC ajusté 0,7 (IC95% 0,4-1,4)).
On note enfin dans cette étude une association entre la prise d’un antidépresseur avant la grossesse et le diagnostic de TDAH chez l’enfant (rapport de risque ajusté 1,6 (IC95% 1,5-1,8)). Ceci laisse supposer que la psychopathologie maternelle elle-même représente un facteur potentiellement confondant qui doit être soigneusement pris en compte lors de la réalisation d’études sur le sujet.
Clements et al.2015 (5) et Castro et al. 2016 (6)
Un groupe de chercheurs du Massachusetts, dans le nord-est des États-Unis, a publié récemment deux études de croisement de bases de données issues de trois grands hôpitaux. Chacune des publications porte sur des cohortes indépendantes l’une de l’autre.
Dans leur publication de 2015, les chercheurs ont observé une association entre la prise d’antidépresseurs durant la grossesse et le TDAH, et cela même après avoir ajusté pour la dépression maternelle (RC ajusté 1,81 (IC95% 1,22-2,70)). Les auteurs ont proposé que cette augmentation du risque, modeste en valeur absolue, puisse s’expliquer par la présence de facteurs confondants résiduels. C’est ce qui a motivé leur seconde étude.
Dans leur publication de 2016, les résultats (bruts et ajustés) n’étaient pas en faveur d’une association entre la prise d’antidépresseurs durant la grossesse et le TDAH, tandis que la prise d’antidépresseurs avant la grossesse était associée à un risque augmenté. À la lumière de ces résultats, les auteurs laissent supposer que les liens rapportés dans les études précédentes entre l’exposition anténatale aux antidépresseurs et le TDAH chez l’enfant sont probablement de « faux positifs » causés en partie par un biais d’indication.
Malm et al. 2016(7)
Cette étude populationnelle prospective récente a utilisé des bases de données finlandaises nationales pour évaluer les associations entre le traitement antidépresseur pendant la grossesse et les diagnostics de dépression, d’anxiété, de TSA et de TDAH chez les enfants, qui pouvaient avoir jusqu’à 14 ans au moment de l’analyse. Trois groupes de comparaison ont été construits de façon à prendre en compte le plus précisément possible les facteurs de confusion potentiels.
Les taux d’anxiété, de TSA et de TDAH chez les enfants n’étaient pas augmentés dans le groupe exposé aux ISRS en grossesse par rapport au groupe de comparaison exposé à la maladie seulement (sans médicament) ou par rapport au groupe dont les mères avaient cessé leur ISRS avant la grossesse. L’incidence cumulative de dépression s’est avérée néanmoins augmentée chez les enfants exposés aux ISRS durant la grossesse comparativement aux enfants des groupes de comparaison.
Cette étude de grande envergure, la première à évaluer les diagnostics des enfants suivis systématiquement jusqu’à l’adolescence, infirme le lien entre l’exposition aux ISRS durant la grossesse et le TDAH et appuie le fait que la psychopathologie maternelle est un facteur de confusion essentiel à prendre en compte dans la réalisation des études sur le sujet. L’association entre l’exposition aux ISRS et la dépression chez les adolescents demande certainement à être explorée davantage.
L'interprétation des données
En évaluant l’ensemble des données publiées à ce jour, il est important de rappeler que les bases de données utilisées pour ces recherches sont d’abord créées à des fins administratives. Elles permettent de colliger des informations pour de très grands échantillons, mais elles ne sont pas conçues pour étudier les conséquences d’une exposition à un médicament durant la grossesse. Les données disponibles, ainsi que les covariables d’intérêt, peuvent être incomplètes (p. ex. : pas de données sur l’observance des mères à leur traitement, ni sur les habitudes de vie comme le tabagisme ou la consommation d’alcool). Les codes diagnostics utilisés pour la classification des conditions médicales ne tiennent pas compte de la sévérité de la condition ou des comorbidités. De plus, toutes les covariables génétiques n’ont pas été prises en compte (p. ex. : TDAH paternel) et le diagnostic parental n’a pas toujours été bien documenté. Finalement, plusieurs tests statistiques ont généralement été réalisés, sans ajustement pour les comparaisons multiples; il se peut que les associations trouvées soient le fruit du hasard. Il faut considérer ces limites lors de l’interprétation des résultats.
Si on croyait autrefois que le TDAH disparaissait à la puberté, les études montrent maintenant qu’environ 60% des enfants atteints de TDAH auront des difficultés qui se maintiendront à l'âge adulte. La prévalence du TDAH chez l'adulte est maintenant estimée à 4,4% (1). Comme le TDAH est une pathologie relativement nouvellement reconnue chez l’adulte, la présence de TDAH non diagnostiqué chez les mères représente un biais potentiel dans les études réalisées à ce jour. Par exemple, une mère avec un TDAH non diagnostiqué et des comorbidités associées pourrait voir ses symptômes s’améliorer par la prise de bupropion ou de venlafaxine, des antidépresseurs qui ne sont pas approuvés pour traiter le TDAH mais qui ont montré une efficacité pour cette indication (8).
Plusieurs pathologies font partie du diagnostic différentiel du TDAH (p. ex. : trouble d’anxiété généralisée, trouble obsessionnel compulsif, dépression majeure), et le TDAH est très fréquemment associé à des comorbidités psychiatriques. Les relations complexes entre ces différents problèmes et leurs traitements viennent compliquer l’analyse des données.
Notons finalement qu’il n’existe pas à ce jour de modèle animal ou d’hypothèse physiopathologique avancée pour expliquer une association éventuelle entre l’exposition à un antidépresseur durant la grossesse et le développement de TDAH (6).
En somme
À ce jour, l’ensemble des données ne permettent pas de soutenir l’hypothèse que la prise d’antidépresseurs durant la grossesse augmente en soi le risque d’avoir un enfant diagnostiqué avec un TDAH. Il semble toutefois qu’il y ait un lien entre diverses psychopathologies maternelles et le TDAH chez l’enfant. On sait aussi que les études les plus récentes sur le stress maternel non traité durant la grossesse ont montré des associations potentielles avec le neurodéveloppement de l’enfant. On retient que la grande majorité des cas de TDAH pourraient s’expliquer par une prédisposition génétique et des facteurs environnementaux.
Devant la décision d’entreprendre ou de poursuivre un traitement antidépresseur durant la grossesse, le clinicien et sa patiente doivent tenir compte de l’ensemble des risques et des bienfaits connus à traiter, mais aussi à ne pas traiter la condition maternelle (9). Les risques du non-traitement des conditions anxiodépressives ont été étudiés et devraient également être présentées aux femmes et à leurs familles : les risques de rechute après l’arrêt d’un traitement sont élevés, et une psychopathologie non traitée peut être à l’origine d’une entrave au suivi prénatal, d’une altération des fonctions physiologiques (p. ex. : menace de travail prématuré), d’une entrave à la préparation concrète pour l’arrivée du nourrisson, d’une rupture du réseau social, et de la possibilité d’effets indésirables directs sur le fœtus par le passage de taux élevés de cortisol transplacentaire, d’un risque d’exposition au tabac, à l’alcool, aux autres drogues, et d’un risque de suicide et d’infanticide.
Le traitement de la dépression périnatale est complexe et multimodal. Il doit tenir compte des effets d’une condition maternelle non traitée, de la trajectoire clinique des patientes, de la sévérité de leur condition et des différentes comorbidités souvent associées à la dépression. Les approches non médicales sont très importantes dans le traitement de la dépression et de l’anxiété périnatale. Pour plusieurs patientes, la place de la psychopharmacothérapie s’avérera aussi très importante afin d’optimiser le bien-être de la patiente et prévenir les conséquences d’une condition maternelle non traitée. En raison du fort niveau d’anxiété suscité chez les patientes par les traitements psychopharmacologiques durant la grossesse, il est important que les professionnels de la santé disposent d’une vision d’ensemble concernant ces traitements et qu’ils puissent communiquer de manière efficace les avantages et les risques d’un tel traitement durant la grossesse. Comme toujours, les décisions de traitement doivent être individualisées.
Rédigé par
- Josianne Malo, pharmacienne au centre IMAGe (CHU Sainte-Justine)
- Brigitte Martin, pharmacienne et responsable du centre IMAGe (CHU Sainte-Justine)
- Dre Irena Stikarovska, pédopsychiatre et professeure adjointe de clinique, clinique de psychiatrie périnatale et du jeune enfant, CHU Sainte-Justine et Université de Montréal
- Dr Martin St-André, pédopsychiatre et professeur agrégé de clinique, chef médical, clinique de psychiatrie périnatale et du jeune enfant, CHU Sainte-Justine et Université de Montréal
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Les risques tératogènes du mofétilmycophénolate et de l’acide mycophénolique en exposition paternelle
06 JUIN 2016
Santé Canada, conjointement avec les fabricants, a publié en janvier dernier un avis portant sur les risques de tératogénicité du mofétilmycophénolate (MMF) et de l’acide mycophénolique (AMP) et sur les précautions requises lorsque ces médicaments sont administrés aux femmes en âge de concevoir. Cet avis comprend également des précautions lors de l’utilisation de ces immunosuppresseurs par des hommes:« Les hommes sexuellement actifs doivent être avisés d’utiliser des préservatifs pendant le traitement et durant au moins 90 jours après l’arrêt du mycophénolate. […] En outre, les partenaires féminines de patients de sexe masculin doivent être avisées d’utiliser une méthode de contraception hautement efficace durant le traitement et pendant un total de 90 jours après la dernière dose de tout produit à base de mycophénolate» (1). Cet avis fait suite à un communiqué similaire diffusé en 2015 par l’European Medicines Agency (2).
Or, si le potentiel tératogène de ces médicaments chez les femmes enceintes est bien établi, les risques lors d’une exposition paternelle restent à définir. Cette capsule s’adresse aux professionnels de la santé et présente l’état actuel des connaissances sur l’exposition paternelle au MMF et à l’AMP.
Les effets tératogènes du MMF et de l’AMP lorsque pris par les femmes
Le potentiel tératogène d’une exposition au MMF ou à l’AMP par les femmes durant la grossesse est reconnu depuis au moins dix ans (3). Une exposition pendant l’embryogenèse augmente considérablement le risque d’avortement spontané et est associée à un risque d’embryopathie caractéristique comportant notamment des anomalies craniofaciales (fentes labiopalatines, anomalies auriculaires et du conduit auditif, anomalies oculaires), ainsi que des anomalies cardiaques, digestives et digitales. Cette embryopathie est décrite chez 23 à 26% des enfants exposés in utero durant le premier trimestre de la grossesse, comparativement au risque de base d’anomalies majeures estimé à 2 à 3% dans la population générale, et à 4 à 5% chez les femmes ayant été greffées et traitées avec d’autres immunosuppresseurs (1,4,5). Compte tenu des caractéristiques pharmacocinétiques du médicament, un traitement avec le MMF ou l’AMP doit être arrêté au moins six semaines avant la conception pour éviter toute exposition embryonnaire (1,6,7). Le clinicien intéressé par la question de l’exposition maternelle peut être adressé aux références spécialisées (4,5,8).
Le traitement avec le MMF ou l’AMP par les hommes
De façon générale, en excluant les questions relatives à la fertilité, un médicament utilisé par un homme pourrait affecter le déroulement de la grossesse par deux mécanismes:
-
Génotoxicité
Les médicaments qui possèdent des propriétés mutagènes ou clastogènes peuvent altérer le bagage génétique des spermatozoïdes par des mutations ponctuelles ou des anomalies chromosomiques, ou encore affecter l’expression de gènes par des phénomènes épigénétiques (9).Un délai d’au moins un cycle complet de spermatogenèse (soit environ trois mois) entre l’arrêt d’un traitement avec un médicament à fort potentiel génotoxique et une éventuelle conception permet de réduire la probabilité que l’ovule soit fécondé par un spermatozoïde porteur d’une anomalie (9,10).
Initialement, les études expérimentales présentées par les fabricants du MMF n’ont pas conclu à la présence d’effets mutagènes ou clastogènes (6). Cependant, des études subséquentes in vitro et in vivo chez l’animal ont montré que le médicament possède en fait des propriétés génotoxiques (11). De même, parmi les cinq tests différents effectués avec l’AMP, trois tests ont observé des effets génotoxiques, à des doses de l’ordre de 3 à 10 fois les doses utilisées en clinique (7).
Ainsi, le MMF et l’AMP pourraient affecter l’intégrité du bagage génétique du spermatozoïde fécondant. L’extrapolation de ces données expérimentales chez l’homme reste néanmoins à faire, et à ce jour, aucun cas d’anomalie génétique ou chromosomique associée à une exposition paternelle au MMF ou à l’AMP n’a été rapportée dans la littérature médicale. D’autres immunosuppresseurs comme l’azathioprine ou le méthotrexate ont également fait l’objet des mêmes préoccupations en raison de leur potentiel génotoxique; à ce jour, le recul clinique n’a pas permis de confirmer qu’une exposition paternelle à ces médicaments soit associée à un risque accru d’anomalies ou de complications obstétricales (10).
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Exposition par le sperme
Une fraction du médicament administré à un homme peut être distribuée dans le sperme et être absorbée dans la circulation sanguine maternelle lors d’une relation sexuelle, exposant ainsi l’embryon au médicament (12). Il existe peu d’information sur cette voie d’exposition. Néanmoins, les modélisations portant sur les médicaments les plus concentrés dans le sperme laissent présager que l’exposition pour la femme par cette voie est d’environ 1000 fois plus faible que l’exposition mesurée chez l’homme traité (12).
Nous n’avons retracé aucune donnée sur les concentrations de mycophénolate dans le sperme chez l’humain. Même si l’exposition embryonnaire par ce mécanisme est probablement très faible, il n’existe pas de donnée sur l’exposition minimale associée à un risque tératogène, ce qui explique les recommandations sur l’usage d’un préservatif par un homme traité par MMF ou AMP et dont la partenaire est enceinte (1,2). Il faut toutefois noter qu’il s’agit d’une recommandation basée sur un principe de précaution, car aucun cas d’embryopathie spécifique au mycophénolate n’a encore été documenté après une exposition paternelle au médicament.
Les données épidémiologiques en exposition paternelle
Les principales données épidémiologiques relatives à une exposition paternelle au MMF ou à l’AMP ont été publiées par l’équipe qui administre le National Transplantation Pregnancy Registry (NTPR) aux États-Unis (13). Le NTPR est un registre à participation volontaire qui centralise les données concernant le déroulement des grossesses chez les femmes et les hommes ayant subi une greffe.
Dans leur publication de 2013, les chercheurs ont analysé les données de 152 hommes ayant eu un enfant après avoir reçu une greffe d'organe solide et traités avec le MMF ou l'AMP. Parmi les 208 grossesses enregistrées, on a rapporté 14 avortements spontanés et 194 naissances vivantes, dont six enfants nés avec des anomalies congénitales (aucune anomalie en lien avec l’embryopathie spécifique au mycophénolate telle que reconnue à l’heure actuelle). Les taux d’avortements spontanés, d’anomalies congénitales et de prématurité ainsi que les poids à la naissance des enfants étaient similaires à ceux provenant d'une banque de données de santé publique. Plusieurs limites méthodologiques de cette étude doivent être soulignées : l’incertitude quant à la nature prospective ou rétrospective de la collecte des données; la participation volontaire au registre, qui peut créer un biais de sélection; des données imprécises sur les précautions prises lors des relations sexuelles pendant la grossesse; l’absence de groupe de comparaison recruté et évalué de la même façon. Néanmoins, il s’agit d’une étude provenant d’un registre reconnu et qui compte un nombre important de participants.
Les résultats de cette étude se rajoutent à ceux d’une petite cohorte chinoise, dans laquelle on a suivi 69 hommes ayant conçu un enfant après une greffe rénale (14); 13 de ces hommes étaient traités avec une combinaison d’immunosuppresseurs comprenant le MMF, et tous les enfants sont nés en santé.
En somme
L’avis de Santé Canada recommande aux hommes traités par MMF ou AMP d’attendre 90 jours après l’arrêt du médicament avant de concevoir. Toutefois, il est important de souligner que ces recommandations sont basées sur le potentiel génotoxique du MMF et de l’AMP et non sur des risques observés en clinique. À ce jour, les données épidémiologiques portant sur les grossesses engendrées par des hommes traités avec le MMF ou l’AMP, bien que limitées, montrent des taux d’anomalies et de complications similaires aux risques de base dans la population générale. Des études supplémentaires sont certainement nécessaires afin de mieux cerner les conséquences d’une exposition paternelle et départager les risques théoriques des risques réels.
Les risques de modifier un traitement immunosuppresseur comprenant du MMF ou de l’AMP utilisé en prévention d’un rejet de greffe chez un homme sont considérables comparativement aux risques théoriques potentiels d’une exposition paternelle au médicament pour le fœtus (15).
L’analyse des risques et des bienfaits pourrait être différente dans le cas d’un homme traité pour une autre condition (p. ex. maladie autoimmune) pour laquelle d’autres immunosuppresseurs ou d’autres traitements pourraient être aussi efficaces; dans ce cas, une évaluation minutieuse des risques à modifier le traitement devra être entreprise par l’équipe médicale et le couple.
Rappelons que cette capsule porte uniquement sur l’exposition paternelle au MMF ou à l’AMP; la prise en charge d’une femme traitée par ces immunosuppresseurs est distincte et doit faire l’objet d’une évaluation risques/bienfaits différente.
- Rédigé par :
- Marie-Kim Héraut, résidente en pharmacie
- Révisé par Marie-Sophie Brochet et Brigitte Martin, pharmaciennes
- Juin 2016
Références
- Santé Canada. CellCept (mofétilmycophénolate) et Myfortic (mycophénolate sodique) - Risque important de tératogénicité dans les produits à base de mycophénolate –Hoffmann-La Roche Limitée, Novartis Pharma Canada inc.2016 Jan. Accessible en ligne : http://canadiensensante.gc.ca/recall-alert-rappel-avis/hc-sc/2016/56690a-fra.php Site consulté le 9 mars 2016.
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- Coscia LA, Constantinescu S, Moritz MJ et al. Report from the National Transplantation Pregnancy Registry (NTPR): outcomes of pregnancy after transplantation. Clin Transpl 2009:103-22.
- Hoffmann-Laroche Limitée. CellCept®mofétilmycophénolate. Monographie de produit.Date de révision : 21 mars 2016.
- Novartis Pharma Inc. Myfortic® mycophénolate sodique. Monographie de produit. Date de révision : 17 décembre 2014.
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La paroxétine durant la grossesse et les anomalies congénitales cardiaques
22 février 2016
Au cours des dernières années, de nombreuses équipes de chercheurs se sont intéressées aux conséquences des traitements antidépresseurs sur le déroulement de la grossesse. Plusieurs études ont porté sur l’association possible entre l’utilisation de la paroxétine durant l’organogenèse et le risque d’anomalies congénitales, et plus particulièrement des anomalies cardiovasculaires. Cette capsule s’adresse aux professionnels de la santé et reprend les données déjà connues sur le sujet et les éléments méthodologiques à considérer pour mieux comprendre les implications des études parues dernièrement sur la pratique clinique et pour conseiller une femme traitée avec cet antidépresseur durant sa grossesse.
La paroxétine durant la grossesse et les anomalies cardiaques : un historique
Depuis la fin des années 90, plusieurs équipes de chercheurs se sont penchées sur l’utilisation des antidépresseurs, et notamment des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), durant la grossesse. En 2005, en s’appuyant sur deux études épidémiologiques, Santé Canada publiait une mise en garde pour les cliniciens et la population, mentionnant un risque potentiellement augmenté d’anomalies cardiaques chez les enfants dont la mère avait été traitée avec la paroxétine durant le premier trimestre de la grossesse (1).
Depuis, plus d’une vingtaine d’études ont été menées par des chercheurs du monde entier pour évaluer cette association et en préciser l’étendue. Les résultats de la plupart de ces études pointent vers une augmentation du risque d’anomalies cardiaques lors d’un traitement avec la paroxétine, même si plusieurs autres études n’ont pas observé cette augmentation. Depuis 2007, cinq méta-analyses ont déjà été réalisées (2, 3, 4, 5, 6). Elles ont presque toutes conclu à une augmentation du risque sur le plan cardiaque, avec des rapports de cote (RC) variant entre 1,18 et 1,72. Rappelons que le risque de base d’anomalies congénitales cardiaques dans la population générale est d’environ 1%. Ces méta-analyses ont fait l’objet de multiples discussions et commentaires critiques éclairants dans la communauté scientifique (7).
