Les particularités et besoins sensoriels chez l’enfant présentant un TSA

Autisme au quotidien

L’ergothérapeute Sarah Gauvreau-Jean nous explique comment se manifestent les particularités sensorielles de l’enfant atteint d’un trouble du spectre de l’autisme. Elle nous donne également des conseils généraux pour pouvoir mieux comprendre et intervenir avec des enfants présentant des difficultés au niveau du traitement de l’information sensorielle.

Pour plus d’informations sur les éléments abordés, consultez les thèmes suivants :


Les sens comme la fondation des apprentissages

La formation du système sensoriel débute pendant la grossesse et se poursuit durant toute l’enfance. Elle fait donc partie du développement typique de l’enfant.

C’est grâce à l’exploration de l’environnement à l’aide de nos sens que nous acquérons les habiletés essentielles au développement moteur, cognitif et affectif.

Ce sont ces habiletés qui permettent de cheminer dans nos apprentissages.

Les sensations peuvent être d’origine…
Auditive, visuelle, olfactive, tactile (toucher), gustative et….de nos sens cachés :

  • Les systèmes vestibulaire et proprioceptif

    Ces systèmes travaillent de pair pour organiser la position du corps et le mouvement. C’est ce qui nous permet de marcher en forêt et contourner les obstacles tout en maintenant notre équilibre, ce sans devoir regarder constamment nos bras et nos jambes.

    Ces systèmes favorisent notre conscience corporelle et notre organisation dans l’espace.


Qu’est-ce que le traitement de l’information sensorielle ?

Il s’agit d’un processus complexe du système nerveux qui permet de détecter et filtrer les informations sensorielles pour organiser et exécuter une réponse adaptée.
 

Ça comprend

  • La modulation sensorielle
    C’est l’étape qui permet de filtrer les informations sensorielles qui se produisent simultanément (ex. soit réagir à l’appel de son nom alors qu’il lance le ballon, réagir à une blessure,  etc.),
  • La discrimination sensorielle
    Cette étape implique l’interprétation des caractéristiques qui permet de distinguer les stimuli (ex. faire la différence entre une piqûre d’abeille versus un toucher léger derrière l’épaule). Cela implique le processus cognitif.
  • Les habilités praxiques
    Cette étape implique de concevoir, planifier et coordonner l’exécution de nouvelles actions motrices en produisant une réponse adaptée à la situation (ex. chasser de la main le moustique, se retourner doucement vers la personne qui a touché l’épaule, répondre à l’appel de son nom etc..).

    Lorsqu’il y a un bris au niveau de la modulation sensorielle, l’enfant peut se retrouver bombardé, soit trop envahi par certaines sensations  (hyper-réactif), mais aussi trop peu stimulé par certains sens (hypo-réactif). Ceci peut avoir un impact sur son comportement (ex. rigidité, autostimulation, crises de colère, etc.)
     

Conséquences d’une hypo ou d’une hyperréactivité sensorielle

L’enfant hypo-réactif peut être passif ou actif :

  • Hyporéactif passif
    Il n’a pas de stratégies pour une meilleure disponibilité, soit « sortir de son monde intérieur ». Il est en retrait par rapport à son environnement. Il manque de réactivité, manque d’intérêt, présente une lenteur à répondre, est inattentif, a un répertoire de jeu plus limité, est souvent maladroit, se fatigue vite et se retire rapidement de l’interaction.
  • Hyporéactif actif
    Il est en recherche sensorielle. Il présente un besoin constant d’activer ses sens, est avide de sensations intenses pour l’aider à se maintenir alerte et présente une curiosité insatiable ainsi qu’une excitabilité. Par exemple, il produit des bruits forts, établie des contacts physiques brusques, présente un attrait pour les objets brillants, courir et sautiller, peut même se mettre dans des situations dangereuses.

L’enfant hyper-réactif peut aussi être passif ou actif :

  • Hyperréactif passif
    Il se retrouve en évitement sensoriel. Il offre une résistance ou de l’opposition aux changements.
  • Hyperréactif actif
    Il est hypervigilant et irritable. Il présente une très grande prudence et peut exprimer un très grand besoin de contrôler son environnement.


Qu’est-ce que la régulation sensorielle ?

