Présentation et conservation
- Fioles injectables 10 mg/mL, 2 mL
- Fioles injectables 10 mg/mL, 20 mL dans les cabinets des soins intensifs pédiatriques, pour préparation des perfusions IV en dehors des heures d’ouverture de la pharmacie
- HAUT RISQUE : Il existe de nombreuses autres présentations et concentrations de kétamine, ce qui en fait un médicament à haut risque d’erreur; toujours valider la dose et la concentration de kétamine à administrer par une double vérification indépendante
- Conserver à température ambiante
- Bibliothèque SIN: 2 mg/mL
Indications
Anesthésiant général
Prémédication de l’administration moins invasive de surfactant (Less Invasive Surfactant Administration ou LISA), en combinaison avec l’atropine
Analgésie et sédation lors de procédures douloureuses invasives brèves (p. ex. : cardioversion électrique)
Coanalgésie après une chirurgie correctrice de la coarctation de l’aorte chez les nouveau-nés à terme, en complément aux analgésiques opioïdes et aux autres coanalgésiques (p. ex. : acétaminophène, dexmédétomidine)
Exceptionnellement, coanalgésie ou sédation adjuvante chez les enfants en dehors de la période néonatale et dont la douleur ou l’agitation sont réfractaires aux analgésiques et sédatifs usuels à doses optimisées
Mécanisme d'action
Blocage non compétitif des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA) entraînant une dissociation entre le cortex et le système limbique; interactions décrites également avec les voies de signalisation cholinergiques, dopaminergiques, sérotoninergiques, opioïdes et noradrénergiques
Effets analgésique, sédatif et amnésique; préservation du tonus des muscles squelettiques et des réflexes laryngopharyngés; stimulation cardiovasculaire et respiratoire; stimulation de la production de salive et de sécrétions respiratoires; bronchodilatation
Les principaux avantages de la kétamine par rapport à d’autres anesthésiants incluent le maintien des réflexes respiratoires et de la stabilité cardiovasculaire; la kétamine possède une action rapide et courte
Les propriétés cardiovasculaires en font une option coanalgésique souvent retenue après les chirurgies cardiaques, même si les données d’efficacité publiées pour la diminution de la douleur postopératoire sont peu nombreuses
Doses
Prémédication pour l’administration moins invasive de surfactant (LISA)
IV intermittent
- Dose initiale : 1 mg/kg pour 1 dose
- Doses supplémentaires, si requises : 0,5 mg/kg/dose aux 2 min PRN (dose maximale totale de 2 mg/kg)
Analgésie et sédation lors de procédures douloureuses invasives
IV intermittent
En pédiatrie, la kétamine est également administrée par voie orale, intramusculaire, intranasale et intrarectale; les doses, les délais et les durées d’action diffèrent par rapport à la voie IV; ces modes et voies d’administration ne sont pas utilisés sur les unités de néonatologie
Coanalgésie postopératoire chez les nouveau-nés à terme (chirurgie correctrice pour la coarctation de l’aorte)
Les posologies proposées s’appuient sur l’expérience clinique et le protocole développé par l’équipe des soins intensifs pédiatriques pour l’analgésie et la sédation après une chirurgie cardiaque
La kétamine devrait être utilisée pour la plus courte durée possible, et cessée en premier
Perfusion IV continue
- Posologie : 0,1 mg/kg/heure
- Cesser la perfusion sans sevrage après le retrait du drain thoracique
Coanalgésie ou sédation adjuvante chez les enfants en dehors de la période néonatale et dont la douleur ou l’agitation sont réfractaires aux analgésiques et sédatifs usuels à doses optimisées
L’utilisation de la kétamine en perfusion IV continue pour la coanalgésie ou la sédation adjuvante postopératoire est décrite uniquement chez des enfants ou des adultes et n’est pas documentée chez les nouveau-nés; son utilisation est réservée aux enfants en dehors de la période néonatale
Débuter avec les doses les plus faibles, et titrer si nécessaire selon la réponse et la tolérance
La kétamine devrait être utilisée pour la plus courte durée possible, et sevrée en premier
Perfusion IV continue
- Posologie usuelle pour la coanalgésie : 0,1 à 0,2 mg/kg/heure
- Augmentation possible par paliers de 0,1 mg/kg/heure, si nécessaire