La dernière méta-analyse publiée sur le sujet
Une sixième méta-analyse, intégrant les données de plusieurs études récentes, vient d’être publiée (8). Elle regroupe les résultats de 23 études parues depuis 1998 et qui comprennent plus de 20 000 femmes traitées avec la paroxétine durant leur grossesse. Dans l’ensemble, les résultats sont similaires à ceux qui avaient été diffusés précédemment, avec un RC ajusté de 1,23 pour les anomalies congénitales (IC95% 1,10-1,38) et plus spécifiquement de 1,28 pour les anomalies cardiaques (IC95% 1,11-1,47). Les anomalies cardiaques septales (communications auriculaires ou ventriculaires) et les anomalies obstructives du ventricule droit sont les anomalies les plus souvent observées dans la plupart de ces études.
Quelques considérations méthodologiques
La majorité des études incluses dans cette méta-analyse s’appuient sur des jumelages de bases de données administratives ou des registres de prescription. Rappelons que ces bases de données ne sont pas toujours conçues pour étudier les conséquences d’une exposition à un médicament durant la grossesse. Les données disponibles, ainsi que les covariables d’intérêt, peuvent être incomplètes. La réalisation de ces études comporte également plusieurs contraintes méthodologiques, notamment la description précise des cas d’anomalies et des expositions aux médicaments.
Isoler l’effet du médicament de celui de la condition sous-jacente reste un défi constant pour les chercheurs, et dans les dernières années, des méthodologies plus rigoureuses ont été employées à cette fin. Néanmoins, seules quatre études retenues dans la dernière méta-analyse comprennent un groupe de comparaison composé de femmes souffrant de dépression. La plus grande de ces études, publiée en 2014, montre que lorsqu’on contrôle pour la dépression maternelle, les associations initialement retrouvées entre la prise d’un ISRS comme la paroxétine et les anomalies cardiaques s’atténuent, jusqu’à n’être plus statistiquement significatives (9). Une autre étude a examiné le déroulement des grossesses de femmes ayant arrêté leur antidépresseur avant de devenir enceintes et celui des femmes l’ayant poursuivi durant leur grossesse. Dans les deux groupes, les chercheurs ont noté un risque légèrement augmenté d’anomalies cardiaques par rapport à la population de référence non traitée, laissant supposer que des facteurs liés à la maladie elle-même ou encore d’autres facteurs présents chez ces femmes, et non la prise du médicament, expliquent les risques observés (10). Les deux autres études, récentes elles aussi, ont également montré une atténuation de l’association entre la prise d’un antidépresseur et le risque d’anomalies cardiaques lorsque la dépression maternelle était prise en compte (11, 12). Ainsi, il pourrait être intéressant d’étudier l’évolution de l’association entre la paroxétine et les anomalies cardiaques dans le temps, considérant que les études plus récentes ont effectué un meilleur ajustement pour l’indication sous-jacente.
Notons finalement quelques éléments supplémentaires plutôt en défaveur d’un risque tératogène spécifique et d’un lien de causalité direct : les données animales ne démontrent pas de tératogenèse semblable à celle soupçonnée chez l’humain, l’association est faible dans les études montrant un risque potentiel, les anomalies en question (anomalies septales) sont le plus souvent peu spécifiques et leur incidence de base est très variable (et possiblement sujette à un biais de suivi, puisque les échocardiographies fœtales et néonatales détaillées ne sont pas effectuées de routine).
En somme
S’il existe effectivement un risque tératogène cardiaque associé à la paroxétine, il reste faible : en considérant un risque de base de 1% dans la population générale, une femme traitée avec la paroxétine durant l’organogenèse cardiaque (soit entre la 5e et la 10e semaine gestationnelle) a un risque d’environ 1,3% de donner naissance à un enfant atteint d’une anomalie cardiaque, selon cette dernière méta-analyse. Ce risque supplémentaire est probablement attribuable à une augmentation des malformations du septum cardiaque.
En clinique, les recommandations émises depuis les premières études demeurent inchangées : dans la mesure du possible, on évitera la prescription de la paroxétine chez les femmes en âge de procréer ou planifiant une grossesse. Il est préférable de privilégier les autres antidépresseurs lorsqu’on doit commencer un traitement chez une femme enceinte ou en âge de concevoir. Selon les données actuelles, la sertraline, le citalopram et l’escitalopram, d’autres antidépresseurs de la classe des ISRS, pourraient être considérés si un traitement pharmacologique est requis. Les données actuelles ne justifient cependant pas nécessairement l’arrêt de la paroxétine chez les femmes dont la condition psychiatrique est stabilisée avec ce traitement. Finalement, une femme qui aurait été traitée avec la paroxétine (souvent avant de se savoir enceinte) devra être informée de la magnitude du risque, rassurée et informée des examens de dépistage anténatals, comme l’échocardiographie fœtale, qui pourraient lui être proposés, sans que ce dépistage ne fasse l’objet d’un consensus ou d’une recommandation officielle (13). Les femmes enceintes sous traitement ne devraient pas cesser leur traitement avant d’en avoir discuté avec leur médecin.
Le traitement de la dépression et des troubles anxieux durant la grossesse
Les principes de prise en charge de la dépression et des troubles anxieux présentés dans les ouvrages de référence spécialisés et dans les communications récentes du centre IMAGe doivent être rappelés (13). Les cliniciens doivent connaître les études portant sur les risques associés aux médicaments, mais aussi celles qui examinent les liens entre la maladie elle-même et le déroulement de la grossesse. Devant la décision d’entreprendre ou de poursuivre un traitement antidépresseur durant la grossesse, le clinicien et sa patiente doivent tenir compte de l’ensemble des risques et des bienfaits connus à traiter, mais aussi à ne pas traiter la condition maternelle. Les risques du non-traitement des conditions anxiodépressives ont été étudiés et devraient également être présentées aux femmes et à leurs familles : les risques de rechute après l’arrêt d’un traitement sont élevés, et une psychopathologie non traitée peut être à l’origine d’une entrave au suivi prénatal, d’une altération des fonctions physiologiques (p. ex. : menace de travail prématuré), d’une entrave à la préparation concrète pour l’arrivée du nourrisson, d’une rupture du réseau social, et de la possibilité d’effets indésirables directs sur le fœtus par le passage de taux élevés de cortisol transplacentaire, d’un risque d’exposition au tabac, à l’alcool, aux autres drogues, et d’un risque de suicide et d’infanticide.
Le traitement de la dépression périnatale est complexe et multimodal. Il doit tenir compte des effets d’une condition maternelle non traitée, de la trajectoire clinique des patientes, de la sévérité de leur condition et des différentes comorbidités souvent associées à la dépression. Les approches non médicales sont très importantes dans le traitement de la dépression et de l’anxiété périnatale. Pour plusieurs patientes, la place de la psychopharmacothérapie s’avérera aussi très importante afin d’optimiser le bien-être de la patiente et prévenir les conséquences d’une condition maternelle non traitée. Comme toujours, les décisions de traitement doivent être individualisées.
- Rédigé par :
- Brigitte Martin, pharmacienne et responsable du centre IMAGe, CHU Sainte-Justine
- L’équipe des pharmaciennes du centre IMAGe du CHU Sainte-Justine : Josianne Malo, Caroline Morin, Ema Ferreira, Marie-Sophie Brochet, Geneviève Fortin, Myrna Abou-Karam
- L’équipe des pédopsychiatres de la clinique de psychiatre périnatale et du jeune enfant du CHU Sainte-Justine : Dre Irena Stikarovska, Dr Jean-Jacques Marier, Dr Martin St-André
- Dre Louise Duperron, obstétricienne-gynécologue et chef du département d’obstétrique-gynécologie du CHU Sainte-Justine
- Février 2016
Références
- Santé Canada. Renseignements importants en matière d'innocuité concernant Paxil (paroxétine) et un risque accru de malformations cardiaques après exposition pendant le premier trimestre de grossesse- Pour les professionnels de la santé- GlaxoSmithKline Inc. Accessible en ligne : http://canadiensensante.gc.ca/recall-alert-rappel-avis/hc-sc/2005/14359a-fra.php Site consulté le 6 janvier 2016.
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- Bérard A, Iessa N, Chaabane S, et al. The risk of major cardiac malformations associated with paroxetine use during the first trimester of pregnancy: A systematic review and meta-analysis. Br J Clin Pharmacol. 2015 Nov 27. [Epub ahead of print].
- Huybrechts KF, Palmsten K, Avorn J, et al. Antidepressant use in pregnancy and the risk of cardiac defects. N Engl J Med 2014;370(25):2397-407.
- Jimenez-Solem E, Andersen JT, Petersen M, et al. Exposure to selective serotonin reuptake inhibitors and the risk of congenital malformations: a nationwide cohort study. BMJ Open 2012 Jun 18;2(3).
- Ban L, Gibson JE, West J, et al. Maternal depression, antidepressant prescriptions, and congenital anomaly risk in offspring: a population-based cohort study. BJOG 2014;121(12):1471-81.
- Nordeng H, van Gelder MM, Spigset O, et al. Pregnancy outcome after exposure to antidepressants and the role of maternal depression: results from the Norwegian Mother and Child Cohort Study. J Clin Psychopharmacol 2012;32(2):186-94.
- Martin B, St-André M. Dépression et troubles anxieux. Dans : Ferreira E, Martin B, Morin C. Grossesse et allaitement : guide thérapeutique. 2e éd. Montréal : Éditions du CHU Sainte-Justine, 2013:1017-42.
La mélatonine durant l’allaitement
18 février 2016
La mélatonine est une hormone synthétisée par le corps pinéal et dont la sécrétion suit un rythme circadien (1). On l’administre sous forme de suppléments exogènes principalement pour le traitement des troubles du sommeil, bien qu’elle soit impliquée dans de multiples autres fonctions biologiques. La capsule La mélatonine durant la grossesse reprend les données sur l’efficacité et l’innocuité des suppléments de mélatonine, et détaille les implications possibles de son usage durant la grossesse.
Quelques éléments de pharmacocinétique
Les doses de mélatonine étudiées pour le traitement des troubles du sommeil sont très variables : de 0,1 mg jusqu’à plus de 10 mg par jour. Une dose de 0,3 mg entraîne des concentrations plasmatiques similaires à celles observées avec la sécrétion nocturne de mélatonine, alors que des doses de 1 à 10 mg augmentent les concentrations plasmatiques de l’ordre de 3 à 60 fois par rapport aux concentrations maximales endogènes normalement observées (1). Il semble exister une grande variabilité dans la biodisponibilité des produits commerciaux, en fonction notamment des excipients utilisés. Avec les formulations à libération immédiate, les concentrations plasmatiques maximales sont observées 0,5 à 2 h après l’administration et la demi-vie d’élimination est estimée à 0,5 à 1 h (2).
Durant l’allaitement
Aucune donnée sur le transfert dans le lait de la mélatonine exogène n’a été retracée. Une étude sur le passage dans le lait de la mélatonine endogène à 3 ou 5 jours après l’accouchement a montré que la mélatonine est indétectable dans le lait pendant la journée et est présente en moyenne à 35 % des concentrations plasmatiques maternelles pendant la nuit (concentrations moyennes dans le lait, la nuit, d’environ 23 ng/L). Cette fluctuation des concentrations de mélatonine dans le lait pourrait contribuer à l’instauration du rythme circadien chez le bébé (3). Deux autres études confirment le rythme circadien de la mélatonine dans le lait maternel (4).
Si l’on s’attend à ce que des apports exogènes augmentent les concentrations de mélatonine dans le lait maternel, l’étendue de cette augmentation n’est pas quantifiée. Certains auteurs ont calculé que la concentration dans le lait augmenterait de 0,4 à 1 mcg/L pour chaque 1 mg administré à la mère (4) ; ainsi, même des doses considérées dans l’écart inférieur pourraient mener à des concentrations dans le lait bien supérieures aux concentrations endogènes (4). Notons que les impacts d’une telle exposition ne sont pas connus. Certains experts se rassurent du fait que la mélatonine n’a pas été associée à des effets indésirables significatifs à ce jour (5).
En résumé
Les conséquences des troubles du sommeil pour la santé de la mère sont mal définies, mais comme dans la population générale, quelques recherches laissent supposer un lien avec un risque plus élevé de symptômes dépressifs (6, 7). Le choix d’un traitement contre l’insomnie doit tenir compte de la nature du trouble du sommeil identifié et des comorbidités présentes (8), ainsi que de l’efficacité des approches envisagées. Les mesures non pharmacologiques (hygiène du sommeil, etc.) ont une place de premier plan dans la prise en charge des troubles du sommeil. Les femmes se plaignant d’insomnie sévère ou persistante devraient être adressées à leur médecin. Les causes médicales menant à des troubles du sommeil devraient être recherchées et traitées (par ex. : syndrome des jambes sans repos).
Les données actuelles ne permettent pas d’évaluer les conséquences possibles de concentrations lactées de mélatonine bien supérieures aux niveaux endogènes sur un enfant allaité. En allaitement, la décision d’avoir recours à un médicament pour traiter un trouble du sommeil doit tenir compte de l’âge de l’enfant, du nombre d’allaitements par jour, de la durée des périodes de sommeil de l’enfant la nuit, ainsi que de la durée anticipée du traitement. Les médicaments sédatifs (par ex. : benzodiazépines) doivent être envisagés avec prudence chez une femme qui allaite exclusivement un tout jeune nourrisson étant donné la vulnérabilité accrue de l’enfant aux effets indésirables, et la possibilité que les effets résiduels sédatifs chez la mère compromettent les soins à donner à l’enfant durant la nuit. Dans l’éventualité d’une utilisation ponctuelle de mélatonine, il est possible de tirer avantage de la courte demi-vie de d’une formulation à courte action en la prenant juste après l’allaitement qui précède la plus longue période sans boire, pour limiter l’exposition pour le bébé.
Le centre IMAGe recrute actuellement des femmes qui prennent de la mélatonine et qui allaitent pour une étude visant à caractériser le passage de ce médicament dans le lait maternel. Les objectifs, le déroulement de l'étude et les critères d'admissibilité sont détaillés à cette adresse : Étude sur le dosage des médicaments dans le lait maternel.
- Rédigé par Brigitte Martin, pharmacienne, à partir d’un travail réalisé par Marine Neeman, pharmacienne (Suisse), et Lauriane Ginefri, D.Pharm. (France), pharmacienne, assistantes de recherches au centre IMAGe
- Février 2016
Références
- Wurtman R. Physiology and available preparation of melatonin. Dans: UpToDate, Basow, DS (Ed), UpToDate, Waltham, MA, 2016.
- Melatonin. Dans: Klasco RK (Ed): DRUGDEX® System. Thomson Micromedex, Greenwood Village, Colorado, USA. [En ligne]. (Page consultée le 18 février 2016).
- Cohen Engler A, Hadash A, et al. Breastfeeding may improve nocturnal sleep and reduce infantile colic: Potential role of breast milk melatonin. Eur J Pediatr 2012; 171 : 729–32.
- Anderson PO, Sauveran J. LactMed (Drugs and Lactation Database) http://toxnet.nlm.nih.gov/cgi-bin/sis/htmlgen?LACT [Consulté le 18 février 2016]
- Hale TW. Medication and Mothers' Milk. 16th ed. Amarillo: Hale publishing, 2014: 695-6.
- Wilson SJ, Nutt DJ, Alford C, et al. British Association for Psychopharmacology consensus statement on evidence-based treatment of insomnia, parasomnias and circadian rhythm disorders. Journal of Psychopharmacology 2010; 24(11); 1577–1600.
- Jones C. Diagnostic and management approach to common sleep disorders during pregnancy. Clinical obstetrics and gynecology 2013; 56(2); 360–71.
- RamarK, Olson EJ. Management of common sleep disorders. Am Fam Physician 2013; 15; 88(4): 231–8.
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2015
Exposition anténatale aux antidépresseurs et troubles du spectre de l’autisme – Mise en contexte d’une étude québécoise sur ce sujet
La récente publication de l’équipe de chercheurs québécois a fait l’objet d’une couverture médiatique importante dans les derniers jours. Les femmes enceintes et les familles peuvent avoir été alarmées par la façon dont les résultats de cette recherche ont été relayés dans les médias. De nombreux cliniciens se questionnent à présent sur l’implication des résultats de cette étude sur la prise en charge de leurs patientes.
Pour mieux comprendre les résultats de cette étude et la façon de les intégrer au processus complexe d’évaluation des risques et des bienfaits d’un traitement antidépresseur durant la grossesse, il convient de décrire la méthodologie de cette étude et d’en mettre en perspective les résultats avec les autres études déjà publiées sur le sujet. Ce document s'adresse aux professionnels de la santé; un document préparé à l'intention des femmes et de leur famille est accessible ici.
Les troubles du spectre de l’autisme (TSA)
Selon les Centers for Disease Control and Prevention, la prévalence des TSA en Asie, en Europe et en Amérique du Nord est d’environ 1%. Les TSA touchent 4 à 5 fois plus les garçons que les filles.
La prévalence des TSA a augmenté, passant de 0,7% des naissances en 1992 à 1,5% des naissances en 2002. Cette augmentation s’explique entre autres par un élargissement des critères diagnostiques et par l’abaissement des seuils de sensibilité clinique pour poser le diagnostic.
Certains facteurs de risque ont été identifiés, comme l’anxiété, la dépression et d’autres troubles psychiatriques maternels, la pauvreté et un faible niveau d’éducation. Étant donné le lien existant entre les psychopathologies maternelles et les TSA, il est difficile d’isoler l’effet des antidépresseurs sur les TSA dans le cadre d’études épidémiologiques observationnelles, et donc non randomisées : on peut difficilement séparer l’indication du traitement antidépresseur.
Les données précédentes sur la prise d’antidépresseurs durant la grossesse et les TSA
L’étude québécoise n’est pas la première publication sur le sujet; c’est la plus récente d’une dizaine d’études déjà parues dans les dernières années.
Les résultats des recherches précédentes sont divergents : certaines études n’ont pas trouvé d’association entre la prise maternelle d’antidépresseurs et l’autisme :
- Hviid et al. 2013 (Danemark, 626 875 enfants inclus dans l’étude) : pas d’association entre les antidépresseurs de type ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) et l’autisme, après ajustement pour plusieurs facteurs de confusion possibles identifiés par les chercheurs; augmentation du risque lorsque l’exposition à l’ISRS a lieu avant la grossesse, ce qui laisse présager un lien entre la condition maternelle et les TSA;
- Sorensen et al. 2013 (Danemark, 655 615 enfants inclus dans l’étude) : pas d’association entre l’exposition aux antidépresseurs durant la grossesse et l’autisme, après restriction des analyses aux femmes avec dépression seulement;
- Clements et al. 2015 (États-Unis, 13 273 enfants dans l’étude) : pas d’association entre l’exposition anténatale aux antidépresseurs et les TSA, après ajustement pour la dépression maternelle.
D’autres études ont trouvé des associations positives, mais présentent des résultats nuancés, et qui ne concordent pas nécessairement avec les résultats de l’étude québécoise récente, notamment en ce qui a trait au moment critique d’exposition :
- Croen et al. 2011 (États-Unis, 298 enfants avec TSA inclus dans l’étude) : association entre la prise d’antidépresseurs et les TSA (RC 2,0 (IC95% 1,2-3,6); les résultats restent significatifs, mais seulement après une exposition au premier trimestre de la grossesse, après ajustement pour la condition psychiatrique maternelle;
- Rai et al. 2013 (Suède, 18 524 enfants inclus dans l’étude) : association entre la prise d’antidépresseurs durant la grossesse et les TSA (RC 1,9; IC95% 1,15-3,14); les auteurs mentionnent dans leur conclusion que si l’association existe, elle expliquerait moins de 1% des cas de TSA et elle serait insuffisante pour expliquer l’augmentation de la prévalence des TSA dans la population générale;
- Gidaya et al. 2014 (Danemark, 57 365 enfants inclus dans l’étude) : association entre la prise d’ISRS durant la grossesse et l’autisme (RC 1,8; IC95% 1,4-2,3), mais effet des ISRS presque nul lorsque l’analyse est restreinte aux mères dépressives ou souffrant d’autres maladies psychiatriques;
- Harrington et al. 2014 (États-Unis, 966 mères participant à l’étude) : association entre la prise maternelle d’ISRS et l’autisme, mais seulement chez les garçons exposés au premier trimestre de la grossesse; effet des ISRS presque nul lorsque l’analyse est restreinte aux mères dépressives ou souffrant d’autres maladies psychiatriques.
L’étude publiée par l’équipe d’Anick Bérard
Il s’agit d’une étude de croisement de bases de données (RAMQ et MedEcho). Ces bases de données, créées à des fins administratives, permettent de colliger des informations pour de très grands échantillons. Cependant, elles ne sont pas conçues pour étudier les conséquences d’une exposition à un médicament durant la grossesse. Les données disponibles, ainsi que les covariables d’intérêt, peuvent être incomplètes (p. ex. : pas de données sur l’observance des mères à leur traitement, ni sur les habitudes de vie comme le tabagisme; les codes diagnostics utilisés pour la classification des conditions médicales ne tiennent pas compte de la sévérité de la condition ou des comorbidités). Il faut considérer ces limites lors de l’interprétation des résultats.