La régulation sensorielle, c’est la capacité d’atteindre et maintenir un niveau d’éveil optimal en fonction de la tâche et du contexte, pour produire un comportement organisé, tant au plan attentionnel, moteur, qu’émotionnel.

Par exemple, en raison d’un manque de rétroaction sensorielle (ex. hyporéactivité proprioceptive), on peut présenter des difficultés à concevoir, planifier et coordonner l’exécution de nouvelles actions motrices.

Les réactions d’hyper ou d’hyporéactivité peuvent varier au courant de la journée et d’une journée à l’autre ainsi que varier en fonction d’un même stimuli (ex. volume élevé de la radio ou de la voix est recherché le matin et non tolérable à la fin de la journée, etc.).


Figure 1. Variation du niveau d’éveil tout au long de la journée pour un enfant hyperréactif. Dupont et Boisjoly (2016)


Figure 2. Variation du niveau d’éveil tout au long de la journée pour un enfant hyporéactif. Dupont et Boisjoly (2016)

L’ensemble ou chacune de ces réactions d’hyper ou d’hyporéactivité peut influencer à différents niveaux le développement émotionnel ainsi que moteur (contrôle des émotions et maladresse motrice) et peut contribuer en partie aux difficultés de communication sociale.

Ultimement, les impacts seront observés dans les différentes sphères des routines quotidiennes de l’enfant (maison, garderie, école etc.).  

  • l’alimentation (ex. sélectivité alimentaire, difficulté à mastiquer ou à manipuler les aliments)
  • le sommeil (ex. long délai pour s’endormir et éveils nocturnes)
  • les soins d’hygiène (ex. difficulté à tolérer la coupe des cheveux et des ongles ainsi que le brossage de dents)
  • l’habillage (ex. rigidité quant aux choix de textures de vêtements ou recherche de vêtements plus serrés, difficulté à enfiler son chandail)
  • le développement du jeu (ex. intérêt restreint, jeu répétitif, préfère jeu constructif qu’imaginatif)
  • les déplacements ou sorties en famille (ex. rituel dans la transition, difficulté à tolérer la proximité et la nouveauté).


Le traitement de l’information sensorielle chez l’enfant avec TSA

Le nombre de cas ayant des particularités au niveau du processus d’intégration sensorielle varie de 45 à 96%, approchant même 100% des cas selon certaines études.

Principalement, on observe que les enfants avec TSA ne produisent pas toujours des réactions ou réponses adaptées aux sensations perçues.

Les comportements les plus fréquemment observés et nommés chez les enfants ayant un TSA sont les suivants :

À noter que le « Profil Sensoriel » ou les particularités sensorielles demeurent propres à chaque enfant.

  • Hyperréactivité tactile
    Tolère peu le toucher, tolère difficilement de porter certains vêtements et est dérangé par les étiquettes. Tolère difficilement les soins d’hygiène (coupe des ongles, coupe ou soins des cheveux, brossage de dents).
  • Hyperréactivité orale ou olfactive
    Ne tolère pas certaines odeurs, goûts ou textures lors des repas.
  • Hypo-réactivité proprioceptive et vestibulaire
    Ressent moins la douleur, présente une faible conscience de son corps (comment je perçois mon corps dans mon environnement). Se sent peu étourdie après avoir tourné sur lui-même longuement.
  • Hyperréactivité auditive
    Réagit de façon exagérée aux bruits inattendus ou ne tolère pas certain­­s bruits forts tels que l’aspirateur ou le mélangeur (ex. ­­­mains sur les oreilles). Se réveille au moindre bruit.
  • Hyporéactivité auditive
    Recherche le bruit : ex. fait des bruits de bouche ou cogne des objets.
  • Hyperréactivité visuelle/recherche
    Présente un intérêt marqué et répétitif pour des jeux avec roues et hélices qui tournent et les jeux qui produisent de la lumière ou qui brillent. Aime particulièrement aligner les objets plutôt que jouer avec ceux-ci. A de la difficulté à soutenir l’attention visuelle et le regard.

