Un peu d'histoire

Maladies infectieuses

Vers la fin des années soixante-dix, les autorités politiques, ainsi que certains milieux scientifiques, se prononçaient dans un élan d’optimisme sur la fin des maladies infectieuses dans les pays développés. En effet avec l’amélioration substantielle des conditions sanitaires, l’avènement de nouveaux antibiotiques à large spectre, l’éradication de la variole et la régression de fléaux comme la poliomyélite, la rougeole et la tuberculose, nous pouvions être en droit de penser que le combat contre les maladies infectieuses était en voie d’être gagné. Il n’y aurait plus de demande pour des spécialistes en maladies infectieuses et toutes les énergies devaient être déployées pour combattre un autre ennemi: le cancer. C’était bien mal connaître la nature soumise aux perpétuelles pressions de l’environnement engendrées par l’homme et les progrès qui accompagnent le développement technologique.

L’épidémie de SIDA du début des années quatre-vingt nous a bien vite ramené à une triste réalité : pneumocystose, toxoplasmose, mycobactériose et autres infections opportunistes sont revenues hanter le quotidien des médecins traitant des enfants souffrant de pathologies infectieuses. Malgré les progrès considérables réalisés par la mise au point de nouveaux vaccins extrêmement efficaces, comme celui, en 1990, contre l’Hemophilus influenza de type b, qui était responsable d’une grande partie des méningites, épiglottites et infections bactériennes invasives de l’enfant, et ceux plus récemment contre le pneumocoque, le méningocoque, la varicelle on a continué à assister au cours des années 1990 et 2000 à l’émergence de nouvelles maladies infectieuses.

La dynamique des infections en émergence repose sur un déséquilibre écologique qui met en jeu trois facteurs : l’agent infectieux, l’environnement et le mode de vie, l’hôte. Les microorganismes, de par leur capacité adaptative intrinsèque mais aussi surtout par celle induite par la pression liée à la surutilisation des antibiotiques, sont devenus multirésistants aux agents anti-infectieux les plus utilisés. Nous sommes quotidiennement confrontés à des germes plus difficiles à combattre comme les staphylocoques aureus résistants à la méthicilline (SARM), les pneumocoques à sensibilité réduite à la pénicilline, la tuberculose multirésistante, les entérobactéries porteuses de gènes responsables de la production d’enzymes de destruction d’antibiotiques extrêmement efficaces. Pour y faire face nous avons à utiliser des combinaisons d’antibiotiques très puissants qui augmentent d’avantage la pression écologique et sélectionnent par le fait même des microorganismes encore plus résistants ou opportunistes comme le Clostridium difficile ou des mycoses invasives, qui sont elles aussi en émergence.

Le combat est loin d’être gagné. Les conditions de vie sont aussi propices à l’émergence de nouvelles infections : la pauvreté diminue l’accès rapide aux soins, les garderies favorisent la promiscuité (et le partage démocratique des germes dès le plus jeune âge), l’utilisation intempestive d’antibiotiques dans la chaîne alimentaire sont tous des facteurs qui favorisent l’émergence d’infections plus difficiles à traiter. L’avènement des voyages et la croissance des flux migratoires nous exposent à des pathologies infectieuses jusqu’alors inconnues comme le SRAS, la grippe aviaire, la tuberculose multirésistante. Enfin les avancées scientifiques constantes (chimiothérapie, greffe de moelle osseuse, transplantation d’organes solides, prématurité extrême) ont augmenté la susceptibilité des enfants aux infections bactériennes, virales, fongiques et parasitaires. Désormais plus de la moitié des enfants traités par le service des maladies infectieuses du CHU Sainte-Justine sont immunocompromis et souffrent d’infections aiguës ou chroniques.

Face à ces nouveaux défis thérapeutiques, le service des maladies infectieuses s’est profondément modifié au cours des dernières années. En 1996, la section des maladies infectieuses du service de pédiatrie générale, crée par le docteur Luc Chicoine, avec les docteurs Joncas, Saint-Rome, Delage et dirigée alors par le docteur Marc Lebel (formé chez un des pères de l’infectiologie pédiatrique moderne, le docteur Mac Craken à Dallas) est devenue un service clinique spécialisé, à part entière. Le recrutement subséquent de jeunes pédiatres infectiologues qui ont tous eu une formation spécifique et poussée en infectiologie pédiatrique avec des années de formation complémentaire à l’étranger a posé les bases de la constitution d’une équipe d’experts dans les pathologies infectieuses de l’enfant. Sont arrivés, par ordre chronologique les docteurs Lemay (Boston, Calgary), Tapiero (Montréal, Minnesota), Lamarre (Montréal), Buteau (Montréal, Minnesota) et Ovetchkine (Paris). La présence de pédiatres microbiologistes infectiologues (Drs Laferrière, Rousseau, Demers) au sein du groupe de consultants permet de renforcer les lien naturels avec le laboratoire de microbiologie diagnostique et de travailler ensemble l’objectif commun des meilleurs soins pour nos patients dont la complexité n’a fait que croître au fil du temps.