Dans cette cohorte incluant 145 456 enfants, le risque absolu de TSA chez les enfants est de 0,7%. Les résultats en lien avec l’exposition anténatale aux antidépresseurs sont présentés selon le moment d’exposition in utero :
- Premier trimestre : « Hazard Ratio » ajusté : 0,84 (IC95% 0,52-1,36)
- Deuxième et troisième trimestres : « Hazard Ratio » ajusté : 1,87 (IC95% 1,15-3,04)
Les résultats ne montrent pas d’association statistiquement significative pour une exposition aux antidépresseurs au premier trimestre de la grossesse, tandis qu’une association ressort pour une utilisation plus tard en grossesse. À noter que parmi les enfants exposés aux antidépresseurs in utero, la majorité a été exposée au premier trimestre, tandis que seulement la moitié a été exposée aux deuxième et troisième trimestres.
On peut repérer une association dans une étude épidémiologique sans que celle-ci existe vraiment, ou qu’il y ait un lien causal. Les chercheurs ont ajusté pour plusieurs variables confondantes (âge maternel, femme vivant seule, assistance sociale, éducation maternelle), mais pas pour d’autres (tabagisme et autres habitudes de vie, prise d’autres médicaments, etc.). Peu de détails sont fournis sur les covariables génétiques (p. ex. : antécédents familiaux de TSA). De plus, même si un ajustement a été fait pour l’histoire de dépression maternelle, on peut penser que les mères ayant poursuivi leur traitement toute la grossesse pouvaient souffrir d’une psychopathologie sous-jacente plus sévère (biais d’indication). Finalement, plusieurs tests statistiques ont été réalisés, sans ajustement pour les comparaisons multiples; il se peut que les associations trouvées soient le fruit du hasard.
En somme
Selon les résultats de cette étude, le risque de base d’avoir un enfant atteint d’un TSA est de 0,7% dans la population générale; ce risque augmente à 1,2% chez les femmes traitées avec un antidépresseur durant les deuxième et troisième trimestres de leur grossesse.
Cette nouvelle étude s’adresse à la communauté scientifique de chercheurs qui pourront se servir des résultats pour mieux explorer et cerner les liens complexes qui peuvent exister entre les psychopathologies maternelles et la survenue de troubles neurodéveloppementaux chez les enfants. Le fait que l’ensemble des données publiées à ce jour soient divergentes, et que les élévations de risque observées dans les études positives soient souvent rendues non significatives par l’ajustement pour des variables confondantes comme la condition maternelle, montre qu’il reste beaucoup à faire avant d’être certain du lien causal entre la prise d’antidépresseurs durant la grossesse et l’autisme. La lecture de cet article devrait également se faire en parallèle avec l’éditorial publié simultanément, qui jette un regard clinique et pratique sur les implications de cette recherche.
Les cliniciens doivent connaître ces recherches, mais aussi celles qui examinent les liens entre la maladie elle-même et le déroulement de la grossesse. Devant la décision d’entreprendre ou de poursuivre un traitement antidépresseur durant la grossesse, le clinicien et sa patiente doivent tenir compte de l’ensemble des risques et des bienfaits connus à traiter, mais aussi à ne pas traiter la condition maternelle. Les risques du non-traitement des conditions anxiodépressives ont été étudiés et devraient également être présentées aux femmes et à leurs familles : les risques de rechute après l’arrêt d’un traitement sont élevés, et une psychopathologie non traitée peut être à l’origine d’une entrave au suivi prénatal, d’une altération des fonctions physiologiques (p. ex. : menace de travail prématuré), d’une entrave à la préparation concrète pour l’arrivée du nourrisson, d’une rupture du réseau social, et de la possibilité d’effets indésirables directs sur le fœtus par le passage de taux élevés de cortisol transplacentaire, d’un risque d’exposition au tabac, à l’alcool, aux autres drogues, et d’un risque de suicide et d’infanticide.
Le traitement de la dépression périnatale est complexe et multimodal. Il doit tenir compte des effets d’une condition maternelle non traitée, de la trajectoire clinique des patientes, de la sévérité de leur condition et des différentes comorbidités souvent associées à la dépression. Les approches non médicales sont très importantes dans le traitement de la dépression et de l’anxiété périnatale. Pour plusieurs patientes, la place de la psychopharmacothérapie s’avérera aussi très importante afin d’optimiser le bien-être de la patiente et prévenir les conséquences d’une condition maternelle non traitée. En raison du fort niveau d’anxiété suscité chez les patientes par les traitements psychopharmacologiques durant la grossesse, il est important que les professionnels de la santé disposent d’une vision d’ensemble concernant ces traitements et qu’ils puissent communiquer de manière efficace les avantages et les risques d’un tel traitement durant la grossesse. Comme toujours, les décisions de traitement doivent être individualisées.
La mission du centre IMAGe est de renseigner les professionnels de la santé sur l’utilisation des médicaments durant la grossesse et l’allaitement; les pharmaciennes du centre IMAGe analysent l’ensemble des données disponibles pour guider les professionnels dans l’interprétation des données et la prise de décisions éclairées pour leurs patientes. Cette étude, publiée par une équipe d’épidémiologistes québécois, doit être considérée comme une partie d’information parmi plus d’une cinquantaine d’études portant sur les antidépresseurs durant la grossesse publiées au cours des dernières années.
Les cliniciens sont invités à consulter des références cliniques qui tiennent compte de l’ensemble des données publiées et des dimensions à considérer pour guider leurs décisions.
Rédigé par:
Josianne Malo, pharmacienne au centre IMAGe (CHU Sainte-Justine), et l'équipe des pharmaciennes du centre IMAGe
Brigitte Martin, pharmacienne et responsable du centre IMAGe (CHU Sainte-Justine)
Ema Ferreira, pharmacienne (CHU Sainte-Justine), professeur titulaire et vice-doyenne aux études de premier cycle à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal
Dr Martin St-André, pédopsychiatre et professeur agrégé de clinique, chef médical, clinique de psychiatrie périnatale et du jeune enfant, CHU Sainte-Justine et Université de Montréal
16 décembre 2015
Références sélectionnées
Boukhris T, Sheehy O, Mottron L, et al. Use During Pregnancy and the Risk of Autism Spectrum Disorder in Children. JAMA Pediatr 2015. doi:10.1001/jamapediatrics.2015.3356
King BH. Assessing risk of autism spectrum disorder in children after antidepressant use during pregnancy. JAMA Pediatr 2015. doi:10.1001/jamapediatrics.2015.3493
Centers for Disease Control and Prevention. Autism Spectrum Disorder (ASD), 2015. http://www.cdc.gov/ncbddd/autism/data.html [En ligne, consulté le 15 décembre 2015]
Clements CC, Castro VM, Blumenthal SR, et al. Prenatal antidepressant exposure is associated with risk for attention-deficit hyperactivity disorderbut not autism spectrum disorder in a large health system. Mol Psychiatry 2015;20(6):727-34.
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Gidaya NB, Lee BK, Burstyn I, et al. In utero exposure to selective serotonin reuptake inhibitors and risk for autism spectrum disorder. J Autism Dev Disord 2014;44(10):2558-67.
Hamilton J. A new study raises old questions about antidepressants and autism, 2015. http://www.npr.org/sections/health-shots/2015/12/14/459665937/a-new-study-raises-old-questions-about-antidepressants-and-autism [En ligne, consulté le 15 décembre 2015]
Harrington RA, Lee LC, Crum RM, et al. Prenatal SSRI use and offspring with autism spectrum disorder or developmental delay. Pediatrics 2014;133(5):e1241-8.
Hviid A, Melbye M, Pasternak B. Use of selective serotonin reuptake inhibitors during pregnancy and risk of autism. N Engl J Med 2013;369(25):2406-15.
Rai D, Lee BK, Dalman C, et al. Parental depression, maternal antidepressant use during pregnancy, and risk of autism spectrum disorders: population based case-control study. BMJ 2013;346:f2059.
Sørensen MJ, Grønborg TK, Christensen J, et al. Antidepressant exposure in pregnancy and risk of autism spectrum disorders. Clin Epidemiol 2013;5:449-59.
Les antidépresseurs, la grossesse et le trouble du spectre de l'autisme: un document pour les femmes traitées avec un antidépresseur, et leur famille
La récente publication de l’équipe de chercheurs québécois a fait l’objet d’une couverture médiatique importante dans les derniers jours. Vous avez peut-être été alarmée par la façon dont les résultats de cette recherche ont été relayés dans les médias. Ce document vise à répondre vos questions et inquiétudes.
Cette étude indique-t-elle que je ne devrais pas prendre d’antidépresseurs si je planifie de devenir enceinte, si je suis enceinte ou si j’allaite ?
- Non. Pour les mères et les familles, le traitement de la dépression et de l’anxiété durant la grossesse peut générer beaucoup d’incertitude et d’anxiété. Les études sur les effets de la dépression non traitée durant la grossesse ou celles qui abordent les traitements médicamenteux peuvent être inquiétantes. Heureusement, vous pouvez parler de votre condition personnelle avec votre médecin et dédramatiser les informations parfois angoissantes véhiculées par les médias.
- La dépression et l’anxiété durant la grossesse et le post-partum prennent de nombreuses formes, d’où l’importance pour chaque femme de recevoir une évaluation et un traitement individualisés. Les manifestations de l’anxiété et de la dépression varient beaucoup, tout comme la sévérité, l’évolution clinique et les autres conditions médicales et psychiatriques associées. Il est important de traiter la dépression et l’anxiété durant la grossesse, ce qui peut parfois exiger de prendre un traitement médicamenteux. Les antidépresseurs sont habituellement prescrits après une considération des options non médicamenteuses. Votre médecin vous fera des recommandations en fonction de votre état spécifique en tenant compte des effets de ne pas traiter la dépression ou l’anxiété élevée durant votre grossesse.
- On sait que le stress élevé, l’anxiété ou la dépression durant la grossesse peuvent avoir des conséquences défavorables sur le bien-être de la mère, influencer le cours de la grossesse et la naissance, entraver la préparation à la venue du bébé, augmenter le risque d’utiliser des substances nocives ou encore avoir un effet sur les relations interpersonnelles. Certaines études ont même proposé de plus grands risques que le bien-être du bébé soit affecté, que le bébé naisse prématurément ou que son développement soit atteint, sans démontrer un lien de cause à effet clair. Le risque que la dépression se poursuive ou s’aggrave durant la grossesse est présent. Mais attention, il faut se rappeler que la dépression et l’anxiété prennent de nombreuses formes durant la grossesse et que votre situation est unique.
Selon les médias, le risque du trouble du spectre de l’autisme (TSA) augmente de 87% avec la prise d’antidépresseurs durant la grossesse : est-ce que ça veut dire que j’ai 87% de chance que mon bébé soit atteint de TSA si je continue mon antidépresseur?
- Non. La façon de présenter ces chiffres par les médias porte à confusion. Dans l’étude discutée dans les médias, le risque d’avoir un enfant atteint de TSA est de 0,7% chez les femmes qui ne prenaient pas d’antidépresseurs; ce risque augmente à 1,2% chez les femmes traitées avec un antidépresseur durant les deuxième et troisième trimestres de leur grossesse. Cette étude ne permet pas de savoir si c’est la prise d’antidépresseurs qui augmente ce risque, ou encore d’autres facteurs. La plupart des femmes qui ont eu un enfant diagnostiqué avec un TSA dans cette étude n’ont d’ailleurs pas pris d’antidépresseurs durant leur grossesse.
Est-ce que cette étude est la seule qui examine le lien entre la prise d’antidépresseurs durant la grossesse et l’autisme?
- Non. Plusieurs autres études récentes se sont penchées sur cette question, et certaines d’entre elles ne sont pas arrivées aux mêmes conclusions. Toutes ces études comportent des limites qui compliquent l’interprétation des résultats. Le fait que les données publiées à ce jour soient contradictoires montre qu’il reste beaucoup à faire avant d’être certain que les antidépresseurs augmentent le risque de TSA.
J’ai entendu dire que cette étude présente des limites. Lesquelles?
- Cette étude s’appuie sur les bases de données de la Régie de l’Assurance Maladie du Québec (RAMQ) qui ne sont pas destinées en premier lieu à faire des études cliniques. Ainsi, peu de détails sont disponibles pour les nombreux facteurs, connus ou inconnus encore, qui peuvent causer le TSA (par exemple, antécédents familiaux d’autisme, âge du père, tabagisme). Aussi, plusieurs analyses statistiques ont été réalisées, et il se peut que certains résultats s’expliquent par le hasard.
- Dans l’étude qui vient d’être publiée, il est très important de souligner qu’aucune information n’est disponible sur la façon dont les diagnostics ont été posés. Une limite commune de cette étude et des précédentes est la complexité à poser le diagnostic du TSA. Ce diagnostic exige la plupart du temps une évaluation multidisciplinaire. Certains symptômes d’un TSA peuvent parfois être mieux expliqués par d’autres conditions psychiatriques ou médicales. D’autre part, on sait aussi que les critères diagnostiques ont été élargis au cours des dernières années et que les cliniciens posent le diagnostic beaucoup plus souvent qu’il y a dix ou quinze ans, ce qui peut expliquer en partie qu’il y ait de plus en plus de cas diagnostiqués.
Les médias ont rapporté que la psychothérapie et l’exercice sont suffisants pour traiter la dépression et l’anxiété durant la grossesse et que les antidépresseurs ne sont pas nécessaires. Est-ce vrai?
- Pas nécessairement. Bien que la psychothérapie et l’exercice soient des traitements efficaces pour la dépression légère à modérée, la condition clinique d’une proportion significative de patientes peut exiger des traitements additionnels comme les médicaments. Les choix de traitement des patientes varient. Certaines patientes ont un accès limité à des services de psychothérapie ou présentent des limitations médicales, organisationnelles ou financières qui les empêchent d’accéder ou de profiter pleinement de traitements non médicamenteux. De plus, certaines patientes continuent à souffrir de symptômes significatifs de dépression ou d’anxiété malgré la mise en place de traitements non médicamenteux reconnus. Ainsi, les antidépresseurs demeurent une option ou un complément qui peut être très utile pour traiter la dépression et l’anxiété durant la grossesse.
Dr Martin St-André, pédopsychiatre et professeur agrégé de clinique, chef médical, clinique de psychiatrie périnatale et du jeune enfant, CHU Sainte-Justine et Université de Montréal
Mme Brigitte Martin, pharmacienne et responsable du centre IMAGe (CHU Sainte-Justine)
Dre Irena Stikarovska, pédopsychiatre et professeur adjointe de clinique, clinique de psychiatrie périnatale et du jeune enfant, CHU Sainte-Justine et Université de Montréal
Dr Jean-Jacques Marier, pédopsychiatre et professeur adjoint de clinique, clinique de psychiatrie périnatale et du jeune enfant, CHU Sainte-Justine et Université de Montréal
Mme Josianne Malo, pharmacienne au centre IMAGe (CHU Sainte-Justine)
Mme Ema Ferreira, pharmacienne (CHU Sainte-Justine), professeur titulaire et vice-doyenne aux études de premier cycle à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal
Mme Geneviève Fortin, pharmacienne au centre IMAGe (CHU Sainte-Justine)
Avec la collaboration de Dre Tuong-Vi Nguyen (psychiatre au MUHC)
18 décembre 2015
L'innocuité des corticostéroïdes intra-articulaires durant l'allaitement
21 août 2015
Très peu de données sont disponibles sur l’utilisation de ces corticostéroïdes pendant l’allaitement. Cette capsule présente un portrait des connaissances actuelles sur le transfert des corticostéroïdes dans le lait maternel, avec une attention particulière pour les molécules les plus utilisées pour les injections intra-articulaires, soient la méthylprednisolone, la triamcinolone et la bétaméthasone (1).
Innocuité des corticostéroïdes durant l’allaitement
Prednisone et prednisolone
La prednisone et la prednisolone sont les corticostéroïdes les mieux documentés en allaitement, et leur faible transfert dans le lait maternel a été démontré (2,3). À titre d’exemple, chez une mère qui a pris une dose orale de 80 mg de prednisolone, on a estimé qu’un nourrisson allaité exclusivement recevrait au maximum 9,5 % de la plus faible dose de prednisone utilisée en néonatologie; cette exposition correspond aussi à 10 % ou moins de la production endogène de corticostéroïdes par l’enfant (4,5).
Dans une étude évaluant la prednisolone administrée par voie intraveineuse à dose élevée (1 g pour une dose), les concentrations mesurées dans le lait maternel étaient proportionnelles à la dose, et déclinaient rapidement : 24 h après la dose, le médicament n’était plus décelable dans le lait maternel (6).
Méthylprednisolone
La structure moléculaire de la méthylprednisolone est fortement apparentée à celle de la prednisolone, puisqu’il s’agit de son dérivé méthylé (2). La méthylprednisolone semble aussi passer faiblement dans le lait maternel.
Chez une femme qui n’allaitait pas son nouveau-né âgé d’une semaine, une dose orale quotidienne de méthylprednisolone de 6 mg a entraîné deux pics lactés à 2 et 8 heures après la dose; les concentrations diminuaient rapidement par la suite (7). On estime qu’un nourrisson allaité exclusivement recevrait environ 1 % de la dose maternelle ajustée au poids de la mère. Aucun effet indésirable n’a été noté chez trois enfants allaités dont les mères prenaient des doses quotidiennes de méthylprednisolone de 6 à 8 mg (3). Deux notifications de cas récentes ont rapporté les concentrations lactées de méthylprednisolone après l’administration d’une dose élevée (1 g) par voie intraveineuse; les mesures confirment un faible transfert du médicament dans le lait maternel, et une élimination rapide du médicament du lait (8, 9).
Des chercheurs ont mesuré les concentrations plasmatiques de méthylprednisolone entraînées par l’injection de différentes doses d’acétate de méthylprednisolone dans un ou deux genoux. Les sujets à l’étude n’étaient pas des femmes qui allaitent. La concentration sérique maximale était atteinte environ 4 à 8 heures après l’injection. Pour des doses totales de 40 à 80 mg, le pic moyen variait entre 65 et 215 mcg/L, selon la dose et le nombre d’articulations traitées. L’élimination était presque complète après 3 à 5 jours (10). On estime que ces concentrations plasmatiques sont de 1,5 à 4 fois supérieures à celles obtenues avec la dose orale de 6 mg étudiée en allaitement (11). Ceci illustre que les corticostéroïdes administrés par voie intra-articulaire sont absorbés, ce qui résulte en une exposition systémique significative.
Triamcinolone et bétaméthasone
On ne connaît pas le transfert de la triamcinolone et de la bétaméthasone dans le lait maternel. Comme pour la grande majorité des médicaments, les propriétés pharmacologiques et pharmacocinétiques de ces agents laissent présager un passage dans le lait (2). De plus, la bétaméthasone semble un choix moins intéressant que la méthylprednisolone étant donné son court temps de contact articulaire, qui se traduit par une efficacité clinique plus courte et une concentration plasmatique maximale plus importante (1,12).
Jusqu’à maintenant, aucun effet indésirable n’a été rapporté chez les nourrissons dont la mère reçoit une corticothérapie, quelle qu’elle soit (3).
Impact des corticostéroïdes intra-articulaires sur la lactation
Une notification de cas rapporte un arrêt de la production lactée 30 heures après une injection intralésionnelle de 24 mg d’acétate de méthylprednisolone au poignet chez une femme allaitant un enfant âgé de 6 semaines. La lactation a repris graduellement 36 heures après l’arrêt de la production de lait, avec un retour à la normale en 24 heures. Les auteurs proposent que la suppression de la production lactée pourrait être reliée à un effet des corticostéroïdes sur les niveaux de prolactine. De plus, le fait que l’injection ait été pratiquée sur une articulation très mobile a pu contribuer à la survenue de l’effet en causant une libération plus rapide du corticostéroïde (13).
Un autre rapport de cas décrit une diminution de la production lactée après l’injection de 80 à 120 mg de diacétate de triamcinolone dans les articulations vertébrales chez une femme allaitant de 3 à 7 fois par jour un enfant âgé de 14 mois. La diminution de la production lactée est survenue 3 jours après l’injection et s’est aggravée dans les 5 jours suivants. La production lactée est revenue à la normale 21 jours après injection. Quatre semaines auparavant, la femme avait reçu une injection de 5,7 mg de bétaméthasone dans l’articulation de l’épaule, sans effet sur sa production lactée. Les auteurs proposent que la dose élevée et le site d’administration ont probablement contribué aux effets observés chez cette mère (14).
En somme
Les experts en allaitement considèrent globalement qu’il est peu probable qu’une injection locale de corticostéroïdes ait un effet sur l’enfant allaité (2,3).
Si une injection intra-articulaire doit être pratiquée durant l’allaitement, l’acétate de méthylprednisolone est une molécule intéressante en raison d’un passage connu et faible dans le lait. La triamcinolone et la bétaméthasone ne sont pas des agents de première ligne étant donné leur transfert inconnu dans le lait maternel. Dans tous les cas, la dose minimale efficace devrait être favorisée, les articulations devraient être sélectionnées judicieusement, et la fréquence des injections devrait être adaptée selon l’évolution de la condition de la patiente.