- Posologie initiale pour la sédation adjuvante : 0,3 à 0,5 mg/kg/heure
- Augmentation possible par paliers de 0,2 mg/kg/heure aux 6 à 8 heures
- Écart posologique possible : 0,3 à 1 mg/kg/heure; des doses plus élevées sont parfois nécessaires (dose maximale habituellement rapportée en pédiatrie : 1,2 mg/kg/heure)
- Consulter la clinique de la douleur pour toute perfusion au-delà de 0,5 mg/kg/heure
Pour les perfusions prolongées (plus de 72 heures), diminuer progressivement selon la persistance des stimuli douloureux ou l’agitation : réduire la dose de 25 à 50 % par 8 heures si toléré
Exceptionnellement, une dose intermittente de kétamine peut être envisagée en prévention de la douleur associée à une intervention médicale ponctuelle (p. ex. retrait d’un drain) alors qu’une perfusion IV continue est déjà en cours pour la coanalgésie ou la sédation; la durée d’action d’une dose intermittente ponctuelle de kétamine est d’environ 5 à 10 minutes
Préparation, administration et compatibilités
IV intermittent
- Utiliser les fioles injectables 10 mg/mL, 2 mL
- Diluer la dose dans 1 mL de NaCl 0,9% (vt) pour faciliter l'administration
- Donner LENTEMENT en 2 minutes (dose de 1 mg/kg) ou en 1 minute (dose de 0,5 mg/kg)
- Rincer au même débit avec NaCl 0,9% après la dose
Perfusion IV continue
Préparation selon FOPR
- Concentration finale 2 mg/mL
- 100 mg = 10 mL de kétamine 10 mg/mL + 40 mL de soluté (50 mL vt)
- Utiliser les fioles de kétamine 10 mg/mL, 20 mL pour la préparation
- Si prescrite, administrer la dose intermittente à partir de la perfusion en 3 minutes
Solutés compatibles
D5%, NaCl 0,9%
Compatibilités en dérivé (en Y)
Acétaminophène, alprostadil, amiodarone, calcium (gluconate), ceftriaxone, ciprofloxacine, clindamycine, dexmédétomidine (voir commentaire plus bas), dobutamine, dopamine, épinéphrine, esmolol, fentanyl, isoprotérénol, magnésium (sulfate), métronidazole, midazolam, milrinone, morphine, nicardipine, norépinéphrine, pipéracilline – tazobactam, potassium (chlorure), soluté avec électrolytes, vancomycine, vasopressine
Incompatibilités en dérivé (en Y)
Acyclovir, bicarbonate de sodium, furosémide, indométacine, insuline régulière, pantoprazole, phénytoïne, rocuronium, triméthoprime – sulfaméthoxazole
Alimentation parentérale et lipides en dérivé (en Y)
Les études de compatibilités rapportent des résultats contradictoires; le recul d’utilisation au CHU Sainte-Justine est généralement favorable, mais quelques cas de cristallisation dans la tubulure ont été observés; si possible, ne pas mettre en dérivé, mais acceptable si la situation clinique le requiert
ATTENTION
Kétamine et dexmédétomidine : les études de compatibilités rapportent des résultats contradictoires; le recul d’utilisation au CHU Sainte-Justine n’a pas identifié de problème particulier; si possible, ne pas mettre en dérivé, mais acceptable si la situation clinique le requiert
Effets indésirables
Hypertension et tachycardie (dose élevée ou administration rapide), apnée ou dépression respiratoire transitoire (rare; dose élevée ou administration rapide), augmentation des sécrétions respiratoires et salivaires (risque moindre avec une prémédication d’atropine) pouvant entraîner un laryngospasme (rare); hypertonicité musculaire, clonies, mouvements tonicocloniques parfois similaires à des convulsions, hoquet, rash non allergique et transitoire du visage et du cou; hypotension, bradyarythmie et autres dysrythmies (rares)
Vomissement (une fois l’effet anesthésique terminé) et état confusionnel (« emergence phenomena », caractérisé par de la confusion, des hallucinations et de l’agitation) rapportés en pédiatrie et chez les adultes
ANTIDOTE
Il n’existe pas d’antidote spécifique à la kétamine; en cas de laryngospasme, administrer rapidement la prémédication en vue d’intuber le patient (fentanyl et succinylcholine)
En cas d’état confusionnel sévère et réfractaire aux mesures non pharmacologiques, diminuer ou cesser la perfusion de kétamine, s'il y a lieu, et envisager l’administration d’une benzodiazépine (p. ex. : midazolam ou lorazépam)
Suivi
Tension artérielle, rythme et fréquence cardiaques, fréquence respiratoire, saturation, perméabilité des voies aériennes, score de douleur, état neurologique, tolérance digestive