La recherche de sensation et l’évitement sont deux processus que l’enfant peut utiliser pour  tenter de s’autoréguler (atténuer son hypersensibilité ou combler son hyporéactivité)

  • Recherche de sensations vestibulaires et proprioceptives (mouvements et force)
    Cherche à sauter, grimper, se bercer, courir sans but, marcher sur la pointe des pieds, tourner sur soi-même, porter des objets à sa bouche. Peut se balancer pendant des heures. Présente des crispations ou maniérismes. Nécessite des sensations plus fortes et plus intenses.
  • Recherche de sensations tactiles
    Touche à tout, peut demeurer des heures dans le bain, aime toucher différentes textures.
  • Recherche de auditive
    Fait du bruit avec les jouets, crie, chantonne. Parfois on remarque que l’enfant fait du bruit de lui-même pour masquer les bruits ambiants dérangeants.
  • Évite certains bruits, se couvre les oreilles avec les mains à certains bruits etc. Présente une intolérance aux changements, contrôle son environnement, est en retrait, présente un jeu répétitif, présente une pauvre exploration de l’environnement, fait des crises de colère lors de stimulations désagréables etc.


Rôle de l’ergothérapeute

Le rôle de l’ergothérapeute est d’investiguer la nature des enjeux sensoriels et de mieux cerner les composantes émotionnelles, perceptivo-motrices, et motrices qui ont un impact sur le fonctionnement de l’enfant.

Ceci est réalisé dans le but de préciser le diagnostic et d’offrir un soutien aux parents, garderie et milieu scolaire. L’objectif est aussi de mieux identifier les conditions, les adaptations sensorielles et motrices qui optimisent son fonctionnement.


Stratégies pour favoriser une meilleure disponibilité de l’enfant

Les stratégies visent un niveau d’éveil optimal chez l’enfant pour la réalisation des routines quotidiennes et une meilleure interaction avec ses environnements. Il est important d’être à l’écoute et de respecter les intérêts ainsi que le rythme de l’enfant dans l’exploration et le développement de ses sens. Les stratégies seront d’autant plus efficaces si la motivation et l’implication provient de l’enfant.

Mais attention, car une même stratégie dite calmante pour un enfant peut s’avérer stimulante pour un autre enfant dans un certain contexte. Chaque enfant est unique, et malgré que des lignes directrices guident les interventions, il demeure qu’il n’y a pas de recettes.

Voici donc quelques grandes lignes, soit les stratégies à privilégier pour calmer et organiser votre enfant versus les stratégies stimulantes qui augmentent le niveau d’éveil et pouvant mettre à risque de désorganisation pour certains enfants.

Stratégies calmantes et organisantes

  • Réduire les stimuli de l’environnement selon les sensibilités de l’enfant (ex. diminuer le bruit, la lumière, les contacts, mettre une musique douce etc.)
  • Favoriser les activités proprioceptives, soit  des activités sollicitant les muscles tel que pousser/tirer/écraser/soulever)
    Ce type de stimulation peut être offert régulièrement dans une même journée, soit avant ou pendant une activité qui requiert davantage l’attention de même qu’en prévention d’un événement plus stressant ou difficile pour l’enfant. Aussi, lorsque l’enfant est agité ou éparpillé et qu’il vient de réaliser une activité excitante, la proprioception est la stimulation de choix.
  • Offrir des massages et pressions profondes (massage ferme).
    Les sensations les plus efficaces au niveau du système nerveux pour aider l’enfant à se sentir mieux dans son corps et son environnement sont la proprioception et les pressions profondes.
  • Mastiquer (donne un rythme qui calme et organise le système) et souffler (longue expulsion de l’air).
  • Favoriser un mouvement de balancement lent, linéaire et rythmé (régulier)
  • Combiner les sensations vestibulaires (mouvement) avec les sensations proprioceptives au cours d’une même activité. Il est aussi possible d’offrir une stimulation proprioceptive calmante à la suite d’une activité en mouvement plus stimulante.

Stratégies stimulantes

  • Augmenter les stimulations sensorielles dans le cas où enfant est plus amorphe ou passif (ex. lumière vive, mettre une musique entraînante).
  • Offrir des jouets aux couleurs vives et bouger rapidement les objets.
  • Opter pour des châtouilles, un toucher imprévisible et léger.
  • Croquer, boire de l’eau froide ou manger des aliments acides et épicés.
  • Offrir un mouvement de balancement rapide,  rotatoire et saccadé (arrêt subit et reprise du mouvement). Changer la position de la tête (ex. culbute).
  • Explorer des textures variées avec les mains.