Enfin, la possibilité d’une diminution de la production lactée doit être considérée suivant l’administration d’un corticostéroïde par injection locale, surtout en cas d’injection d’une dose élevée ou dans une articulation fortement mobilisée. Si la condition de la patiente le permet, il pourrait être préférable dans certains cas d’attendre que l’allaitement soit bien établi ou que l’enfant ait d’autres sources d’alimentation avant de procéder à l’injection. Avec l’utilisation de doses élevées pour des injections répétées, il serait indiqué de suivre la croissance de l’enfant (2).
- Rédigé par Josianne Malo, pharmacienne, centre IMAGe, à partir d’un travail réalisé par Dariane Racine, résidente en pharmacie, CHU Sainte-Justine
- Août 2015
Références
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L’acide folique et la prévention des anomalies congénitales
21 AOUT 2015
Les cliniciens connaissent les bienfaits de l’acide folique pour la prévention des anomalies congénitales. Les recommandations concernant la supplémentation avant et pendant la grossesse sont régulièrement ajustées par les groupes d’experts en fonction de la réanalyse des données publiées et la parution de nouvelles recherches sur le sujet. Cette capsule fait le point sur les recommandations Canadiennes valides en 2015.
« L’acide folique est une vitamine hydrosoluble qui intervient dans l’expression des gènes, la synthèse de protéines et les processus liés à la multiplication des cellules et à la croissance des tissus. […] Au cours de la grossesse, il joue un rôle de premier plan dans la croissance des tissus maternels et fœtaux et la prévention des anomalies du tube neural (ATN). En effet, les études montrent que la prise d’acide folique avant la conception et pendant les premières semaines de la grossesse réduit de 36 à 85% l’incidence d’ATN. L’acide folique semble également réduire l’incidence de récurrences d’ATN de près de 72%. De plus, l’apport en acide folique durant l’organogenèse pourrait prévenir d’autres anomalies congénitales telles que les malformations cardiaques, les anomalies de l’appareil urinaire, les fentes orofaciales, les anomalies des membres et l’hydrocéphalie congénitale. On estime que 50% des anomalies de naissance peuvent être prévenues par un apport suffisant d’acide folique chez les femmes en âge de concevoir. »
Extrait du chapitre: Boucoiran I, Ferreira E, Gagné C. Nutrition, suppléments vitaminés, hygiène de vie et contraception. Dans : Ferreira E, Martin B, Morin C, éds. Grossesse et allaitement: guide thérapeutique. 2e éd. Montréal: Éditions du CHU Sainte-Justine; 2013. p.129-54.
Voici un aperçu des recommandations des groupes d'experts Canadiens:
Société des Obstétriciens et Gynécologues du Canada (SOGC)
Des recommandations ont été formulées en décembre 2007 par la Société des Obstétriciens et Gynécologues du Canada et par le programme Motherisk du Hospital for Sick Children de Toronto. Ces recommandations ont été révisées en juin 2015 et le document complet se retrouve sur le site web de la SOGC , directive clinique : "Supplémentation préconceptionnelle en acide folique / multivitamines pour la prévention primaire et secondaire des anomalies du tube neural et d’autres anomalies congénitales sensibles à l’acide folique »
Le groupe d’experts impliqué dans la révision propose une nouvelle catégorisation des facteurs de risque d’anomalies du tube neural et un nouvel arbre décisionnel pour la supplémentation en acide folique. Des schémas posologiques fondés sur les preuves scientifiques, mais tenant compte des formulations accessibles au Canada, sont également proposés. Ces derniers prennent en compte les facteurs de risque maternels mais aussi paternels. Le lecteur intéressé doit consulter ces recommandations en détail sur le site de la SOGC.
Santé Canada
En mars 2010, Santé Canada a publié des recommandations destinées aux professionnels de la santé sur la supplémentation en acide folique des femmes en âge de concevoir. Ces recommandations se retrouvent dans la section « Nutrition pendant la grossesse », qui comprend également des recommandations concernant le guide alimentaire canadien, la consommation de poissons durant la grossesse, la salubrité des aliments ainsi que des informations sur le gain de poids et l’index de masse corporelle durant la grossesse. Voici un résumé des directives proposées concernant les suppléments en acide folique :
Toutes les femmes pouvant devenir enceintes et celles qui le sont déjà devraient prendre chaque jour une multivitamine contenant 0,4 mg d’acide folique.
Dans certains cas, les femmes pourraient devoir recevoir une dose plus élevée d'acide folique. Les situations possibles sont les suivantes :
Situation A : Chez les femmes avec un risque élevé de donner naissance à un bébé avec une anomalie du tube neural à cause d’un faible apport alimentaire en folate (mauvaise alimentation, régimes amaigrissants fréquents, statut socio-économique faible, choix d’aliments et de méthodes de préparation avec faible apport en folate, tabagisme) (voir les définitions complètes sur le site de Santé Canada) :
Recommandation, en l'absence d'un besoin élevé : conseiller des suppléments d'acide folique de 0,4 mg par jour, sauf si on constate que la femme ne prend pas régulièrement ses suppléments → dans ce cas, la mesure de la concentration en folate des globules rouges est suggérée afin de déterminer la meilleure dose à recommander (voir le site complet pour les recommandations en fonction des concentrations en folate des globules rouges).
Situation B : Chez les femmes avec un risque élevé de donner naissance à un bébé avec une anomalie du tube neural à cause de besoins élevés en folate (antécédents personnels ou familiaux d’anomalie du tube neural ou d’autres anomalies congénitales, médicaments qui nuisent au métabolisme des folates, consommation excessive d’alcool, mauvaise absorption, maladie hépatique, dialyse du rein) (voir les définitions complètes sur le site de Santé Canada) :
Recommandation : conseiller des suppléments de 4 à 5 mg d’acide folique par jour conjointement à une multivitamine contenant de la vitamine B12, à débuter au moins 3 mois avant la conception et à poursuivre jusqu’à la fin du 1er trimestre. Entre la 10ème et la 12ème semaine de grossesse, diminution de la dose d’acide folique à 0,4 mg par jour pour le reste de la grossesse et la durée de l’allaitement. Santé Canada propose que si la patiente n'est pas enceinte après 3 à 4 mois et qu'elle prend quotidiennement ses suppléments, on devrait envisager de diminuer la supplémentation en acide folique (0,4 à 1,0 mg). À ce stade, la concentration sanguine de folate de la plupart des patientes devrait être située dans l'intervalle associé à une protection maximale. La concentration en folate des globules rouges devrait être mesurée après 4 mois de traitement à faible dose. Voir le site complet pour les recommandations complètes concernant le suivi.
Situation C : Chez les femmes ayant des facteurs de risque d’anomalies du tube neural pour lesquels on ignore si les anomalies du métabolisme du folate (et les besoins élevés en folate) jouent un rôle dans leur étiologie (obésité, diabète, anomalie du métabolisme du glucose, hyperinsulinémie) (voir les définitions complètes sur le site de Santé Canada) :
Recommandation : mesurer la concentration en folate des globules rouges afin de déterminer la meilleure dose à recommander (voir le site complet pour les recommandations en fonction des concentrations en folate des globules rouges) »
Tiré et résumé de : Santé Canada. Supplémentation plus élevée en acide folique - questions et réponses destinées aux professionnels de la santé. (Site consulté le 22 mai 2015). Accessible: http://www.hc-sc.gc.ca/fn-an/nutrition/prenatal/fol-qa-qr-fra.php
Le lecteur intéressé doit consulter ces recommandations en détail sur le site de Santé Canada pour connaître les autres éléments pertinents proposés (sources d’acide folique, risques associés aux suppléments de multivitamines, etc.).
- Rédigé par Elisa Frantz, pharmacienne en France et assistante de recherche au centre IMAGe et révisé par Brigitte Martin, pharmacienne au centre IMAGe.
- Juin 2015
L'innocuité des corticostéroïdes intra-articulaires durant la grossesse
22 mai 2015
Les corticostéroïdes sont utilisés par voie systémique ou locale pour traiter diverses pathologies inflammatoires. Dans le traitement de certaines affections rhumatismales, des corticostéroïdes peuvent être injectés directement dans une articulation affectée. En théorie, cette voie permet de limiter l’exposition systémique et les effets indésirables associés aux corticostéroïdes. En réalité, une exposition systémique variable est décrite pour les corticostéroïdes intra-articulaires. De ce fait, plusieurs questions se posent : quelles sont les données sur l’innocuité des corticostéroïdes intra-articulaires durant la grossesse? Cette modalité de traitement peut-elle être offerte aux femmes enceintes?
Corticostéroïdes administrés par voie intra-articulaire
Les principaux corticostéroïdes utilisés en injection locale peuvent être classés selon le temps de contact articulaire et la durée d’action (1,2) :
|
Temps de contact
articulaire moyen
|
Durée d’action moyenne |
Hexacétonide de triamcinolone
(AristospanMD) |
6 jours |
21 jours |
Acétonide de triamcinolone
(KenalogMD) |
3.8 jours |
14 jours |
Acétate de bétaméthasone
(BetajectMD,Celestone SoluspanMD) |
2.8 jours |
9 jours |
Acétate de méthylprednisolone
(Depo-MedrolMD) |
2.6 jours |
8 jours |
En principe, un corticostéroïde doté d’un temps de contact articulaire prolongé est avantageux puisque ce paramètre corrèle avec la durée de l’efficacité clinique. De plus, un long temps de contact articulaire se traduit par une concentration plasmatique maximale plus faible.
Malgré cette considération, les corticostéroïdes administrés par voie intra-articulaire sont absorbés et peuvent améliorer des symptômes rhumatismaux extra-articulaires ou qui touchent des articulations distantes (2). Ils peuvent aussi entraîner des effets indésirables endocriniens, comme la suppression de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. En général, la suppression de l’axe est maximale 24 à 48 heures après l’injection. L’intensité et la durée de la suppression varient selon la dose administrée, le nombre d’articulations injectées et l’agent sélectionné. À titre d’exemple, les niveaux de cortisol se normalisent après 1 à 2 semaines pour l’injection d’acétate de méthylprednisolone, et on peut compter jusqu’à 2 à 4 semaines pour l’hexacétonide de triamcinolone (2). Ces éléments peuvent avoir un impact important chez les patientes qui seront exposées à des événements stressants peu de temps après l’injection, comme l’accouchement. Des effets indésirables métaboliques sont également décrits pour les corticostéroïdes administrés par voie intra-articulaire, comme une augmentation transitoire de la glycémie (1,2).
Innocuité des corticostéroïdes systémiques durant la grossesse
Il n’existe pas de donnée épidémiologique sur l’utilisation des corticostéroïdes intra-articulaires durant la grossesse. Considérant que les corticostéroïdes injectés dans les articulations sont ultimement absorbés et ont des effets systémiques, il est pertinent de décrire ici l’innocuité des corticostéroïdes systémiques durant la grossesse.
Données animales
Les corticostéroïdes sont tératogènes dans les études animales, les fentes labiales et palatines étant la principale anomalie induite. La triamcinolone et la bétaméthasone ont causé des fentes palatines chez plusieurs espèces de rongeurs, tandis que la méthylprednisolone a induit cette anomalie chez la souris, mais pas chez le rat ni le lapin (3).
Données humaines
Les études de cohortes sur les corticostéroïdes systémiques au premier trimestre de la grossesse n’ont pas identifié d’augmentation du risque malformatif (4-6). Toutefois, une méta-analyse d’études de type cas-témoins rapporte une augmentation de faible ampleur du risque de fente orale (RC3,35; IC95% 1,97-5,69) (5). Des études similaires plus récentes ont confirmé cette association, mais d’autres pas (7-9). Considérant un risque de base de fente orale de 1 cas pour 1000 naissances dans la population générale, le risque de fente orale suivant un traitement par corticostéroïde systémique au premier trimestre est estimé à environ 3 cas pour 1000 naissances. La période critique pour la formation de la bouche et du palais s’étend de la huitième à la onzième semaine gestationnelle (10). Plus tard dans la grossesse, les corticostéroïdes systémiques ont été liés à un âge gestationnel et un poids de naissance plus faibles, mais il est possible que les conditions maternelles sous-jacentes jouent également un rôle dans ces observations (5).
Effet du placenta sur l’exposition fœtale
Durant la grossesse, les stéroïdes maternels endogènes et exogènes sont transformés en métabolites inactifs par une enzyme placentaire, la 11-bêta-hydroxystéroïde déshydrogénase de type 2. Les stéroïdes apparentés à la prednisolone, comme la méthylprednisolone, sont fortement inactivés par cette enzyme, ce qui limite leur passage vers le compartiment fœtal. Lors de la sélection d’une corticothérapie à visée maternelle, ces agents sont préférés à la bétaméthasone et la dexaméthasone, qui sont moins métabolisées et exposent davantage le fœtus (11).
En somme
Si une injection intra-articulaire doit être pratiquée durant la grossesse, il est préférable, dans la mesure du possible, d’attendre après le premier trimestre. Si un corticostéroïde intra-articulaire est administré durant le premier trimestre, le risque malformatif demeure probablement similaire à celui de la population générale, même si une augmentation du risque de fente orale ne peut être exclue.
Parmi les molécules sur le marché canadien, l’acétate de méthylprednisolone est une option intéressante en raison de son transfert placentaire limité. Ses données d’innocuité plus favorables chez l’animal sont un autre argument, plus théorique, en sa faveur. La dose minimale efficace devrait être favorisée, les articulations devraient être sélectionnées judicieusement, et la fréquence des injections devrait être adaptée selon l’évolution de la condition de la patiente. Dans tous les cas, les risques et les avantages possibles des autres options de traitement doivent être considérés.
Les douleurs liées aux affections articulaires méritent d’être prises en charge durant la grossesse. Les corticostéroïdes intra-articulaires font partie des choix de traitement possibles.
- Rédigé par Josianne Malo, pharmacienne au centre IMAGe, à partir d’un travail réalisé par Elissar Dahak-El-Ward, résidente en pharmacie.
- Mai 2015
Références
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La mélatonine durant la grossesse
01 MAI 2015
La mélatonine est une hormone synthétisée par la glande pinéale et dont la sécrétion suit un rythme circadien (1). On l’administre sous forme de suppléments exogènes principalement pour le traitement des troubles du sommeil, bien qu’elle soit impliquée dans de multiples autres fonctions biologiques. Comme beaucoup de femmes voient la qualité de leur sommeil altérée pendant la grossesse, particulièrement après le premier trimestre (2,3), la question de l'innocuité des suppléments de mélatonine durant la grossesse est parfois soulevée.
Efficacité de la mélatonine dans les troubles du sommeil
En dehors de la grossesse, la mélatonine est efficace pour réduire le délai d’endormissement chez les patients ayant des troubles du sommeil primaire, et plus particulièrement chez ceux qui souffrent du syndrome de retard de phase du sommeil. Les preuves d’efficacité sont toutefois moins convaincantes en cas d’insomnie associée à des comorbidités neurologiques ou psychiatriques (4). De plus, les effets sont modestes, ou absents, en ce qui concerne la qualité et la durée du sommeil. Notons que les méta-analyses font ressortir une grande hétérogénéité dans les études (4). Ainsi, en dépit d’une popularité croissante, la mélatonine semble d’une utilité clinique limitée pour cette indication (4), bien qu’il puisse exister des sous-groupes de patients plus à même d’en bénéficier.
Innocuité des suppléments de mélatonine
La mélatonine présente un profil d’innocuité favorable, du moins lors d’une utilisation à court terme, et les effets indésirables, rarement rapportés, sont peu spécifiques (1,4). Au Canada, la mélatonine commercialisée est uniquement de source synthétique (5,6), mais elle est considérée comme un produit de santé naturel au sens de la loi, et les fabricants sont tenus de se conformer au Règlement sur les produits de santé naturels. Néanmoins, la présence de contaminants ou d’autres produits que ceux cités sur l’étiquette reste possible.
Quelques éléments de pharmacocinétique
Les doses de mélatonine étudiées sont très variables : de 0,1 mg jusqu’à plus de 10 mg par jour. Une dose de 0,3 mg entraîne des concentrations plasmatiques similaires à celles observées avec la sécrétion nocturne de mélatonine, alors que des doses de 1 à 10 mg augmentent les concentrations plasmatiques de l’ordre de 3 à 60 fois par rapport aux concentrations maximales endogènes normalement observées (1). Il semble exister une grande variabilité dans la biodisponibilité des produits commerciaux. Avec les formulations à libération immédiate, les concentrations plasmatiques maximales sont observées après 0,5 à 2 h et la demi-vie d’élimination est estimée à 0,5 à 1 h (7).
Durant la grossesse
Du côté maternel et placentaire…
Les concentrations endogènes de mélatonine augmentent au cours de la grossesse (8). En plus de son action sur rythmes circadiens, la mélatonine est impliquée dans de nombreux processus de la grossesse : modulation endocrinienne (dont la modulation de la sécrétion de progestérone et de prostaglandines), immunomodulation, élimination de radicaux libres, action antioxydante et cytoprotectrice de l’unité placento-fœtale, action synergique avec l’oxytocine, etc. (8)
Les études épidémiologiques montrent un risque accru de complications obstétricales (avortements spontanés, accouchements prématurés, bébés de faible poids à la naissance) chez les femmes enceintes travaillant de nuit, ce qui pourrait s’expliquer par un déficit en mélatonine (8,9). Des études sont en cours pour mieux cerner les répercussions d’une modification pathologique de la sécrétion de cette hormone. Du fait de son importance dans la fonction reproductive et le déroulement normal de la grossesse, des études se penchent actuellement sur l’utilité potentielle de suppléments de mélatonine pour le traitement de pathologies obstétricales, comme la restriction de croissance intra-utérine (10).
Si les multiples propriétés de cette hormone permettent d’imaginer de nombreuses applications thérapeutiques à la mélatonine en obstétrique, des chercheurs proposent néanmoins la prudence chez les femmes ayant des antécédents d’accouchement prématuré, en raison d’observations in vitro laissant présager l’action synergique de la mélatonine avec l’oxytocine dans le déclenchement du travail (9).
… et du côté fœtal
Le passage placentaire de la mélatonine maternelle endogène est rapide et complet. Comme les récepteurs à la mélatonine sont présents dans le noyau suprachiasmatique et d’autres régions du système nerveux fœtal dès la 18e semaine de la grossesse, les chercheurs proposent que l’augmentation des concentrations de mélatonine observée durant la grossesse ait un rôle à jouer pour la programmation et l’entraînement des rythmes circadiens du fœtus (9).
Il n’existe pas de donnée épidémiologique sur l’innocuité des suppléments de mélatonine chez la femme enceinte. Les données animales n’ont pas fait ressortir d’effet tératogène chez plusieurs espèces testées à des doses bien supérieures aux doses utilisées en clinique. On a observé des retards de maturation sexuelle et des variations des concentrations d’hormones impliquées dans la reproduction chez les petits exposés in utero dans certains modèles animaux, lorsque des doses similaires aux doses utilisées chez l’humain étaient étudiées (6,11). La portée clinique de ces observations demeure difficile à préciser. Certains chercheurs ont proposé que des concentrations supraphysiologiques de mélatonine puissent avoir des conséquences néfastes sur le développement des cycles éveil-sommeil du bébé (9). On peut s’interroger sur les autres répercussions possibles, notamment en cas d’exposition prolongée ou à des doses élevées, vu les multiples effets de cette hormone.
En résumé, pour le traitement des troubles du sommeil
Les conséquences des troubles du sommeil pour la santé de la mère et de son fœtus sont mal définies, mais comme dans la population générale, quelques recherches laissent supposer un lien avec un risque plus élevé de symptômes dépressifs (2,3). Le choix d’un traitement doit tenir compte de la nature du trouble du sommeil identifié et des comorbidités présentes (12), ainsi que de l’efficacité et du profil d’effets indésirables du traitement envisagé. Les mesures non pharmacologiques (hygiène du sommeil, luminothérapie, etc.) ont une place de premier plan dans la prise en charge des troubles du sommeil durant la grossesse. Les femmes se plaignant d’insomnie sévère ou persistante doivent être adressées à leur médecin. Les causes médicales menant à des troubles du sommeil doivent être recherchées et traitées (par ex., syndrome des jambes sans repos).