Toujours sous l’impulsion du docteur Lebel, une nouvelle unité d’hospitalisation en maladies infectieuses est née en 1999. Il s’agit d’une unité d’enseignement de 12 lits dont les membres et le personnel ont développé une expertise particulière vis-à-vis des patients souffrant d’infections graves ou contagieuses mais aussi des cas d’infectiologie complexes chez les enfants immunocompromis. L’équipe de pédiatres et d’infectiologues de l’unité hospitalisation travaille en symbiose avec le service de consultation tant pour le soin des patients les plus complexes que celui de l’enseignement.

Le secteur de consultation, avec sa moyenne de 1800 consultations par an, continue à représenter la majeure partie de nos activités cliniques. Devant la complexité et le volume croissant des cas pour lesquels une expertise en infectiologie était demandée, nous avons dû, en 2001, séparer le service clinique en 2 secteurs dont un exclusivement destiné aux patients d’hémato-oncologie et des soins intensifs.

La notoriété du service d’infectiologie du CHU Sainte Justine fait que celui-ci est mis quotidiennement à contribution par les 5 à 10 consultations téléphoniques que nous demandent nos confrères à l’extérieur de l’hôpital. Ce service rendu à la communauté pédiatrique de la province répond à un besoin réel et est très apprécié.

Au niveau des activités ambulatoires, nous avons développé dès 1994, un programme d’antibiothérapie intraveineuse à domicile dont le volume d’activité (environ 200 patients par an) et la complexité des cas augmente sans cesse dans le temps. Ce virage ambulatoire permet aux enfants souffrants d’infections graves d’être traités dans leur milieu de vie, de façon sécuritaire, tout en continuant leurs activités régulières.

En 1995, face à la résurgence de la tuberculose, nous avons instauré, en collaboration avec le CLSC Côte-des-Neiges, un programme de dépistage scolaire de la tuberculose, destiné aux enfants récemment immigrés, dans les classes d’accueil du territoire du CHU Sainte- Justine. La clinique de tuberculose reçoit environ 1500 visites annuelles. Elle se démarque comme un des centres de référence pour la tuberculose pédiatrique avec des liens privilégiés avec la santé publique, des consultations provenant de plusieurs centres périphériques ainsi qu’une collaboration au niveau des autorités fédérales dans l’élaboration des protocoles de soins. Les cliniques externes de maladies infectieuses et de santé internationales ont reçu respectivement 590 et 331 visites au cours de la dernière année dont la majeure partie sont des consultations provenant de la communauté.

Devant l’émergence rapide de cette nouvelle spécialité qu’est l’infectiologie pédiatrique, il était impératif de bâtir un programme de formation en maladies infectieuses pédiatrique reconnu par le Collège Royal Canadien. Cette tâche à été remplie avec succès par le docteur Valérie Lamarre, avec la collaboration de tous les membres du service. Depuis 2003, l’Université de Montréal offre le seul programme francophone au Canada de certification en maladies infectieuses chez l'enfant. Au cours des 3 dernières années nous avons eu le privilège de former de nombreux résidents et moniteurs cliniques étrangers. Les demandes de stages s’accumulent pour les prochaines années, ce qui à pour effet d’une part d’assurer une relève forte en infectiologie pédiatrique au Québec, mais aussi de contribuer au rayonnement international de notre université.

L’enseignement des maladies infectieuses demeure une des priorités de notre service. Avec pas moins d'une quarantaine d’étudiants en pédiatrie, en infectiologie et en microbiologie par an en formation dans les différents secteurs du service, les activités pédagogiques sont omniprésentes et la vie du service est dynamique. La vocation académique des professeurs étant très développée, des réunions scientifiques de formation et des cours sont donnés régulièrement à l’université et à l’hôpital. Des journées de resourcement professionnelle sont également organisées sur des bases régulières.

La productivité scientifique des membres du service est en constante progression, malgré des tâches cliniques, administratives et pédagogiques lourdes. La présence de fellows et de moniteurs cliniques constitue certainement un catalyseur qui va augmenter la productivité scientifique au cours des prochaines années. Des études cliniques portant sur l’évaluation de nouvelles molécules, la pharmacocinétique des antibiotiques, l’épidémiologie des infections pédiatrique et la vaccinologie sont en cours. Considérant l’impasse thérapeutique vers laquelle nous nous dirigeons, nous sommes convaincus que les solutions passent par la prévention des maladies évitables par la vaccination.

De quoi sera fait le futur ?

Nous pouvons dire sans risque d’erreur que l’infectiologie pédiatrique est là pour rester et pour grandir. En effet, d’une part devant les changements épidémiologiques récents et en perpétuels remaniements que nous vivons, et d’autre part à cause de la nature de plus en plus vulnérable des enfants dont nous avons la responsabilité, le besoin de générer et de transmettre des nouvelles connaissances est impératif.

Le développement dans le futur d’une recherche fondamentale en infectiologie pédiatrique appliquée aux situations cliniques de nos jeunes patients constitue une voie incontournable dans le développement et la pérennité de cette nouvelle spécialité pédiatrique.

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Mise à jour le 4 décembre 2018
Créée le 6 février 2015
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