La kétamine induit une dissociation entre les systèmes thalamocortical et limbique, empêchant les centres supérieurs de percevoir des stimuli auditifs, visuels ou douloureux; la kétamine entraîne un état cataleptique ressemblant à une transe, sans altération des réflexes laryngopharyngés, ni dépression respiratoire; les yeux demeurent ouverts avec un regard déconnecté et un nystagmus est souvent présent; le patient semble être éveillé mais est dissocié de l'environnement et ne réagit pas à la douleur; le tonus musculaire squelettique est normal ou légèrement augmenté, et des mouvements délibérés peuvent se produire, sans lien avec la douleur
Suivant l’administration d'une dose de kétamine IV, l’effet dissociatif se manifeste après 30 secondes à 2 minutes et dure 5 à 10 minutes
Lorsque possible, les traitements pharmacologiques analgésiques ou sédatifs doivent être précédés ou accompagnés de mesures non pharmacologiques de contrôle de la douleur :
- Réduction du nombre de procédures douloureuses ou stressantes, lesquelles devraient être effectuées l’une après l’autre
- Stratégies comportementales (méthodes de retour au calme) : respect des signes de stress et de désorganisation, regroupement avec les mains, positionnement en flexion, emmaillotement
- Stratégies environnementales : diminution du bruit, de la lumière et des activités (afin de minimiser un éventuel état confusionnel)
Contre-indications et précautions
Contre-indications
Antécédent d’accident vasculaire cérébral
Précautions
En cas d’intervention au pharynx ou au larynx, prévoir au chevet la médication requise pour une intubation urgente étant donné le risque possible de laryngospasme; certaines sociétés savantes déconseillent l’utilisation de la kétamine chez les enfants de moins de 3 mois, en raison d’un risque plus important de complications liées aux voies aériennes
Défaillance cardiaque sévère
Utiliser avec prudence en cas d’hypertension (ou de conditions pour lesquelles une élévation significative de la tension artérielle serait risquée), de tachycardie ou de maladie coronarienne (augmentation de la tension artérielle, de la fréquence et du débit cardiaques, ce qui augmente la consommation en oxygène du myocarde)
Hydrocéphalie ou hypertension intracrânienne (élévation possible de la pression intracrânienne)
Dysthyroïdies (augmentation possible des effets sympathomimétiques)
L’hypertension pulmonaire a déjà été citée comme une précaution d’emploi, mais les études récentes n’ont pas démontré d’effets cliniquement significatifs de la kétamine sur la pression artérielle pulmonaire
Puisque certaines études observent de la neurotoxicité avec la kétamine chez des animaux immatures, certains experts, sociétés savantes et agences gouvernementales contre-indiquent l’administration de kétamine chez les enfants de moins de 3 ans; ces études comportent cependant des limites (p. ex. : doses supérieures à celles utilisées chez l’humain, durées d’exposition très longues), et d’autres données animales suggèrent que la neurotoxicité associée à la douleur serait réduite par la kétamine; les données sur le neurodéveloppement des nouveau-nés traités par la kétamine sont limitées, mais le recul clinique avec l’utilisation ponctuelle de kétamine en période néonatale ne témoigne pas, pour le moment, d’un signal de neurotoxicité; il n’existe pas de données sur les effets d’une perfusion IV prolongée de kétamine sur le développement neurologique d’enfants exposés durant la période néonatale
ATTENTION
Aux unités de néonatologie du CHU Sainte-Justine, l’utilisation d’une perfusion IV continue de kétamine est réservée aux enfants nés à terme, pendant une courte période suite à une chirurgie correctrice de la coarctation de l’aorte, tel qu’encadré par le protocole développé et utilisé par l’équipe des soins intensifs pédiatriques, ou, exceptionnellement, pour la coanalgésie ou la sédation adjuvante en période postopératoire chez des enfants qui ne répondent pas aux traitements usuels et qui sont en dehors de la période néonatale
Le traitement doit être utilisé pour la plus courte durée possible, et sevré dès que possible