Les données actuelles ne permettent pas d’évaluer les conséquences de concentrations de mélatonine très supérieures aux niveaux endogènes sur le développement embryonnaire ou fœtal. Dans la mesure du possible, pour la femme enceinte, en attendant d’en savoir davantage, il est prudent de se tourner vers un traitement dont l’innocuité et l’efficacité est mieux attestée. Par exemple, les antihistaminiques de première génération (par ex., doxylamine, diphenhydramine) et les benzodiazépines sont des médicaments pour lesquels l’expérience clinique est plus étendue et les risques d’un usage occasionnel en grossesse, mieux délimités (13). D’autres options pharmacothérapeutiques peuvent être envisagées en fonction des comorbidités présentes. Si l’on considère que les bienfaits attendus de la mélatonine sont supérieurs aux risques potentiels pour une femme, les principes de base de pharmacothérapie en grossesse devraient être respectés : dose minimale efficace, documentation de l’efficacité et réévaluation périodique de l’indication. Les femmes avec des antécédents d’accouchement prématuré pourraient éviter le recours à la mélatonine (9), cette recommandation se basant sur un principe de précaution.
- Rédigé par Brigitte Martin, pharmacienne (centre IMAGe), à partir d’un travail réalisé par Marine Neeman, pharmacienne (Suisse), et Lauriane Ginefri, D.Pharm. (France), pharmacienne, assistantes de recherches au centre IMAGe
- Mai 2015
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- Melatonin. Dans : DRUGDEX® System (electronic version). Truven Health Analytics, Greenwood Village, Colorado, USA. Accessible à: http://www.micromedexsolutions.com (Page consultée le 17 mars 2013).
- Tamura H, Nakamura Y, Pilar Terron M, et al. Melatonin and pregnancy in the human. Reprod Toxicol 2008;25:291-303.
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- Alers NO, Jenkin G, Miller SL, et al. Antenatal melatonin as an antioxidant in human pregnancies complicated by fetal growth restriction--a phase I pilot clinical trial: study protocol. BMJ Open 2013;3(12):e004141.
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- Ferreira E, Martin B, Morin C, éds. Grossesse et allaitement: Guide thérapeutique. 2e éd. Montréal: Éditions du CHU Ste-Justine; 2013.
2014
La vaccination antigrippale pour la femme enceinte ou qui allaite – Saison 2014-2015
15 novembre 2014
Les femmes enceintes représentent un groupe de population à risque de complications graves de la grippe. La pandémie de grippe A H1N1 de la saison 2009-2010 a d’ailleurs confirmé ce risque (hospitalisations, admissions aux soins intensifs, pneumonie, accouchement prématuré, etc.) préalablement identifié lors d’autres pandémies (1,2,3). Plusieurs publications démontrent également que la vaccination des femmes enceintes protège les nouveau-nés contre l’influenza et les hospitalisations associées à l’influenza (1,3).
Indications de la vaccination antigrippale
Les femmes enceintes représentent un groupe prioritaire pour la vaccination selon la liste établie par le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI; Canada) et le protocole d’immunisation du Québec (1,2).
Les complications associées à la grippe saisonnière augmentent avec le stade de la grossesse (1). Au Canada, le CCNI recommande la vaccination systématiquement pour les femmes enceintes à tous les stades de la grossesse (1). Au Québec, le vaccin est offert gratuitement aux femmes enceintes à risque élevé de complications de la grippe (quel que soit le stade de la grossesse), incluant les femmes enceintes en bonne santé qui sont au 2e ou au 3e trimestre de la grossesse (13 semaines et plus). La vaccination est aussi recommandée aux contacts domiciliaires des groupes présentant un risque élevé de complications (p.ex. : contact domiciliaire d’un enfant de 0 à 23 mois) (2). Le lecteur est prié de consulter le Protocole d’immunisation du Québec pour la liste des facteurs de risque de complications de la grippe justifiant une immunisation prioritaire (2).
Vaccins accessibles durant la saison 2014-2015
La campagne de vaccination contre la grippe saisonnière est débutée depuis le 1er novembre au Québec. Six vaccins inactivés trivalents sont distribués au Canada pour la saison 2014-2015. Il s’agit de vaccins injectables : Agriflumd, Fluadmd, Fluviralmd, Fluzonemd, Influvacmd et Vaxigripmd (2). Ces vaccins continent des antigènes de deux virus de type A et d’un virus de type B. Un vaccin inactivé quadrivalent, contenant des antigènes de deux virus de type A et de deux virus de type B, est également disponible: le Fluzonemd Quadrivalent (2). Les vaccins Influvacmd et Fluzonemd Quadrivalent ne sont pas fournis gratuitement dans le cadre du programme de vaccination contre la grippe au Québec (2).
Rien n’indique qu’il existe un risque pour le fœtus ou l’issue de la grossesse si une femme enceinte reçoit ces vaccins (1,4). En effet, à ce jour, les études n’ont pas révélé d’effets indésirables associés à l’utilisation des vaccins antigrippaux inactivés chez la mère ou le fœtus, bien que le nombre de femmes cumulées dans ces études au premier trimestre soit peu élevé (1,5-7). La vaste expérience d’utilisation de ces vaccins au cours des dernières années, incluant les centaines de milliers de femmes vaccinées lors de la pandémie de 2009-2010 à tous les trimestres de la grossesse, sans effets indésirables associés, demeure très rassurante (1,5-7).
Deux vaccins vivants atténués contre l’influenza saisonnière sont également disponibles : le vaccin intranasal Flumistmd(trivalent) et le vaccin intranasal Flumistmd Quadrivalent(8). De façon générale, les vaccins à virus vivants atténués ne sont pas recommandés chez les femmes enceintes en raison d’une crainte théorique pour le fœtus (3,4). On favorisera donc l’utilisation des vaccins inactivés pourcette population. Cependant, bien que les données soient très limitées et concernent principalement le vaccin monovalent (H1N1), aucune forme inattendue de complications de la grossesse ou de problèmes chez le fœtus n’a été rapportée suite à l’administration par inadvertance d’un vaccin antigrippal vivant atténué à des femmes enceintes (9,10). L’utilisation des vaccins vivants atténués contre la grippe est contre-indiquée chez la femme enceinte selon le Protocole d’immunisation du Québec (8).
Adjuvants et agents de conservation
Un seul des vaccins trivalents inactivés disponibles pour la saison 2014-2015, le Fluadmd, renferme un adjuvant, le MF59, qui s’apparente à l’adjuvant contenu dans le vaccin antigrippal Arepanrixmd utilisé durant la pandémie de 2009-2010. Cet adjuvant de type squalène, une substance organique naturelle, permet d’augmenter la réponse immunitaire du sujet vacciné. Les données actuelles ne montrent pas de risque accru d’anomalies associé à cet adjuvant (7). Au Canada, le Fluadmd est indiqué pour les personnes âgées de 65 ans et plus seulement (1,2) : il est donc peu probable qu’une femme enceinte soit vaccinée avec ce produit.
Les fioles multidoses renferment de faibles quantités de thimérosal, un composé organomercuriel, comme agent de conservation (1,2). Le thimérosal se dissocie en éthylmercure et en thiosalicylate rapidement suite à son administration. Les effets neurotoxiques bien connus du mercure sont associés à sa forme organique, le méthylmercure (11). Les données dont on dispose à ce jour réfutent clairement l’existence de tout lien entre le thimérosal et de possibles troubles neurodéveloppementaux, il n’y a donc aucune raison légitime d’éviter d’utiliser les produits qui en contiennent en faible concentration chez les femmes enceintes (11,12).
Allaitement
Étant donné qu’elles constituent un contact pour la transmission de l’infection à un enfant de 0 à 23 mois, les femmes qui allaitent sont encouragées à se faire vacciner contre la grippe saisonnière (2). Tous les types de vaccins contre l’influenza disponibles au Québec (incluant le Flumistmd) peuvent être administrés à une femme qui allaite (1,4). À noter qu’il est aussi suggéré de vacciner les enfants de 6 à 23 mois puisqu’ils font partie des populations à risques de complications liées à l’influenza (2). Ici aussi, le lecteur est prié de consulter le Protocole d’immunisation du Québec pour la liste des facteurs de risque de complications de la grippe justifiant une immunisation prioritaire (2).
- Rédigé par Brigitte Martin, Caroline Morin et Andréanne Précourt, pharmaciennes, novembre 2011
- Dernière révision par Caroline Morin, pharmacienne, novembre 2014
Références
- Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI). Déclaration sur la vaccination antigrippale pour la saison 2014-2015. [En ligne. Page consultée le 12 novembre 2014] http://www.phac-aspc.gc.ca/naci-ccni/flu-grippe-fra.php
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- Ministère de la santé et des services sociaux. Protocole d’immunisation du Québec (PIQ). Chapitre 10, section 5.2 : Inf intranasal : vaccin intranasal contre l’influenza 2014-2015, mise à jour septembre 2014;361-366.
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Les antiviraux pour la grippe chez la femme enceinte ou qui allaite – État des connaissances en 2014
12 novembre 2014
La grippe durant la grossesse
La grossesse augmente la gravité des complications de la grippe, en particulier chez les femmes enceintes aux deuxième et troisième trimestres (1,2). Dans une étude antérieure à la pandémie de 2009, les femmes au troisième trimestre présentaient un risque trois à quatre fois supérieur d’être hospitalisées pour des événements cardiopulmonaires pendant la saison grippale que les femmes non enceintes (2).
Dans une analyse internationale englobant 70 000 cas documentés d’infection à influenza A (H1N1) pandémique, les femmes enceintes au troisième trimestre constituaient plus de la moitié des cas graves (hospitalisation, admission aux soins intensifs ou décès) durant la grossesse (3). Outre le trimestre de la grossesse, d’autres facteurs de risque pour une infection grave ou un décès en grossesse ont été identifiés : la présence de comorbidités (notamment l’asthme, le diabète et l’obésité), un délai prolongé avant le début du traitement antiviral (plus de 48 heures après le début des symptômes) et l’absence de traitement antiviral (4,5).
Dans l’ensemble, même si les données sont controversées, on estime que les femmes enceintes qui développent des complications sévères de l’influenza sont plus à risque d’avortement spontané, d’accouchement prématuré et de mort fœtale (6). Les femmes demeurent à risque plus élevé de complications grippales graves pendant les deux à quatre semaines suivant l’accouchement ou l’interruption de la grossesse (7, 8).
Données d’innocuité sur les antiviraux en grossesse et en allaitement
Au Canada, trois médicaments sont commercialisés pour le traitement de l’influenza : l’amantadine, l’oseltamivir et le zanamivir. Étant donné le taux élevé de résistance du virus de l’influenza à l’amantadine, cette capsule d’information ne discutera que des données concernant l’oseltamivir et du zanamivir (8).
Oseltamivir (Tamiflumd)
Données animales
L’oseltamivir ne s’est pas avéré tératogène chez deux espèces animales (9). Une augmentation proportionnelle à la dose de l’incidence de diverses anomalies squelettiques mineures a été observée; cependant, l’incidence de chaque anomalie squelettique demeurait dans les taux attendus pour chaque espèce étudiée (10).
Données chez l’humain
Le fabricant a enregistré des données sur les issues de grossesse de 2128 femmes traitées avec de l’oseltamivir durant leur grossesse (11). De ce nombre, 400 femmes étaient au premier trimestre lors de leur traitement. Les taux de malformations majeures, d’avortements spontanés, de mortinaissances et de naissances prématurées observés n’étaient pas supérieurs aux taux attendus dans la population générale. Ces données recoupent les informations tirées des études scientifiques détaillées ci-bas.
On retrouve dans la documentation scientifique environ 330 expositions au premier trimestre issues de six études de cohortes (trois études prospectives cumulant 260 femmes (12-14) et trois études rétrospectives (15-17)) sans augmentation du risque d’anomalies majeures. On rapporte également un peu plus de 900 expositions après le premier trimestre dans ces études sans augmentation du risque d’autres issues défavorables de la grossesse, à l’exception possible d’un risque accru d’hypoglycémie néonatale retrouvé dans une seule de ces études (16). Enfin, une grande étude de cohorte rétrospective comptant 1237 expositions à l’oseltamivir en cours de grossesse n’a pas observé d’augmentation du risque d’issues défavorables de la grossesse (18). Le risque d’anomalies n’a toutefois pas été évalué dans cette étude en raison du manque d’informations concernant cette issue ainsi que sur la période d’exposition au médicament.
Les données actuelles ne laissent donc pas présager un risque accru d’anomalie majeure par rapport au risque de base. L’oseltamivir est maintenant préconisé comme antiviral pour le traitement de l’influenza durant la grossesse (8).
Allaitement
Le passage du médicament dans le lait maternel a été quantifié chez 8 femmes suite à la prise d’une dose de 75 mg d’oseltamivir (19). Des mesures sériées du médicament et de son métabolite actif montrent un très faible passage dans le lait maternel : on estime qu’un enfant strictement allaité recevrait entre 9 et 12 mcg/kg/jour lors d’un traitement maternel à 75 mg 2 fois par jour, ce qui correspond à moins de 1% des doses pédiatriques recommandées.
Bien que peu documentée en allaitement, l’utilisation de l’oseltamivir comporte probablement peu de risque pour la majorité des enfants allaités en raison des faibles doses transférées dans le lait et de la courte durée de traitement (19). Son emploi a été jugé compatible avec l’allaitement par la plupart des organismes gouvernementaux et des groupes d’experts pendant la pandémie d’influenza A (H1N1).
Le zanamivir (Relenzamd)
Données pharmacocinétiques et passage placentaire
Le zanamivir est administré sous forme d’inhalation et son absorption pulmonaire est estimée à 10% à 20% (20). Le passage placentaire du zanamivir n’a pas été quantifié durant la grossesse. Les études menées chez l’animal montrent un passage placentaire apparemment limité avec des concentrations fœtales significativement plus faibles que les concentrations maternelles (9).
Données animales
Les études effectuées chez deux espèces animales recevant le zanamivir par voie intraveineuse ou sous-cutanée n’ont pas montré d’effets tératogènes, et ce même à des doses entraînant des concentrations sériques supérieures à plus de 300 à 1000 fois les concentrations sériques obtenues avec les doses usuelles chez l’être humain (9).
Données chez l’humain
Les données publiées cumulent 56 femmes ayant reçu un traitement de zanamivir alors qu’elles étaient au premier trimestre de leur grossesse (12-14) : trois grossesses ont été interrompues (aucune malformation rapportée) et on n’a observé aucune malformation parmi les 53 nouveau-nés. Deux de ces études rapportent également un total de 170 femmes traitées après le premier trimestre, sans risque accru d’anomalies (13,14).
Les issues de 50 grossesses exposées (trimestre inconnu) au zanamivir compilées dans le registre du fabricant sont citées dans un article (21) : aucune malformation majeure rapportée parmi les 43 naissances vivantes.
La biodisponibilité du zanamivir est faible et l’exposition embryonnaire ou fœtale est probablement limitée. Si certains groupes d’experts ont privilégié l’utilisation de zanamivir dans le passé, l’oseltamivir est maintenant considéré comme l’antiviral à préconiser pour traiter l’influenza chez la femme enceinte pour des raisons d’efficacité (8,21).
Allaitement
Aucune donnée n’est disponible à ce jour sur le passage du zanamivir dans le lait maternel. Compte tenu de sa faible biodisponibilité pulmonaire et de certaines de ses caractéristiques pharmacocinétiques (absorption orale d’environ 2%, temps de demi-vie d’environ 2,6 à 5,1 h) (20), il est peu probable que la prise du médicament par une mère qui allaite mène à des concentrations importantes dans le lait maternel ou comporte un risque significatif pour le nourrisson (19).
Les antiviraux durant la grossesse et l’allaitement : les recommandations actuelles
La prise d’inhibiteurs de la neuraminidase (oseltamivir et zanamivir) dans les 48 heures suivant le début des symptômes permet de raccourcir d’environ une journée la durée des symptômes de la grippe chez les patients qui sont, autrement, en bonne santé (22). L’efficacité de ces traitements pour prévenir les complications graves de la grippe dans les groupes plus vulnérables est peu documentée, mais les données épidémiologiques issues de la pandémie de 2009 montrent une réduction de la morbidité et de la mortalité chez les femmes enceintes traitées par rapport aux femmes non traitées (5,7,8,22). Dans une cohorte américaine, on observe en outre que les femmes enceintes qui ont survécu à une influenza grave avaient été traitées avec un antiviral plus rapidement que les femmes qui sont décédées de l’influenza (5).
L’Association pour la microbiologie médicale et l'infectiologie Canada (AMMI Canada) publie des lignes directrices sur l’utilisation des antiviraux antigrippaux, la dernière version datant de l’automne 2013. Comme la grossesse y est reconnue comme un facteur de risque pour les complications de la grippe, tant saisonnière que pandémique, on recommande que les femmes enceintes qui sont infectées par l’influenza soient traitées avec l’oseltamivir (8). Les femmes demeurent à risque accru de complications de la grippe jusqu’à quatre semaines après l’accouchement (8). Les recommandations américaines sont similaires (22). En tout temps, le clinicien doit exercer son jugement clinique lorsqu’il décide d’administrer un traitement antiviral à une femme qui présente un tableau grippal. Rappelons également que la vaccination annuelle demeure le moyen le plus efficace de diminuer les complications grippales.
- Rédigé par Caroline Morin et Brigitte Martin, pharmaciennes, juin 2009
- Dernière révision par Caroline Morin, pharmacienne, novembre 2014
* À noter : une partie de cette capsule a été publiée dans la 2e édition du livre Grossesse et Allaitement : guide thérapeutique, sous la direction de Ema Ferreira, Brigitte Martin et Caroline Morin, publié aux Éditions du CHU Sainte-Justine, en avril 2013. Les données les plus récentes ont été intégrées à cette capsule.
Références
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Capsule d'information sur l'article « Should Doxylamine-Pyridoxine Be Used for Nausea and Vomiting of Pregnancy? »
16 avril 2014
Dans un article publié en avril 2014 dans le Journal of Obstetrics and Gynaecology Canada, un groupe de chercheurs ontarien remet en question l’utilisation de la combinaison doxylamine-pyridoxine (DiclectinMD) pour le traitement des nausées et vomissements durant la grossesse (1). Les médias ont traité de cet article, ce qui suscite plusieurs interrogations de la part des patientes et des professionnels de la santé (2-5).
Tout d’abord, il est important de mentionner que l’article de Persaud et al. n’est pas un article de recherche primaire, mais plutôt un commentaire scientifique se basant sur une relecture des données déjà existantes.
La première section de l’article questionne les données d’efficacité de la combinaison doxylamine-pyridoxine comparativement à la pyridoxine seule. Bien qu’il soit pertinent de remettre en question des pratiques courantes, il importe de rappeler que l’utilité de la combinaison doxylamine-pyridoxine repose sur une grande expérience clinique. La formulation entérique du DiclectinMD entraîne une libération retard, et une prise au coucher permet donc un effet sur les nausées et vomissements du matin. De plus, la prise en charge efficace des nausées et vomissements de la grossesse peut reposer sur la combinaison d’antiémétiques aux mécanismes d’action complémentaires (dans ce cas-ci un antihistaminique et la vitamine B6) (6). L’histoire nous parle aussi de l’efficacité du traitement, puisque le retrait de la combinaison doxylamine-pyridoxine-dicyclomine (BendectinMD) du marché américain en 1983 a mené à une augmentation de 37 % du taux d’hospitalisation pour les nausées et vomissements de la grossesse, selon une étude citée par les auteurs du commentaire (1).
La deuxième partie de l’article de Persaud et al. porte sur l’innocuité de la combinaison doxylamine-pyridoxine. Les auteurs rappellent que trois méta-analyses publiées dans les années 1980 et 1990 n’ont pas montré d’augmentation du risque d’anomalies congénitales chez les enfants des femmes traitées durant leur grossesse avec la combinaison doxylamine-pyridoxine. Ils mentionnent néanmoins que l’une de ces méta-analyses surestimait le nombre de femmes traitées, bien qu’une ré-analyse de ces données en arrive à des conclusions similaires en termes d’innocuité (7). Cette dernière ré-analyse était également effectuée par le même groupe de chercheurs que celui qui publie à présent ce commentaire.
Les craintes d’innocuité soulevées dans l’article de Persaud et al. de 2014 concernent plus spécifiquement la sténose du pylore et les cancers de l’enfance.
Sténose du pylore
Tel que mentionné dans l’article, les données sur l’association avec la sténose du pylore sont contradictoires. Si certaines études de cohortes et cas-témoins (incluant des sous-analyses) suggèrent un lien avec cette anomalie, les associations se basent souvent sur peu de cas, avec des intervalles de confiance larges. D’autres études de cohorte et de cas-témoins, de même qu’une méta-analyse d’étude de cohortes, ne trouvent pas de lien entre la combinaison doxylamine-pyridoxine et la sténose du pylore.
La sténose du pylore est rare dans la population générale (environ 2 à 3 cas pour 1000 naissances) (8). Si l’association entre la combinaison doxylamine-pyridoxine et la sténose du pylore était réelle, et qu’il était question d’un lien de causalité, en tenant compte de l’augmentation du risque proposée dans les études positives, le risque d’un enfant exposé in utero monterait à seulement 5 cas pour 1000 naissances. La période du développement in utero critique pour la sténose du pylore n’est pas bien connue, mais il est possible qu’elle corresponde à la fin de la grossesse. Les nausées et vomissements sont le plus souvent traités en début de grossesse, ce qui limite également le lien entre la combinaison doxylamine-pyridoxine et la sténose du pylore.