Ressources pour les parents

Livres suggérés

  • Harrisson, B & St-Charles, L, (2009). Tedou est Autiste et découvre lemonde, Concept ConsulTED.
  • Henry, D, (2008). Tools for Tots: Sensory Strategies for Toddlers and Preschoolers, Glendale, AZ: Henry Occpational Therapy Services.
  • Kranowitz, C, (2005).The out- of- Sync Child, 2nd Edition. Recognizing and Coping with Sensory Integration Dysfunction, Berkley, Penguin.
  • Lawlor, I & Molto, B. (2014). Max and Me - A Story About Sensory Processing, www.mymodulator.com
  • Miller, LJ & Fuller, DA, (2007). Sensational Kids: Hope and Help for
  • Children with Sensory Processing Disorders (SPD), New York: G.P., Putnam’s.
  • Reebye, P & Stalker, E (2008). Understanding Regulation Disorders of Sensory Processing in Children, Jessica Kingsley Publishers, Philadelphia.
  • Vincent, Annick, (2010). Mon Cerveau a Besoin de Lunettes- Vivre avec l’hyperactivité, Collection Psychologie.
     

Sites Internet suggérés

Références

  • Williams, MS & Shellenberger, S. (2001). Take Five: Staying Alert at Home and School, Therapy Works, Inc.
  • Williamson, GG & Anzalone, ME. (2001). Sensory Integration and Self-Regulation in Infants and Toddlers: Helping Young Children to Interact with their Environment, ZERO TO THREE, USA.
  • Scholl, JM. Classification diagnostique 0-3 ans révisée: une nouvelle présentation des troubles de la régulation de traitement de stimuli sensoriels. Devenir 2007;19 (2).
  • St-André, M, Boisjoly, L & al. L’enfant déjoué par ses propres sens : le trouble de la régulation sensorielle. Le Médecin du Québec 2009; 44 (6).
  • Miller, LJ & Fuller, DA. (2007). Sensational Kids: Hope and Help for Children with Sensory Processing Disorders (SPD), New York: G.P. Putnam’s Sons.
  • Montagu, Ashley. (1919). La peau et le toucher.
  • Reebye, P. & Stalker, E. (2008). Understanding Regulation Disorders of Sensory Processing in Children. Jessica Kingsley Publishers, Philadelphia.
  • Williams, MS & Shellenberger, S. (1996). How Does Your Engine Run? A Leader’s Guide to the
  • Kranowitz, C. (2005). The Out-of-Sync Child, 2nd Edition. Recognizing And Coping with Sensory Integration Dysfunction, Berkley, Penguin.
  • Learning through the Senses- ressource manual (the impact of sensory processing in the classroom), PsychCorp. Department of health and community services of northern territory government Australia.
  • Lillas, C & Turnbull,J. (2009). Infant/ Child Mental Health, A Neurorelational Framework for Interdisciplinary Practice,, W.w.Norton & Co., Inc., New York.
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  • Bundy, AC & Lane, SJ. (2011). Sensory Processing Disorder dans Kids can be Kids: A Childhood Occupations Approach, Philadelphia: FA Davis Company.
  • DeGangi, GA.(2000). Pediatric Disorders of Regulation in Affect and Behavior: A therapist’s Guide to Assessment and Treatment: San Diego, CA: Academic Press.
  • Kawar, M J & Frick, SM. (2004) Core Concepts in Action. Easily implemented movements activities for children of all ages to develop power, endurance and rythmicity.
  • Kranowitz, C. (2003). The Out-of-Sync Child Has Fun Activities For Kids with Sensory Integration Dysfunction, Berkley PuEarly Intervention, and Relationship-Based Therapies / Publishing Group.
  • Centre de réadaptation en déficience intellectuelle Montérégie-Est, Centre montérégien de réadaptation, Services de réadaptation du Sud-Ouest et du Renfort. Programme-cadre des services spécialisés de réadaptation en Montérégie pour les personnes présentant un trouble envahissant du développement, Comité clinique TED : France Carbonneau, Russell Clark, Karine Gagnon, Myriam Hurtubise et Joanne Larose, Longueuil, 2009.
  • Dupont et Boisjoly (2016), ergothérapeutes au CHU Ste-Justine, présentation: Mieux comprendre l’autorégulation sensorielle pour de meilleures pratiques en ergothérapie auprès de l’enfant et sa famille.

À propos de cette page
Mise à jour le 13 octobre 2020
Créée le 16 janvier 2017
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