Cancers de l’enfance
L’inquiétude vis-à-vis des cancers infantiles repose sur seulement deux publications : la première, publiée en 1985, traite des cancers pédiatriques en général (incluant les tumeurs solides), tandis que la seconde, publiée en 1989, traite de la leucémie non lymphoblastique (9-10). Ces études ne trouvent pas d’association statistiquement significative avec la doxylamine-pyridoxine, sauf en analyse secondaire. Le caractère rétrospectif et la possibilité de biais de mémoire maternel limitent l’interprétation de ces résultats.
En somme
Persaud et al. font une critique des données existantes sur l’efficacité et l’innocuité de la combinaison doxylamine-pyridoxine, mais l’abrégé de leur article ne reflète pas pleinement les nuances et les limites des données disponibles. La combinaison doxylamine-pyridoxine demeure une option de première ligne pour le traitement des nausées et vomissements de la grossesse. Il est possible que certaines patientes répondent bien à la pyridoxine seule, et cette option peut également être considérée. Les risques de ne pas traiter les nausées et vomissements de la grossesse doivent être considérés dans la prise en charge de cette condition. Les nausées et vomissements non contrôlés peuvent entraîner de la déshydratation, des désordres électrolytiques, des déficits nutritionnels, une œsophagite, un faible gain de poids et un stress maternel (7).
L’ensemble des données sur l’utilisation de la combinaison doxylamine-pyrixodine portant sur plusieurs milliers de femmes traitées n’est pas indicatrice d’une augmentation du risque de malformations majeures par rapport au taux de base de 2 à 3 % pour la population générale. La Société des Obstétriciens et Gynécologues du Canada (SOGC) a également tenu à rassurer les femmes enceintes sur l’innocuité de la combinaison doxylamine-pyridoxine (11). À la lumière des données disponibles, la Food and Drug Administration a récemment approuvé le retour de la combinaison doxylamine-pyridoxine sur le marché américain (DiclegisMD) pour le traitement des nausées et vomissements de la grossesse (12).
- Rédaction : Josianne Malo, pharmacienne, centre IMAGe
- Relecture : Brigitte Martin, Caroline Morin, Geneviève Fortin, Ema Ferreira, pharmaciennes.
- 16 avril 2014
Références
- Persaud N, Chin J, Walker M. Should doxylamine-pyridoxine be used for nausea and vomiting of pregnancy? J Obstet Gynaecol Can 2014;36(4)343-8.
- Agence QMI. Un antinauséeux pour femmes enceintes pourrait causer des cancers infantiles, 2014. [En ligne. Consulté le 16 avril 2014.] http://www.journaldemontreal.com/2014/04/15/un-antinauseeux-pour-femmes-enceintes-pourrait-causer-des-cancers-infantiles
- Agence QMI. Cancers infantiles – Un antinauséeux pour femmes enceintes en cause? 2014. [En ligne. Consulté le 16 avril 2014.] http://tvanouvelles.ca/lcn/infos/national/archives/2014/04/20140415-104716.html
- The Canadian Press. Toronto researchers raise doubts about morning sickness drug Diclectin, 2014. [En ligne. Consulté le 16 avril 2014.] http://www.thestar.com/life/health_wellness/2014/04/15/toronto_researchers_raise_doubts_about_morning_sickness_drug_diclectin.html
- Leung M. Common morning-sickness drug doesn’t reduce birth defects, research finds, 2014. [En ligne. Consulté le 16 avril 2014.] http://www.ctvnews.ca/health/health-headlines/common-morning-sickness-drug-doesn-t-reduce-birth-defects-research-finds-1.1776294
- Ferreira E, Caron N. Nausées et vomissements. Dans Ferreira E, Martin B, Morin C., éditrices. Grossesse et allaitement – Guide thérapeutique, 2e édition. Montréal : Éditions du CHU Sainte-Justine, 2013.
- Chin JW, Gregor S, Persaud N. Re-analysis of Safety Data Supporting Doxylamine Use for Nausea and Vomiting of Pregnancy. Am J Perinatol. 2013 Dec 9. [Epub ahead of print]
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- Slaughter SR, Hearns-Stokes R, van der Vlugt T, Joffe HV. FDA approval of doxylamine-pyridoxine therapy for use in pregnancy. N Engl J Med 2014;370(12):1081-3.
2013
L'enzyme lactase durant la grossesse
19 juillet 2013
Introduction
L’intolérance au lactose concerne un nombre important de personnes. En effet, en Europe et aux États-Unis, on retrouve une prévalence de 7 à 20% d’intolérants au lactose chez les adultes caucasiens, alors que chez certaines populations de l’Asie, une prévalence excédant 90% est présente (1). Les suppléments de lactase (ou bêta-galactosidase), font partie des options de traitements possibles. La lactase est une enzyme présente au niveau de l’intestin et impliquée dans le métabolisme du lactose. Ces suppléments sont commercialisés sous diverses appellations (Lactaidmd, Lactomaxmd, Lacteezemd, etc.). Les suppléments de lactase sont considérés comme des produits de santé naturels au sens de la loi canadienne : rappelons qu’il est important de privilégier les produits homologués par Santé Canada et qui ont donc un numéro de produit naturel (NPN) figurant sur l’étiquette du produit.
Bienfaits attendus
Il est important que les femmes enceintes aient une alimentation équilibrée et variée tout au long de la grossesse, et les produits laitiers font partie intégrante de cette alimentation. En effet, durant la période de gestation, le calcium joue un rôle important dans la formation des os du bébé (2). Ainsi, le guide nutrition pendant et après la grossesse recommande un apport de 3 produits laitiers par jour pendant la grossesse (2). Rappelons que selon Santé Canada, les besoins quotidiens de la femme enceinte en calcium sont de 1000mg par jour (ou 1300mg pour les femmes de 18 ans et moins) (3). Il y a donc un bénéfice réel pour la femme enceinte et son bébé à utiliser les suppléments de lactase lorsque ceux-ci sont indiqués, afin d’avoir un apport optimal en produits laitiers.
Données d’innocuité
Il n’existe aucune donnée épidémiologique concernant l’innocuité de la lactase chez la femme enceinte.
Cependant, d’un point de vue pharmacocinétique, même si aucune étude n’a confirmé cette hypothèse, la lactase est une molécule de haut poids moléculaire et qui agit localement au niveau de l’intestin, ce qui limite très probablement son absorption vers la circulation sanguine.
De plus, cette enzyme se retrouve dans de nombreux tissus chez différentes espèces animales et est également présente de façon endogène chez l’humain (4). Cette enzyme a notamment été localisée au niveau du plasma et du placenta de femmes enceintes ne prenant pas de suppléments de lactase (4).
Par ailleurs, deux fabricants des suppléments lactase reconnaissent qu’ils peuvent être utilisés pendant la grossesse de façon sécuritaire (5, 6).
En résumé
Avec les suppléments lactase, il n’existe aucune donnée épidémiologique confirmant l’innocuité du produit. Rappelons qu’il existe un risque de base pour l’apparition des malformations majeures qui est de 2 à 3% dans la population générale. On ne s’attend pas à ce que la prise de lactase pendant la grossesse vienne modifier ce risque ou soit associée à d’autres effets néfastes pour le fœtus.
- Rédigé par Marine Neeman, Pharmacienne (Suisse), assistante de recherche, IMAGe
- Révisé par Brigitte Martin, Pharmacienne
- Juillet 2013
Références
- Montgomery RK, Grand RJ, Büller HA. Lactose intolerance. In: UpToDate, Basow, DS (Ed), UpToDate, Waltham, MA, 2013.
- Plan National Nutrition Santé. Le guide nutrition pendant et après la grossesse. 2007.
- Santé Canada. Lignes directrices sur la nutrition pendant la grossesse à l’intention des professionnels de la santé.Ottawa : Ministre de la santé du Canada ; 2009.
- Beta-glycosidase. Dans: REPROTOX® System (electronic version). Truven Health Analytics, Greenwood Village, Colorado, USA. Accessible à : http://www.micromedexsolutions.com (Page consultée le 2013-07-05).
- http://www.lactaid.ca/fr/ (Page consultée le 2013-07-05)
- http://lacteeze.com.au/howtouse.html (Page consultée le 2013-07-12)
Le traitement de l’anaphylaxie par l’épinéphrine chez la femme enceinte – Une perspective de soins communautaires
10 mai 2013
Cette capsule d’information résume les données sur le traitement de l’anaphylaxie par l’épinéphrine chez la femme enceinte dans un contexte communautaire. Pour des notions plus détaillées sur la prise en charge de l’anaphylaxie chez la femme enceinte en milieu hospitalier, le lecteur peut se référer à un article de revue détaillé sur le sujet (1).
Généralités sur l’anaphylaxie
La prévalence de l’anaphylaxie est de 0,05 à 2 % (2). La grossesse a été associée à la réaction anaphylactique, plus spécifiquement lors du travail et de l’accouchement en raison de l’injection de pénicilline en prophylaxie de l’infection néonatale au streptocoque de groupe B (1,2).
Les différents systèmes impliqués dans l’anaphylaxie ainsi que les principaux symptômes associés sont les mêmes durant la grossesse que dans la population générale. Notons toutefois que chez la femme enceinte, des contractions utérines, le déclenchement d’un travail préterme et la détresse fœtale s’ajoutent à la liste des conséquences possibles (1,2).
Bien que la mortalité soit rare (1 à 3 décès par million de personnes par année), elle demeure une complication possible et fait de l’anaphylaxie une situation d’urgence nécessitant une prise en charge rapide (2,3,4). Chez la femme enceinte, l’anaphylaxie peut avoir un impact défavorable sur le pronostic fœtal. En effet, des complications neurologiques sont possibles chez le nouveau-né puisque que le choc anaphylactique peut compromettre l’oxygénation fœtale suite à l’hypoxie et l’hypotension maternelles ainsi que la réduction du flot sanguin utérin (1,5).
Traitements recommandés
Épinéphrine
Tout comme dans la population générale, le traitement de choix du choc anaphylactique chez la femme enceinte est l’injection d’épinéphrine, aussi nommée adrénaline (1,2,3). La dose adulte habituellement recommandée est de 0,3 à 0,5 mg (0,3 à 0,5 mL de la solution à 1 mg/mL) par voie intramusculaire; la dose peut être répétée toutes les 5 à 15 minutes selon la persistance des symptômes et la tolérance (2,3).
Par effet agoniste des récepteurs alpha-adrénergiques, l’épinéphrine entraîne une vasoconstriction qui permet de contrecarrer l’hypotension et l’œdème (2). En stimulant les récepteurs bêta-adrénergiques, elle entraîne des effets inotrope et chronotrope positifs ainsi qu’une bronchodilatation (2).
Innocuité de l’épinéphrine durant la grossesse
Certaines études effectuées sur des rongeurs ont associé l’épinéphrine à des anomalies des membres, mais ces inquiétudes n’ont pas été validées par d’autres études de meilleure qualité. Des fentes palatines ont été décrites pour une souche particulière de souris, mais pas pour une autre (6).
Chez plusieurs espèces animales, l’exposition à l’épinéphrine durant la gestation a été liée à une hypertension maternelle, une diminution de la perfusion utéroplacentaire, une asphyxie fœtale et un retard de croissance intra-utérine (REPRORISK). Ces données doivent toutefois être pondérées par le fait qu’elles ont été obtenues en dehors du contexte de vasoplégie caractéristique du choc anaphylactique.
Une étude de surveillance ne rapporte aucune malformation majeure chez 35 enfants exposés à l’épinéphrine (voie non précisée) in utero durant le premier trimestre (7). Dans une autre étude rapportant 189 femmes traitées par l’épinéphrine (voie non précisée) au premier trimestre de la grossesse, une association à des anomalies congénitales a été rapportée, mais il est question d’anomalies mineures variables selon les différents centres participants. Pour tous les trimestres confondus, cette même étude mentionne 508 expositions sans augmentation du risque d’anomalies congénitales (8). Bien que ces données soient rassurantes, elles sont peu détaillées et ne permettent pas de tirer des conclusions quant à l’innocuité de l’épinéphrine durant la grossesse.
Il existe dans la littérature médicale 17 notifications de cas d’anaphylaxie durant la grossesse pour lesquels l’épinéphrine a été utilisée. Si les issues maternelles sont favorables dans tous les cas, il n’en est pas de même pour l’évolution néonatale : 8 issues normales, 3 anomalies neurologiques (1 hémorragie intracrânienne, 1 dommage neurologique et 1 encéphalopathie anoxique-ischémique), 1 naissance prématurée avec un poids de 640 g, 2 décès néonatals et 3 issues non spécifiées (4,5). Dans ces cas, il est évident que la condition sévère de la mère a pu contribuer à l’issue néonatale, mais il est difficile de savoir comment l’épinéphrine est impliquée dans l’évolution de chaque cas. Les données disponibles soulignent l’importance d’un suivi fœtal en cas de choc anaphylactique maternel.
Autres traitements
Certaines lignes directrices suggèrent que le choc anaphylactique durant la grossesse soit traité en première intention par l’éphédrine, puis rapidement par l’épinéphrine en cas d’échec (5). Cet avis repose essentiellement sur le fait que l’éphédrine possède un potentiel moindre de vasoconstriction, tant au niveau systémique qu’utérin (4,5). Au contraire, d’autres auteurs estiment que l’épinéphrine demeure l’agent de choix durant la grossesse, puisque la vasoconstriction et l’augmentation du débit cardiaque qu’elle cause peuvent améliorer la perfusion utéroplacentaire (4). Du point de vue extra-hospitalier, l’épinéphrine offre l’avantage indéniable d’être commercialisé sous forme d’auto-injecteur facile d’emploi.
D’autres traitement de seconde ligne font également partie de la prise en charge de l’anaphylaxie, notamment les antihistaminiques de type 1 (par ex. : diphenhydramine), les antihistaminiques de type 2 (par ex. : ranitidine), les corticostéroïdes (par ex. : prednisone) et, en cas de bronchospasme, les agonistes bêta-adrénergiques de type 2 (par ex. : salbutamol) (3).
En résumé
Une prise en charge pharmacologique rapide de la réaction anaphylactique durant la grossesse est indispensable au pronostic vital. Selon l’état actuel des connaissances, l’épinéphrine trouve sa place en première ligne pour le traitement du choc anaphylactique chez la femme enceinte. Comme dans la population générale, l’application des mesures préventives de l’anaphylaxie est d’une importance capitale durant la grossesse.
- Rédigé par Sarah Noble, interne en pharmacie (France), assistante de recherche, et Josianne Malo, pharmacienne,
- Révisé par Mélissa Perreault et Brigitte Martin, pharmaciennes,
- 10 mai 2013
Références
- Simons FE, Schatz M. Anaphylaxis during pregnancy. J Allergy Clin Immunol 2012;130(3):597- 606.
- Simons FE. Anaphylaxis. J Allergy Clin Immunol 2010;125(2 Suppl 2):S161-81.
- Ellis AK, Day JH. Diagnosis and management of anaphylaxis. CMAJ 2003;169(4):307-11.
- Chaudhuri K, Gonzales J, Jesurun CA, Ambat MT, Mandal-Chaudhuri S. Anaphylactic shock in pregnancy: a case study and review of the literature. Int J Obstet Anesth 2008;17(4):350-7.
- Sleth JC, Lafforgue E, Cherici O, Nagy P. [Anaphylaxis in terminal pregnancy: two case studies and review of the literature]. Ann Fr Anesth Reanim 2009;28(9):790-4.
- Epinéphrine. Dans : REPRORISK® System (version électronique). Truven Health Analytics, Greenwood Village, Colorado, USA. accessible à : http://www.micromedexsolutions.com/ (page consultée le 2012-06-08).
- Briggs GG, Freeman RK, Yaffe SJ. Drugs in pregnancy and lactation : A reference guide to fetal and neonatal risk. 9e édition. Baltimore : Lippincott Williams & Wilkins; 2011:497.
- Heinonen OP, Slone D, Shapiro S. Birth defects and drugs in pregnancy. Littleton : John Wright-PSG; 1977:345-56,439,477,492.
Les corticostéroïdes intranasaux en grossesse et allaitement
12 avril 2013
Les corticostéroïdes intranasaux constituent la classe thérapeutique la plus efficace pour contrôler les symptômes de la rhinite allergique et ils sont généralement bien tolérés. Par conséquent, ils sont largement utilisés dans la population générale. Mais est-ce que les corticostéroïdes intranasaux peuvent être utilisés chez la femme enceinte ou qui allaite? Afin de répondre à cette question, vous trouverez ci-dessous un extrait de la seconde édition du livre « Grossesse et Allaitement : guide thérapeutique » (1), projet du Centre IMAGe, qui a été rédigé par des cliniciens expérimentés, pharmaciens et médecins. L'extrait qui suit est tiré du chapitre qui traite de la rhinite allergique :
« Il existe peu de données sur l’utilisation des corticostéroïdes intranasaux durant la grossesse dans la littérature médicale. La béclométhasone et le budésonide ont été largement utilisés en inhalation orale chez les femmes enceintes asthmatiques, sans être associés à des effets néfastes sur le fœtus. Puisque les doses de corticostéroïdes intranasaux sont plus faibles que celles utilisées en inhalation orale, on estime que les corticostéroïdes intranasaux comportent eux aussi peu de risques durant la grossesse.
Dans une récente étude de surveillance de type cas-témoins, les corticostéroïdes intranasaux n’ont pas été associés à un risque accru de fentes orales (2). Cette étude est rassurante dans le contexte où les corticostéroïdes systémiques ont été associés à ce type d’anomalies lorsqu’ils sont utilisés au premier trimestre de la grossesse. Il est aussi rassurant d’observer que l’utilisation des corticostéroïdes intranasaux, aux doses recommandées, n’est pas associée à des effets systémiques cliniquement significatifs (3-5). L’exposition de l’embryon et du fœtus à ces agents est donc probablement très faible.
Les corticostéroïdes topiques ou inhalés les mieux documentés chez la femme enceinte sont la béclométhasone et le budésonide, tandis que le ciclésonide, la fluticasone et la mométasone bénéficient d’une biodisponibilité intranasale négligeable. Ces 5 agents sont donc les options de premier recours dans cette classe. Il serait toutefois logique de poursuivre un autre corticostéroïde qui soulageait bien la patiente avant sa grossesse même si son innocuité est moins bien attestée. Malgré le peu de données pour plusieurs agents spécifiques, ces vaporisateurs nasaux peuvent être utilisés à tous les trimestres de la grossesse.
Compte tenu de leur faible biodisponibilité par voie intranasale, il est peu probable que les corticostéroïdes intranasaux se retrouvent dans le lait maternel en quantité cliniquement significative (6-7). Ils peuvent être utilisés aux doses usuelles par la femme qui allaite.»
- Rédigé et adapté par Josianne Malo, pharmacienne
- Avril 2013
Références
- Malo J. Rhinite allergique. Dans : Ferreira E, Martin B, Morin C. Grossesse et allaitement : guide thérapeutique. 2e éd. Montréal : Éditions du CHU Sainte-Justine, 2013 :595-612.
- Hviid A, Molgaard-Nielsen D. Corticosteroid use during pregnancy and risk of orofacial clefts. CMAJ 2011;183:796-804.
- Bousquet J, Khaltaev N, Cruz AA, et al. Allergic Rhinitis and its Impact on Asthma (ARIA) 2008 update. Allergy 2008;63 Suppl 86:8-160.
- Scadding GK, Durham SR, Mirakian R, et al. BSACI guidelines for the management of allergic and non-allergic rhinitis. Clin Exp Allergy 2008;38:19-42.
- Wallace DV, Dykewicz MS, Bernstein DI, et al. The diagnosis and management of rhinitis: an updated practice parameter. J Allergy Clin Immunol 2008;122:S1-84.
- Anderson P, Sauberan J. LactMed : Drugs and Lactation Database. US National Library of Medicine http://toxnet.nlm.nih.gov/cgi-bin/sis/htmlgen?LACT [Consulté le 23 avril 2012].
- Hale TW. Medications and Mothers' Milk. 14e éd. Amarillo: Hale Publishing, 2010.
2012
Les produits de vente libre utilisés pour le blanchiment des dents et la grossesse
9 novembre 2012
Les produits de vente libre utilisés pour le blanchiment des dents sont constitués de peroxyde d’hydrogène ou de dérivés de peroxyde d’hydrogène, comme le peroxyde de carbamide ou le peroxyde d’urée (par ex. : Pro Synergix®, Crest Whitestrips® et autres). Ces produits sont vendus sous la forme de bandes autocollantes à appliquer sur les dents pendant 30 minutes une ou deux fois par jour, de gouttières dentaires à laisser en place pendant la nuit ou encore de gel à appliquer sur les dents avec un pinceau (1).
Les produits utilisés pour le blanchiment pratiqué à domicile sont moins concentrés en ingrédient actif que les produits utilisés en cabinet dentaire et leur durée d’utilisation ne doit pas excéder 14 jours en raison de l’absence de supervision par un dentiste. En regard de la loi, à l’exception des produits contenant aussi du fluorure, ces produits sont considérés comme des produits cosmétiques au Canada et doivent répondre à la législation correspondante (1).
Pharmacologie et pharmacocinétique
En solution aqueuse, le peroxyde de carbamide se scinde en urée et en peroxyde d’hydrogène (ayant le pouvoir blanchissant). Ce dernier agit sur la surface de la dent et sur la surface du dessous, la dentine (1,2).
Le peroxyde d’hydrogène (H2O2) se métabolise en eau (H20) et en oxygène (O2) sous l’action de deux systèmes enzymatiques, la catalase et les peroxydases. Chez l’humain, l’activité de la catalase est élevée dans les cellules du sang, des muqueuses et des autres tissus vascularisés, et l’activité des peroxydases est également élevée dans la salive (2). Ainsi, ces réactions constituent des barrières à la pénétration du peroxyde d’hydrogène dans la circulation systémique.
Les données sur la biodisponibilité du peroxyde d’hydrogène après une utilisation pour le blanchiment des dents sont difficiles à synthétiser car l’exposition varie en fonction du produit utilisé et de la concentration du produit (2). Une étude évaluant la clairance du peroxyde d’hydrogène dans la cavité orale après une minute de brossage avec un dentifrice contenant 3 % de peroxyde d’hydrogène a montré que 70 % du produit se décompose durant la première minute de brossage (2). D’autres études ont conclu que la majorité de ce produit était converti en oxygène en moins de 5 minutes (2). Ainsi, l’absorption par la muqueuse buccale du peroxyde d’hydrogène lui-même est probablement faible étant donné le métabolisme très rapide du produit. De plus, on évalue qu’une quantité très faible de peroxyde d’hydrogène peut être ingérée par voie orale.
Ainsi, on estime que l’utilisateur d’un produit blanchissant est exposé à 100 fois moins de peroxyde d’hydrogène que les doses qui pourraient entraîner des effets indésirables (2).
L’urée est un composant naturel de l’organisme provenant du cycle de l’urée et formé à partir de l’ammoniac issu de la dégradation de certains acides aminés. À moins d’une insuffisance rénale ou d’une intoxication avec des doses massives, on ne s’attend pas à ce que la quantité provenant du peroxyde de carbamide ou du peroxyde d’urée ait une influence sur les taux d’urée naturellement retrouvés dans l’organisme (3).
Effets indésirables
Les effets indésirables les plus couramment rapportés avec l’utilisation de ces produits sont une irritation de la bouche et une sensibilité des dents augmentée aux écarts de températures (2,4).
L’utilisation du peroxyde d’hydrogène peut augmenter le relargage de mercure provenant des amalgames dentaires. Les données actuelles suggèrent néanmoins que les produits de blanchiment des dents disponibles en vente libre ne sont pas suffisamment concentrés pour que la libération de mercure provenant d’amalgames dentaires dépasse les seuils reconnus de nocivité proposés par l’Organisation Mondiale de la Santé (5,6).
Données animales
Les données animales ne montrent pas d’effets embryotoxiques ou tératogènes chez le rat et chez la souris lors de tests utilisant des colorants capillaires contenant du peroxyde d’hydrogène (3).
Dans une étude chez le rat utilisant des solutions de peroxyde d’hydrogène concentrées entre 0,02 à 10 % administrées par voie orale dans la diète des animaux pendant une semaine, des effets fœtotoxiques ont été observés aux doses les plus élevées (diminution du poids fœtal et pertes fœtales), sans effets tératogènes morphologiques (2). La méthodologie de cette étude a été critiquée, et ses conclusions sont difficiles à transposer pour une utilisation chez l’humain (2).
Des études chez plusieurs espèces animales avec l’urée n’ont pas mis en évidence d’augmentation du risque tératogène, sauf à des doses très élevées (3).
Données chez l’humain
Aucune donnée concernant l’innocuité des produits blanchissants en vente libre durant la grossesse n’a été retracée dans la documentation scientifique.
En résumé
Le métabolisme rapide du peroxyde d’hydrogène en eau et en oxygène laisse présager que l’exposition systémique à ce produit après l’application d’un produit blanchissant sera négligeable. Ainsi, même si les données épidémiologiques ne permettent pas de confirmer ces suppositions, les données pharmacocinétiques suggèrent qu’il est peu probable que l’utilisation des agents de blanchiment des dents disponibles en vente libre puisse constituer un risque supplémentaire pour la grossesse lorsqu’ils sont utilisés conformément aux recommandations des fabricants. Néanmoins, par mesure de prudence, et étant donné l’utilité essentiellement cosmétique de ces produits, les femmes enceintes devraient retarder leur traitement après la grossesse (7).
Rappelons que l’hygiène dentaire est importante durant la grossesse : des documents d’information à ce sujet sont accessibles, entre autres, sur le site Internet de Santé Canada (8).
- Rédigé par Sarah Noble, interne pharmacie (France), assistante de recherche, centre IMAGe
- Révisé par Brigitte Martin, pharmacienne, M.Sc., centre IMAGe et Marie-Eve Asselin, dentiste, DMD, MSc, F.R.C.D(c), chef du département de médecine dentaire, CHU Sainte-Justine
- Octobre 2012
Références
- Santé Canda. L’utilisation sans danger des trousses de blanchiment des dents à domicile, 2009. [En ligne. Page consultée le 15 août 2012] http://www.hc-sc.gc.ca/hl-vs/iyh-vsv/life-vie/teeth-dents-fra.php
- European Commission. Scientific Committee on Consumer Products. Opinion on Hydrogen Peroxide in Tooth Whitening Products, 2007. [En ligne. Page consultée le 15 août 2012] http://ec.europa.eu/health/ph_risk/committees/04_sccp/docs/sccp_o_122.pdf
- REPRORISK® System (version électronique). Truven Health Analytics, Greenwood Village, Colorado, USA. Accessible à : http://www.micromedexsolutions.com/ [Page consultée le 15 août 2012]
- American Dental Association. Statement on the Safety and Effectiveness of Tooth Whitening Products, 2008. [En ligne. Page consultée le 15 août 2012] http://www.ada.org/1902.aspx
- Al-Salehi SK, Hatton PV, McLeod CW, Cox AG. The effect of hydrogen peroxide concentration on metal ion release from dental amalgam. J Dent 2007;35(2):172-6.
- World Health Organization, Exposure to Mercury : a Major Public Health Concern, 2007. [En ligne. Page consultée le 15 août 2012] http://www.who.int/phe/news/Mercury-flyer.pdf
- Association Dentaire Canadienne. Position de l’ADC sur le blanchiment des dents. 2007. [En ligne. Page consultée le 15 août 2012] http://www.cda-adc.ca/_files/position_statements/f_bleaching_whitening.pdf
- Agence de la santé publique du Canada. Le guide pratique d’une grossesse en santé. La santé buccodentaire, 2011. [En ligne. Page consultée le 15 août 2012] http://www.phac-aspc.gc.ca/hp-gs/guide/06_oh-sb-fra.php
L'alcool benzylique dans les fioles multidoses d'héparine et grossesse
15 février 2012
La présence d’alcool benzylique comme agent de conservation dans les fioles multidoses d’héparine non fractionnée (HNF) et d’héparines de faible poids moléculaire (HFPM) soulève la question de son innocuité en grossesse. Afin d’y répondre, vous trouverez ci-dessous un extrait du livre « Grossesse et Allaitement : guide thérapeutique » (1), projet du centre IMAGe, qui a été rédigé par des cliniciens expérimentés, pharmaciens et médecins. L'extrait qui suit est tiré du chapitre qui traite de l’anticoagulation:
« Les fioles multidoses d’HNF et d’HFPM contiennent toutes de l’alcool benzylique comme agent de conservation à des concentrations variant de 10 à 15 mg/mL et peuvent être utilisées chez la femme enceinte. Dans les années 80, seize cas de décès attribuables à l’exposition à cet agent chez des prématurés de moins de 2500 g ont été rapportés. Les prématurés ont été exposés par l’utilisation d’eau bactériostatique contenant 9 mg/mL d’alcool benzylique comme agent de rinçage de cathéters intravasculaires. La dose à laquelle ces enfants ont été exposés dépassait souvent 100 mg/kg/jour (2). À titre comparatif, une femme de 70 kg traitée avec de la daltéparine à raison de 200 UI/kg par jour prélevée à partir de la fiole multidose de 25,000 UI/mL contenant 14 mg/mL d’alcool benzylique serait exposée à une quantité de 7,84 mg/jour. Cette quantité est donc négligeable lorsqu’elle est comparée à celle ayant provoqué des mortalités. De plus, l’alcool benzylique est métabolisé par la mère et ne peut pas s’accumuler chez le fœtus. »
- Adapté par Sarah Noble, interne pharmacie (France), assistante de recherche, IMAGe
- Février 2012
Références
- Ferreira E., Rey E. Anticoagulation. Dans: Ferreira E. Grossesse et allaitement : guide thérapeutique. Montréal : Éditions du CHU Sainte-Justine, 2007 : 599-622.
- American Academy of Pediatrics. "Inactive" ingredients in pharmaceutical products: update (subject review). American Academy of Pediatrics Committee on Drugs. Pediatrics 1997; 99(2):268-78.
2010
Les produits de santé naturels peuvent-ils être utilisés sans risque durant la grossesse
30 décembre 2010
Les produits de santé naturels (PSN) comprennent : les vitamines et minéraux, les plantes médicinales, les remèdes homéopathiques, les remèdes traditionnels, les probiotiques et d’autres produits tels les acides aminés et les acides gras essentiels (1). Dans cette capsule, nous discuterons surtout des plantes médicinales.
L’utilisation des PSN durant la grossesse n’est pas rare. Une étude réalisée auprès de 8505 Québécoises, sélectionnées à partir du Registre de Grossesse du Québec, a révélé une prévalence d’utilisation de PSN de 15,4 et 13,8% respectivement avant et après la grossesse et de 9% durant la grossesse (2). Les plus consommés durant cette période étaient la camomille, le lin et la menthe poivrée.
La grande camomille était traditionnellement réputée pour son effet abortif et emménagogue. Des études effectuées sur des tissus animaux rapportent des propriétés utérotoniques mais aucune étude humaine n’a pu confirmer ou réfuter cet énoncé (3). On ignore également si ses effets antiplaquettaires peuvent avoir un impact sur la grossesse (3). Son utilisation en tisane n’est pas documentée pour cette population. Le recours aux graines de lin dans l’alimentation semble toutefois rassurant (4). Elles sont même recommandées par certains experts car elles constituent une source d’omega-3. Cependant, une inquiétude subsiste car ce PSN se compose de phytœstrogènes et on ignore si ces propriétés ont un impact clinique. Moussally et coll. associaient récemment l’utilisation du lin (source et formulation non mentionnées) à une augmentation du risque de prématurité mais cet effet ne semble pas avoir été corroboré par d’autres études (5). Aucune documentation scientifique ne semble évaluer l’innocuité de la menthe poivrée en grossesse, bien quelle soit utilisée traditionnellement pour le contrôle des nausées (6).
Parmi les effets indésirables graves documentés lors de l’administration de PSN, citons le recours à l’actée à grappes bleues. Cette plante est utilisée chez les Amérindiens et par 64% des sages-femmes aux États-Unis. Elle était autrefois inscrite dans la pharmacopée américaine comme agent inducteur de travail. Trois notifications de cas font cependant état d’effets indésirables néonataux reliés à son utilisation lors de l’accouchement (accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde avec insuffisance cardiaque congestive profonde et lésions hypoxiques multisystémiques sévères). Malgré le manque de données, son action vasoconstrictrice pourrait être la cause de ces effets (7). Des cas de substitutions où le produit vendu ne contenait pas l’ingrédient annoncé ont également été rapportés. Ces substitutions sont réalisées pour des raisons de coûts. Parmi ceux-ci, le cas du « bébé poilu » né avec un développement sexuel précoce et un système pileux anormal (androgénisation néonatale). La mère prenait ce qu’elle croyait être du gingseng sibérien (Eleutherococcus senticosus) tout au long de sa grossesse et pendant l’allaitement. Cependant, lorsque le produit a été analysé, il contenait plutôt un substitut courant, le periploca chinois (periploca sepium) sans aucune trace de ginseng (8,9).
La présence de contaminants tels que des métaux lourds (ex. plomb, mercure), des biphényles polychlorés et des dioxines, qui ont des effets potentiels néfastes sur le développement neurologique des mères et des enfants constituent également une source d’inquiétude dans la population de femmes enceintes et demeure peu documentée (3).
Les données concernant certains PSN sont toutefois rassurantes. Citons, par exemple, le gingembre dont l’efficacité (par rapport au placebo et à la vitamine B6) et l’innocuité semblent rassurantes chez la femme enceinte lorsque les patientes ne répondent pas aux traitements pharmacologiques de premier recours. Ainsi, on rapporte une diminution des nausées et vomissements légers à sévères selon 6 études randomisées à double insu menées chez 675 femmes enceintes de moins de 20 semaines de gestation (10). Sept études observant 440 utilisatrices de gingembre au cours des 20 premières semaines de grossesse n’indiquent pas d’augmentation du risque de malformations majeures ni d’avortements spontanés (11).
Lorsque l’utilisation d’un produit naturel est envisagée, il recommandé de choisir un produit portant un NPN («numéro de produit naturel») ou DIN-HM («numéro de remède homéopathique») dans le cas de remèdes homéopathiques (12). Le Règlement sur les produits de santé naturel est entré en vigueur en 2004 et est constitué de 53 recommandations (13). Un produit portant un NPN ou un DIN-HM sur l’étiquette signifie que son innocuité, efficacité et qualité ont été vérifiées et approuvées par Santé Canada. Mentionnons toutefois que ces recommandations n’incluent pas d’inspectorat effectué dans le milieu de fabrication. Une base de données des PSN homologués peut être consultée sur le site internet de Santé Canada (14).
En résumé
Lors de l’évaluation d’un PSN pour une femme enceinte, le professionnel de la santé doit adopter la même approche que celle utilisée pour tout médicament, soit vérifier si des données supportent son efficacité, si des risques sont présents pour la santé de la femme ou pour celle de son fœtus et si ce produit a été homologué par Santé Canada. À ce jour, certains effets indésirables liés aux PSN ont été rapportés, d’autres demeurent des craintes théoriques et bon nombre de PSN sont encore peu ou pas documentés en grossesse.
- Rédigé par Christina Nguyen, résidente à la maîtrise en pharmacie et Marie Sophie Brochet, pharmacienne.
- Décembre 2010
Référence
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- Santé Canada. Médicaments et produits de santé - Base de données des produits de santé naturels homologués. [En ligne, consulté le 19 novembre 2010] http://webprod.hc-sc.gc.ca/lnhpd-bdpsnh/index-fra.jsp
Le "binge drinking" en grossesse
23 mars 2010
Le binge drinking, appelé aussi intoxication alcoolique aiguë, hyperalcoolisation ou alcoolisation paroxystique intermittente, est généralement défini par la consommation de cinq verres d’alcool ou plus en une seule occasion.
Santé Canada résume une enquête sur la consommation d’alcool chez les femmes enceintes dans les collectivités canadiennes en 2000-2001: 9,9% des femmes enceintes, au moment de l’enquête, déclarent avoir consommé cinq consommations ou plus en une seule occasion une fois par mois ou plus et 2,1% une fois par semaine (1). Il est important de mentionner que la majorité des questions portaient sur les 12 mois précédents, et par conséquent, les réponses des femmes enceintes peuvent refléter une consommation d’alcool avant leur grossesse. Néanmoins, les dernières données publiées sur la prévalence de la consommation d’alcool chez la femme enceinte se retrouvent dans le rapport sur la santé de la mère et de l’enfant au Canada (2005) qui signale que 14% des femmes canadiennes consomment de l’alcool (n’importe quelle quantité) pendant leur grossesse (1).
Données animales
Le retentissement d’une exposition prénatale à l’alcool peut varier considérablement en fonction de différents facteurs. Les modèles animaux suggèrent que le pic plasmatique d’alcool détermine le niveau des dommages. Le pic plasmatique varie en fonction de la quantité d’alcool absorbée par unité de temps, d’où l’inquiétude théorique liée au binge drinking. Il dépend également des modalités de consommation (à jeun, au repas) et d’une grande variabilité individuelle à l’effet tératogène de l’alcool (état de santé, usage d’autres substances psychotropes, capacité à métaboliser l’alcool, bagage génétique du fœtus) (2,3).
Études épidémiologiques chez l’humain
L’exposition à un épisode de binge drinking durant la grossesse peut être préoccupante dans le développement du système nerveux central du fœtus, organe le plus vulnérable aux effets de l’alcool. Cela n’exclut pas que d’autres organes soient aussi vulnérables à l’exposition d’une consommation excessive d’alcool.
La majorité des études se sont intéressées aux trois principales caractéristiques du syndrome d’alcoolisation fœtale :
1)Les malformations majeures structurelles ou anatomiques
Jusqu’à présent, les quelques études menées à ce sujet ne démontrent pas d’augmentation significative du risque de malformations majeures après une exposition au binge drinking durant la grossesse. Néanmoins, leur interprétation est toujours limitée par de nombreux facteurs confondants : dose, période d’exposition variable ou imprécise, fréquence des épisodes, non-contrôle de facteurs de confusion comme la consommation de drogues et de tabac, biais d’information et faible puissance statistique. Un risque accru de malformations spécifiques à certains organes ne peut être écarté lors d’excès périodiques d’alcool pendant leur période de formation, mais il manque actuellement des données pour estimer les risques réels (2, 4-7).
2)Le retard de croissance pré et postnatal
Sept études se sont intéressées au lien entre le binge drinking et la croissance fœtale, trois ont montré une diminution statistiquement significative, mais faible et sans portée clinique réelle, du poids à la naissance après des épisodes d’alcoolisation paroxystique pendant la grossesse (5,8,9). Encore une fois, l’interprétation des études reste difficile étant donné de nombreux facteurs confondants comme la consommation de tabac et l’exposition régulière à l’alcool (2,4, 8-12).
3)Les dysfonctionnements du système nerveux central
Quelques études ont observé une corrélation entre la consommation ponctuelle de cinq verres d’alcool ou plus pendant la grossesse et des problèmes liés à l’apprentissage, aux performances scolaires, et à des déficits de l’attention et de mémoire chez l’enfant (13-16), alors que d’autres n’ont pas trouvé de répercussions significatives sur de développement des enfants (17, 20). Par exemple, un degré plus important de comportement désinhibé a été montré chez les enfants exposés in uteroà un ou plusieurs épisodes de binge drinking dans une étude ne décelant par ailleurs aucune conséquence sur les scores de développement jusqu’à l’âge de sept ans (10). D’après une étude de cohorte constituée entre 1975-1977, il existe également une prévalence plus élevée de maladies psychiatriques chez les jeunes de 25 ans exposés in utero à un ou plusieurs épisodes de binge drinking (18). Une autre étude rapporte une réduction significative du quotient intellectuel verbal et une augmentation des comportements délinquants chez les enfants dont les mères ont eu des consommations excessives périodiques d’alcool durant toute la grossesse (19). Une étude récente suggère un lien entre le délai d’acquisition du langage et une exposition à l’alcool en fin de grossesse (20).
Finalement, les conclusions des études sur les effets à long terme de la consommation périodique excessive d’alcool ne s’accordent pas sur la description d’une période gestationnelle plus à risque pour la survenue d’effets néfastes pour l’enfant à naître (2,3, 13,20,21).
En résumé
Les études publiées jusqu’à présent montrent que la consommation excessive périodique d’alcool peut avoir un impact sur le poids à la naissance des enfants exposés in utero, ainsi que des séquelles neuropsychologiques. De nombreux facteurs confondants limitent l’interprétation des études et il est nécessaire de poursuivre les recherches sur les effets du binge drinking avant de statuer sur les risques réels. À ce jour, les données ne supportent pas une augmentation significative du risque de malformations majeures par rapport au risque de base dans la population générale (2 à 3%).
Pour le moment, si les données ne suggèrent pas de répercussions majeures sur la santé du futur enfant, notamment si les épisodes ont été ponctuels avant que la patiente ne se sache enceinte et que toute consommation a été cessée depuis, tous les experts s’entendent cependant pour éviter complètement les comportements susceptibles de produire des niveaux élevés d’alcoolémie, même occasionnellement (22).
- Rédigé par Maud Blin Mathieu, D.Pharm (France), assistante de recherche, IMAGe
- Révisé par Dorothée Briet-Brisseau, D.Pharm (France), assistante de recherche, IMAGe
- et Brigitte Martin, pharmacienne, M.Sc., IMAGe
- Mars 2010
Références
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Le clomiphène en allaitement
28 janvier 2010
Le clomiphène, commercialisé sous le nom de Clomid® ou Serophene® est indiqué pour l’induction ou la stimulation de l'ovulation.
Données pharmacocinétiques
Il n’existe pas de données sur le passage du clomiphène dans le lait maternel. Les concentrations plasmatiques ne sont pas répertoriées et ne nous permettent pas d’évaluer une exposition possible pour le nourrisson. Notons que le temps de demi-vie d’élimination de cinq jours pourrait suggérer une accumulation possible chez le nourrisson si le traitement se prolonge ou est répété (1-3).
Données épidémiologiques chez l’humain
À ce jour, il n’y a pas de données épidémiologiques sur l’utilisation du clomiphène dans l’induction de l’ovulation chez la femme qui allaite. Les inquiétudes concerneraient son influence sur la lactation.
Par son action sur la prolactine, le clomiphène est susceptible d’affecter la production de lait. Bien que le clomiphène ne soit plus utilisé pour cette indication, des études comparatives ont été réalisées chez 200 femmes environ afin d’évaluer son effet sur la suppression de la lactation en post-partum immédiat et le soulagement des douleurs liées aux engorgements. Les résultats ont montré l’efficacité du clomiphène aussi bien sur l’inhibition de la lactation que sur l’atténuation des douleurs par rapport au placebo. L’effet sur la production de lait chez des femmes dont l’allaitement est établi depuis plusieurs mois n’est pas connu mais est probablement minime (2,4).
En résumé
Aucune donnée n’est disponible à ce jour sur le passage du clomiphène dans le lait maternel. Certains facteurs comme l’âge de l’enfant allaité, la façon dont se passe l’allaitement (production de lait satisfaisante ou pas, fréquence des tétées) ainsi que ses bienfaits doivent être considérés avant d’entreprendre un traitement au clomiphène. De plus, il semble important de rappeler que l’allaitement joue un rôle notable sur l’inhibition de l’ovulation et peut être un facteur défavorable dans le cadre d’une planification de grossesse.
- Rédigé par Dorothée Briet-Brisseau , D.Pharm (France), assistante de recherche, IMAGe
- Brigitte Martin, pharmacienne
- Caroline Morin, Pharmacienne
- Janvier 2010
Référence
- Briggs GG, Freeman RK, Yaffe SJ. Drugs in pregnancy and lactation. A reference guide to fetal and neonatal risk. 8th ed. Philadelphia, PA: Lippincott William & Wilkins 2008: 388
- Hale TW. Medication and mother’s milk. 13th ed. Amarillo: Hale publishing, 2008: 222
- De Schuiteneer B, De Coninck B. Médicaments et allaitement. 2ème ed. Bruxelles : Arnette Blackwell, 1996: 324
- Anderson P, Sauberan J. Drug and lactation database (Lactmed) 15/08/08 (cited 21/01/10) from http://toxnet.nlm.nih.gov/newtoxnet/lactmed.htm
Le sulfate de sélénium en grossesse
21 janvier 2010
Le sulfate de sélénium (Selsun Bluemd, Verselmd et autres produits) est un agent anti-infectieux ayant une activité antibactérienne et une faible activité antifongique. La lotion à 1% s’utilise pour contrôler les pellicules du cuir chevelu alors que celle à 2,5% est aussi indiquée pour la dermatite séborrhéique du cuir chevelu et au niveau cutané pour le Tinea versicolor (pityriasis versicolor) (1).
Données pharmacocinétiques
Il semble qu’il n’y ait pas d’absorption percutanée de sélénium (lotion 1% sur cuir chevelu) lorsqu’il est appliqué sur une peau saine. Cependant, l’absorption percutanée est possible lorsque le produit est appliqué sur une peau endommagée. On a rapporté un cas de toxicité systémique significative chez une femme ayant utilisé pour une période prolongée une lotion de sélénium sur une lésion ouverte du cuir chevelu (1).
Données animales
Les études animales ont donné des résultats variables. Des doses chroniques élevées de sélénium dans des études chez les rats et les souris ont été associées avec des malformations ainsi que chez des moutons et des chevaux ayant une alimentation excessive en sélénium. D’autres études avec le sélénite de sodium chez les souris, rats, lapins, hamsters, cochons et chats et avec la sélénométhionine (forme de sélénium retrouvé dans l’alimentation des humains) chez les primates se sont toutefois révélées négatives. Les études avec le sélénium métallique chez les cochons et les vaches se sont aussi révélées négatives bien que, chez ces dernières, on ait constaté une augmentation de la mortalité fœtale (2,3).
Bien que les sels de sélénium traversent le placenta selon des études animales et humaines, des données provenant de diverses espèces animales, dont des primates, indiquent qu’en présence de concentrations sériques maternelles élevées de sélénium, le placenta protège le fœtus de la toxicité au sélénium (2).
Données épidémiologiques chez l’humain
Des études humaines portant spécifiquement sur le potentiel tératogène du sélénium ne semblent pas avoir été publiées. Toutefois, des études épidémiologiques conduites dans les années 1970 n’ont pas réussi à établir de lien entre les taux de sélénium dans l’environnement, le placenta ou les foies fœtaux et la survenue de diverses issues anormales de grossesse. Il y a un cas rapporté d’une femme enceinte de six semaines et demi ayant eu une intoxication accidentelle sévère à 160 mg de sélénite de sodium. Elle a accouché à terme d’un enfant apparemment normal lors de son évaluation à trois mois de vie. De plus, le sélénium est un oligo-élément présent normalement dans le sang et les tissus d’une femme enceinte (2).
En résumé
En résumé, les études épidémiologiques négatives chez l’humain et les études animales démontrant l’effet protecteur du placenta contre la toxicité du sélénium pour le fœtus sont rassurantes. Ceci, combiné à une utilisation hebdomadaire ou pour une période limitée, sur une surface cutanée restreinte et relativement intacte, avec un temps de contact adéquat (rinçage après quelques minutes) ne semble pas présenter de risque significatif pour le fœtus (1). À noter, d’autres traitements pour le tinea versicolor comme le clotrimazole en crème sont privilégiés en première intention car leur innocuité est mieux attestée (4, 5).
- Rédigé par Geneviève Fortin, pharmacienne
- Révisé par Brigitte Martin et Sonia Boulanger, pharmaciennes
- Novembre 2003
Références
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- Sélénium. Dans : REPRORISK® System (version électronique). Truven Health Analytics, Greenwood Village, Colorado, USA. Accessible à : http://www.micromedexsolutions.com/
- Schardein JL. Chemically induced birth defects. 2nd ed. Marcel Dekker New-York 1993, 440
- Fitzpatrick TB, Johnson RA, Wolff K, Suurmond D. Color Atlas ans Synopsis of clinical dermatology. 4th ed. USA: edition Mc Graw-Hill Medical publishing division, 2001:722
- Schaefer P. Drugs during pregnancy and lactation. 1st edition. Netherlands: Schaefer editor, 2001
La vaccination contre la grippe A (H1N1) chez la femme enceinte ou qui allaite - une mise à jour
14 janvier 2010
Les femmes enceintes représentent un groupe de la population à risque de complications graves de la grippe AH1N1 (hospitalisation, pneumonie, accouchement prématuré, etc.) (1-4). Les femmes enceintes constituent un groupe prioritaire pour la vaccination selon la liste établie par le gouvernement du Canada (1). Les professionnels de la santé doivent donc encourager les femmes enceintes à se faire vacciner (1,2,4).
La campagne de vaccination contre la grippe A H1N1 a débuté au mois de novembre au Québec. Au départ, seul le vaccin inactivé adjuvanté était disponible. Par la suite, deux types de vaccins ont été mis à la disposition de la population : l’un avec adjuvant et l’autre sans adjuvant. La plupart des Canadiens ont reçu le vaccin adjuvanté (1). L’adjuvant de type squalène, une substance organique naturelle, permet d’augmenter la réponse immunitaire du sujet vacciné et d’obtenir une meilleure protection avec une quantité moindre d’antigène (5). Cette méthode permet donc de produire une plus grande quantité de vaccins à moindre coût (5,6).
Étant donné le manque de données par rapport à l’utilisation de ce type particulier d’adjuvant durant la grossesse, le vaccin sans adjuvant a été proposé comme l’option à privilégier chez les femmes enceintes (7). En effet, les procédés de fabrication du vaccin sans adjuvant sont les mêmes que pour le vaccin contre l’influenza saisonnier pour lequel l’innocuité durant la grossesse a déjà été attestée (1,6,7). La recommandation d’administrer le vaccin sans adjuvant à toutes les femmes enceintes, peu importe le stade de leur grossesse s’avère donc une précaution (7). Cela ne signifie donc pas qu’une femme enceinte ayant reçu le vaccin adjuvanté expose son fœtus à un risque tératogène ou à tout autre risque particulier (8). Il est possible que des femmes enceintes aient reçu le vaccin avec adjuvant au moment où leur grossesse n’était pas encore connue et ces patientes devraient être rassurées.
Les deux types de vaccins contre la grippe A H1N1 contiennent de faibles quantités de thimérosal et cela ne comportent pas de risque particulier pour la mère et le fœtus (8-10). Le polysorbate 80 présent dans le vaccin est un émulsifiant utilisé pour stabiliser la qualité du vaccin. Cette substance ne présente pas non plus de risque pour les femmes enceintes (10).
Avec les informations dont nous disposons, il semble que dans un contexte de pandémie, les bienfaits à vacciner les femmes enceintes, particulièrement celles au deuxième et troisième trimestres, surpassent fort probablement les risques potentiels (8,9).
Puisqu’il s’agit d’un vaccin inactivé, une femme qui allaite peut se faire vacciner contre la grippe A (H1N1) avec le vaccin (avec ou sans adjuvant) et doit être encouragée à le faire car tout comme pour l’influenza saisonnier, elle est un contact pour la transmission de l’infection à son nourrisson (11).
- Rédigé par Lyne Tardif, pharmacienne
- 14 octobre 2009;
- mise à jour 13 janvier 2010
Références
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- Agence de la santé publique du Canada. Vaccin contre la grippe H1N1 : recommandations sur les doses. 2009 [En ligne. Page consultée le 13 janvier 2010]. http://www.phac-aspc.gc.ca/alert-alerte/h1n1/vacc/recommendation-recommandation-fra.php
- Agence de la santé publique du Canada. Question fréquentes - Virus H1N1. 2009. [En ligne. Page consultée le 18 septembre 2009]. http://www.phac-aspc.gc.ca/alert-alerte/h1n1/faq_rg_h1n1-fra.php#vac
- Thompson WW, Price C, Goodson B, et al. Early thimerosal exposure and neuropsychological outcomes at 7 to 10 years. N Engl J Med 2007;357(13):1281-92.
- Société des obstétriciens et gynécologue du Canada. HIN1 et la grossesse- Mise à jour. 2009 [En ligne. Page consultée le 13 janvier 2010]. http://www.sogc.org/h1n1/NOV0309H1N1UpdateContentOfVaccineFR.pdf
- Protocole d’immunisation du Québec (PIQ). Chapitre 1: Principe généraux d’immunologie et d’immunisation. Avril 2009, 5e édition : 35.
2009
Le chlorure d’aluminium pour l’hyperhidrose chez la femme enceinte
6 mai 2009
L’antisudorifique Drysolmd contient du chlorure d’aluminium à 6,25% (Drysol douxmd) ou 20% (Drysolmd) dans une base d’alcool. Le Certain drimd contient du chlorure d’aluminium à 12,5% dans une base d’alcool. Les antisudorifiques habituellement utilisés de façon quotidienne contiennent quant à eux des sels de chlorohydrate d’aluminium ou aluminium-zirconium de 15-25%.
Données animales
Les études animales ont démontré que l’aluminium peut pénétrer le placenta et s’accumuler dans les tissus du fœtus, particulièrement dans les os (1). Le chlorure d’aluminium administré de façon intrapéritonéale à doses élevées à des rates durant la période d’embryogenèse a causé des retards de croissance importants ainsi que des anomalies fœtales. L’administration d’une dose unique par voie intraveineuse durant la période d’embryogenèse chez les souris s’est également révélée fœtotoxique. Par contre, le chlorure d’aluminium administré aux rates pendant toute la gestation à 0,1% dans la diète n’a révélé aucune embryotoxicité, tératogénicité ou retard de croissance (2).
Données pharmacocinétiques
Flarend et ses collaborateurs ont mesuré l’absorption percutanée d’aluminium suite à l’application unique d’un antisudorifique à base de chlorohydrate d’aluminium chez deux sujets sous des conditions occlusives (3). En analysant l’élimination urinaire d’aluminium pendant deux semaines, on calcule que 3,6 mcg d’aluminium a été absorbé suite à une application unique d’antisudorifique. L’absorption moyenne d’aluminium serait donc d’environ 0,25 mcg/jour, ce qui représente 2,5% de la quantité d’aluminium quotidienne absorbée sous une diète normale. Il est à noter que le chlorohydrate d’aluminium étudié par Flarend et collaborateurs et le chlorure d’aluminium contenu dans le Drysolmd et leCertain drimd constituent des sels d’aluminium différents.
Données épidémiologiques chez l’humain
Aucune donnée humaine n’est publiée à ce jour sur l’utilisation du chlorure d’aluminium en grossesse. Les données concernent plutôt l’hydroxyde d’aluminium contenu dans les antiacides couramment utilisés. L’hydroxyde d’aluminium réagit dans l’estomac avec les acides gastriques pour former du chlorure d’aluminium, qui sera alors absorbé de façon systémique. Aucun effet néfaste n’a été démontré suite à l’administration orale d’hydroxyde d’aluminium à des doses de 260 mg Al/kg/jour à des rates et des souris gravides. Une femme ayant consommé environ 75 comprimés/jour d’antiacides pendant toute sa grossesse (environ 5,2 g Al/jour) a donné naissance à une fille souffrant de troubles neurodégénératifs avec retard mental, retard de croissance, épilepsie et spasticité. Toutefois, à doses usuelles, aucun cas de toxicité fœtale ou néonatale attribuable à l’aluminium n’a été rapporté (1).
En résumé
Ainsi, l’utilisation en grossesse de produits contenant de l’aluminium semble rassurante aux doses habituelles recommandées. Le Drysolmd devrait être réservé aux patientes dont la sudation n’est pas contrôlée avec un antisudorifique usuel. Il devrait être utilisé régulièrement jusqu’à ce que la sudation soit contrôlée. Ensuite, une application hebdomadaire devrait suffire. Le traitement devrait d’abord débuter avec le Drysol douxmd (6,25%). Le Drysolmd à 20% devrait être utilisé en dernier recours et seulement sur les mains et les pieds. Pour minimiser l’absorption, les femmes enceintes devraient s’abstenir d’utiliser ce produit dans des conditions occlusives.
- Rédigé par Andréanne Précourt, pharmacienne
- Révisé par Brigitte Martin, pharmacienne
- Décembre 2004
Références
- Reinke CM, Breitkreutz J, Leuenberger H. Aluminium in over-the-counter drugs: risks outweigh benefits? Drug Saf. 2003;26(14):1011-25.
- Domingo JL. Reproductive and developmental toxicity of aluminum: a review. Neurotoxicol Teratol 1995;17:515-21.
- Flarend R, Bin T, Elmore D, Hem SL. A preliminary study of the dermal absorption of aluminium from antiperspirants using aluminium-26. Food Chem Toxicol 2001;39:163-8.
Le pamoate de pyrantel pour l’entérobiase chez la femme enceinte
6 mai 2009
Le pamoate de pyrantel (Combantrinmd) est le seul anthelminthique indiqué pour le traitement de l’entérobiase (oxyurose) disponible en vente libre au Canada.
Données pharmacocinétiques
Le pamoate de pyrantel agit comme bloqueur neuromusculaire dépolarisant par libération d’acétylcholine et inhibition de la cholinestérase chez le parasite. Il est mal absorbé par la muqueuse intestinale : moins de 15 % du médicament est excrété dans l'urine sous forme inchangée, la plus grande partie étant excrétée dans les selles (1,2).
Données animales
Les études animales menées chez quatre espèces animales n’ont pas montré d’effets tératogènes à doses similaires ou supérieures utilisées chez l’humain (3,4).
Données épidémiologiques chez l’humain
Les données publiées sur les femmes enceintes exposées au pamoate de pyrantel en cours de grossesse sont quasi inexistantes. Une seule étude menée en 1990 chez 32 femmes enceintes atteintes de nématodoses intestinales et traitées avec le pamoate de pyrantel entre la 14ème et la 32ème semaine a été publiée, sans que les issues de grossesse ne soient précisées (5). Les auteurs rapportent une grande efficacité et une bonne tolérance au médicament, et proposent qu’il s’agisse d’un traitement de premier recours des helminthiases intestinales chez la femme enceinte.
Vingt cas d’exposition au pamoate de pyrantel durant la grossesse ont été recensés au sein de l’étude de cohorte menée par l’OMS en 1999 sur l’innocuité du mébendazole dans le traitement des ankylostomes chez la femme enceinte; les issues de grossesse ne sont pas décrites dans cette étude (6).
En résumé
Malgré la quasi-absence de données épidémiologiques durant la grossesse, le recul d’utilisation du pamoate de pyrantel chez la femme enceinte semble important (7). Les données pharmacocinétiques, sa bonne tolérance ainsi que les données de tératogénicité chez l’animal sont rassurantes. Certains auteurs considèrent le pamoate de pyrantel comme un agent de premier recours au premier trimestre ou après le premier trimestre (7,8). Devant les données limitées, d’autres auteurs recommandent d’autres options de traitement pour lesquelles il existe davantage de données d’innocuité, notamment lors du premier trimestre, comme le mébendazole (9).
En résumé, on pourra d’abord rappeler que l’entérobiase comporte très peu de risque pour la femme enceinte et son fœtus et qu’il n’y a pas de risque à ne pas la traiter en grossesse (10,11). Compte tenu du manque de données d’innocuité du pamoate de pyrantel chez la femme enceinte, on attendra idéalement la fin de premier trimestre pour la traiter. Cette réponse pourra néanmoins être individualisée en fonction de la présence et de l’acceptation des symptômes.
Voir « Les helminthiases intestinales et les anthelminthiques chez la femme enceinte ou qui allaite » paru dans la revue Québec Pharmacie pour plus d’informations sur le traitement des helminthiases durant la grossesse.
- Rédigé par Maud Blin Mathieu, D. Pharm. (France), assistante de recherche, IMAGe
- Révisé par Brigitte Martin, pharmacienne
- Avril 2009
Références
- Pyrantel pamoate. Dans: McEvoy GK, ed. AHFS Drug Information® (2009). [En ligne: STAT!Ref Online Electronic Medical Library.] Bethesda, MD: American Society of Health-System Pharmacists, Inc., 2009. Adresse: http://online.statref.com/document.aspx?fxid=1&docid=28
- Combantrin®. Dans : Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques. 43e éd. Ottawa : Association des pharmaciens du Canada 2008, p.601.
- Briggs GG, Freeman RK, Yaffe SJ. Drugs in pregnancy and lactation. A reference guide to fetal and neonatal risk. 8th ed. Philadelphia, PA: Lippincott William & Wilkins 2008, p.1559.
- Pyrantel. Dans: REPRORISK® System (version électronique). Truven Health Analytics, Greenwood Village, Colorado, USA. Accessible à : http://www.micromedexsolutions.com/ (Page consultée le 2009-05-04).
- Wellfens-Ekka C, Kibora M, Comoe, et al. Efficacité et tolérance de l’Helmintox chez la femme enceinte de Côte d’Ivoire. Médecin d’Afrique Noire 1990;37(12):800-3.
- De Silva NR, Sirisena JLGJ, Gunasekera DPS, et al. Effect of mebendazole therapy during pregnancy on birth outcome.Lancet 1999;353:1145-9.
- Pyrantel. Dans : CRAT : Centre de Référence sur les Agents Tératogènes, [En ligne]. http://www.lecrat.org/ (Page consultée le 30 avril 2009).
- Martin B, Nguyen B. Les helminthiases intestinales et les anthleminthiques chez la femme enceinte ou qui allaite. Québec Pharmacie 2002;49(1) :8-11.
- Garbis H, Rost van Tonningen M, Reuvers M. Anti-infective agents. Dans : Schaefer C, Peters P, Miller RK. Drugs During Pregnancy and Lactation: Treatment Options and Risk Assessment. 2nd ed. Amsterdam, Netherlands : Elsevier 2007, p. 165-6.
- D’Alauro F, Lee RV, Pao-In K et al. Intestinal parasites and pregnancy. Obstet Gynecol 1985;66:639-43.
- Brabin L, Brabin BJ. Parasitic infections in women and their consequences. Adv Parasitol 1992;31:1-81.